JOURNAL D'YPRES ET
UNE CATASTROPHE,
YPRES, Oimanclie
Beuxième amiée. N° 1.
3 Janvier 1864.
paraissant le Dimanche de chaque semaine.
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J.ES CAISStü O'ÉPABGIIE-
L'utilité, la nécessité des eaisses d'épargne, au
double point de vue du bien-ètre. materiel et de la
inoralisalion des classes laborieuses, n'estcontestée
par personne. L'épargne, dit Michel Chevalier, est
le seul moyén efïieaee d'élever a la propriété ceux
qui n'ont rien. Le travail crée la riehesse, l'é-
pargne réserve une pnrlie de la riehesse créée
pour la faire servir a la produciion d'une riehesse
nouvelle. Cette riehesse, réservée pour ètre ap-
pliquée a la production, est le capital, le grand
agent de 1'amelioration populaire. L'épargne est
un devoir saeré pour tout le monde. Le riche
dissipateur et l'ouvrier debauehé sunt tous deux
enneinis du progrés populaire.
Réuriir les épargnes inème les plus modiques de
l'ouvrier, les faire frueiifier en les tenant cepeiidant
a sa disposition, en garantir le reroboursement
en placjaut ce depót saeré sous la sauvegarde de la
foi publique, assurer a l'ouvrier, pour les moments
«dillïciles ce qui serail trop souvent abandonné a la
dissipation et dilapidé en dé-ordres de tout genre
inoraliser les classes laborieuses en y inlroduisant
plusd'babitudts d'ordre, de conduite et dïconomir;
faire du prolélaire un citoyen intéressé au maintien
de l'ordre social et a ia stabilité du gouvernement
tel eist le bui de ces utiles institutions connues sous
le nom de eaisses d'épargne.
Eu Angleterre, en France, en Allemagne, l'u-
sage des eaisses d'épargne est enlré depuis long-
teinps dans ies rnceurs des cla-ses laborieuses.
L'Angieterre compie 1 deposant sur 15 habitants;
1 Eoosse", i sur 24; la France, 1 sur 36; l'Autriche,
1 sur 54 la Prusse, 1 sur 54.
II ié 'en faut de beaucoup que ces institutions
soient aussi populaires dans notre pays. D'après
les statistiques les plus réeenies, la Beigique ne
coinpte qu'un deposant sur 157 habitants, c'est a-
dire, peu prés 25 pour cent inoins que la France
et plus de 90 pour cent moins que l'Angleterre.
La mème disproportion se fait reruarquer dans
le nouibre des eaisses d'épargne par rapport a la
population de ces differents pays. On compte
En R.lgiqiie, line caisse par 4li,769 habitants
En Aivgl, teÜVe35,159
lïn Éeitssé62,798
En F. ahcc 87,687
Eu Pni.se43 201)
On a votilu expliquer eette indifference de nos
classes oÜvriéFeS a l'egard dés cais>es d'épargne par
le grand nonibre depetits placements offcrts a leurs
économies; on a cité notamment les erhprunts a
primes, fort recherchés par les ouvriers et surtout
par les domestiques. Sans contester la valeur de
cette observation, il est permis de douter qu'elle
donne la véritable raison de l'état d'infériorité que
nous venons de conslater. Nul pays, plus que 1'Al
lemagne, n'a usé, n'a abusé des emprunts a prime,
et, en Allemagne cependant, les eaisses d'épargnes
som florissantes et populairts.
La raison décisive de ce regrettable état de
choses, il faut la chercher, selon nous, dans les
catastrophes qui, depuis 1850, ont successivement
Irappé un grand nombre de nos eaisses d'épargne
et compromis leur crédit aux yeux des ouvriers.
En 1850, lors de la revolution, toutes lés eaisses
d'épargne, sans distinction, ont subi une crisa ter
rible, donl le souvenit- n'est pas perdu.
Les ouvriers n'ont pas oublié non plus qu'en
1838, la caisse d'épargne instituéé par la Banque
de Beigique a dü avoir recours a la garantie de
1 Ëtat ils n'ont pas oublié enlin, que dix ans plus
tard, en 1848, cette rnême garantie a dü ètre ac-
cordée aux déposants de la caisse d'épargne de la
Société Générale, menacée par la erise qui sévis-
sait alors dans toute l'Europe. De tels sotrvenirs
ne sont pas faits, on le reconnaitra sans peine,
pour affermir, dans l'esprit natureiltment crajntil'
LE TOUT PAYABLE DAVAKCE.
YPE1ES, 3 janvier.
B»«»1*.I,BT»S 0!>B3 L'OPIVIIt.V UV 3 JAS*»ES* SW
Suite.(Voir notre u" du 27 décembre).
Je me reproche le faste extérieur de l'ép.iscopat, l'importanee
que je paraissais aitacher a ce eulte vieilli, a ces formes litur-
giques que nous a léguées la poésie du uioyen-age. Je crois lout
céla usé, mort, impuissanl. Au lieu de la poésie, il fuut le vrai
au lieu dés scènes du dra me religicux commè souvenir, il faut
l'adoralion silenciouse, la prii-re' commune, Penseignenient
évangélique dans sa plus nette simplicity. Au lieu de ce qui
parle aux sens, il faut ee qui s'éehappe des iimes. Le temps est
veuu ou l'on doit chercher, pour le Pére, dés adorateurs en
esprit et en vérité.
J'ai laissé croire aussi que j'approuvais le syslème fatal dans
lequels'obgtiue Ja papauté., Quoiqu'il m'eriiait coüté horrible--
ment, j'ai souleuu la nécessité de la puissance temporede des.
papes.' C'ètait cónfrairement a mes plus fortes convictions.
Rome avance sa ruine par une politique aussi inintelligente. Si
elle n'aboulit pas, en Italië, a un sehisme mallieureux, elle ailg-
mentera, ce qui est plus terrible encore, Ia grande scission qui
i'ost taito entre elle et le monde moderne. Elle donne des armes.
térribles aux llbrcs penseurselle reculc le 'moment, oü les
communions dissidentes se seraient réunies a elle, si elle eüt'
eté laige. tolérante, délachéedes vaines grandeurs de laroyauté--
temporede.
Jé voudrais que ma dernfère parole piit arriver aux pieds
du souverain ponlife et lm dire Voila ce que vous demandé un
ie vos frères mouran» Sauvez l'Èglise spiriltielle, el abdiquez,
par uu sacrifice nécessaire, une royaulè donl il ne.vous reste
plus qu'un miserable debris.
Je veux que l'on sa (he que j'ai foi dans l'avenir deT'idé'c chré-
tienne, dans la parole que nutte autre legislation religieuse et
aiorale nercmplaeera AimeaDien, aiinez les hommes vos
frères. Kais j'ai la conviction que le ehristianisme va subir
une immense transformation. Tout lechafaudage de mysti
cisme, de poosic, tie formes extérieures brillanles deslinées a
parler mix sens va s'aei'ouler. II restera ee qui scul est
grant!, l'èvangile impérissabls, ialoi magnilique de l'amour
eni're'lc-s'homwiesi
Ayant a demander bientol a Dfeu pardon et miséricorde pour
mes 1'anics el, noes f-iib.esses d'bomme, je ne puis pas téguer
une seule pensee de baiuo.
Toutefois je dois prémunir la société chrelienhe contre l'en-
vabissement des or'dres 'réligieux eten particulier de la Com
pagnie de Jésus, le plus ardent dans ses eonvóitises de domina
tion sur ie monde. Je veux croire que ciiacun.de ses meuibies
esl animo du désir ie plus pur de faiie le bic» mais.le.uj"
ordre se sert de moyens bumains, par conséquent de'tnoyeiis
mauvais, poa honorables, qui rappéllent trop les ruses de ia
politique bumaine et qui'ccrtaineinenl üe'sont pss clTiiéliens.
Je sais sur eet ordre beaucoup, de choses. Je l'ai souleuu exté-
rieuroment cela eiitrai.! dans le sysièine général que j'ai eu le
malheur de servir. Mais ma conviction inljijlfe est eellc-eiLes
oidres religieux ont fait leur temps.
Des sociclés ebaritablqs telles que Je comprsnait saint Vin-'
cent de Paul, jour adoucir les inisères du peuple, sufllsent
maintenaul, jusiju'a ce que lés amelforations sociales doiincnt
a tous le bien-ètre, dans'la familie bumaine, par le travail, telle
grande loi divine qu'il faut associera ceile de l'amour.
Je nevois plus riena ajouter a cesaveax penibies, sinon mes
espérances que, dans ie, cjergé de eetle Erance que j'ai tunt
ainièe et qufesf 1c cceur tout cltaud dé i'buihanité actuelle, il
grundisse des hommes qui aienl plus de Coura<ge que je n'en ai
ea moi-incnie et qui sedéclarenl les apólres de la conciliation
nouvelle entre le monde qui dèserle la foi et la religion cliré-
lienne mal pi èehée et mul comprise.
Puisse liieu vous bénir, eher Julio Vous m'avez donné. par
voire, predication lout évangélique, une des plus pures jouis-
sances de ma vie.. Vous èles certaiuement L'u'a des apèlres de
1'Èglise de,l'avenir. Quand vous serez persécuté, et vous le, screz
dï? demaiii, jtisque dans ma niaison et en présencè dejnes'
resles encore non refroidis, quand tous vous jelteronl l'ana-
tbéme, neperdezpas votre oonüance dans l'avenir. Varrez-
vous de meiileurs jours L'aurore du cbri.stiantsme transforrné
aura-l-elle, pour votre regard, qüelques-mies de ses premores
lueurs, avant qu a voire.tour vous descendicz dans ia tombe
Je I ignore mais que mon triste excmple et que ma peasée vous
suivent loujours.
t ous n'aurez pas, vous. a faire le testament de votre doulenr,
a proclamer voire faiblesse et les abaissements <ju menie l'aui-,
bi!ioii\ousaut'ez portéie fron't haul devant les liomViès, i-t"
quand vous p'araftréz devant Dieu, ce front resplendira de t'ati-'
réole de la vérité donl vous aurez été Tapótre.
Adieu, inon cher Julio, aiiieu, mon enfant Je sens que mes
forces s'èpuisentle cerveuu ne rend que faiblement mes idéés."
Ii ine faut, a>cbn'que pensee, 'un effort snriiumain potir lui coni-
muniquerson activiie ilerhiére. J'oubliais pourtant une impor-.
tante recommandation.il y a la uuelellre: pi euez-la. Elle émane-
des Jésuites. Aucuu membre de mon clergé n'aurait eu i'inso-
lcncc dc m écrire de la soi'lc. Gardez celteic'ttrë je vous la con-
iie personnelleinent. C'est un ^locument qui në' d'ait pas olie.
perdu pour I bislojre. II faut que l'on sacbe qu'un archevêque,
un cardinal de 1 Eglise romaine, a pu étre menace en France,
par les Jèsuites, des foudres de Rome.
L'organisution usee il'un vieillard n'a pas pu resistor a une
terribfe émotiuu. J'ai eu a soulcniruue.Iulte péntble .eontré ma
pauvre saiur. La ietlre des Jèsuites m'aportélc deruier coup.
Je mcurs martyr, car c'est on baine' dé vous el dt la vérité que
vous leur avez si éloquemmeiit jelée a la face, qu'il® som venus
me frapper. Je leur pardonne, eai- ce sont des fanntiques aveu-
gles.I'uisse ma inort expier toutes les laclietés de. ma vie, en
face'de la'vérité 'Adieu Juiio. Ne me quillez pas. Vous nis
férmerez les yeux.
Faites enlrer ma soeur et lout le monde.
Les derniers sacrements furent administrés au malade.
II put encoré priér ave? quelqne attention. Quand'le prêtre'
prononca le magnilique appel aux splendours de l'immortalilé
Parlez, ame ciiretienne! Ie vieillard reprit une dtrnière
fois la parole. II aj peia.sa soeur. 11 tui piessa les mains.
Adieu, ma soeuri
Et regardanl ses servitcurs
Adieu, mes amis.
El il entia dans une douloureuc e agonie.