JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, IHmanche
Deuxième amiée.
N° 11.
13 Mars 1864.
paraissant le Dimanche de chaque semqine.
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YPSttS, 13 Mar».
I.a !oJ sup 1'expuDioii de» ctrangers.
Dans la seance de la Chambre des Représentants
du 5 de ee mois M. le ministre de la justice a dé-
posé un projet de loi ayant pour objet de proroger
de nouveau la loi de 1S55 concerriaut ('expulsion
ties étrangers. On sait qu'en vertu de cette loi, le
louvernemenl, rnaiire absolu de la personne de l'é-
tranger, peut contraiftdie celui ei a s'éloigner d'un
certain lieu, a habiter dans un lieu déterminé ou
inémea soriir du royauuie. 11 siiflit, pour eela, que
cel étranger, par sa conduite, soit suspecte de trou-
bler la tranqaillité publique. On sait aussi que, vo
tée en 1855 pour un terme de trois aunées seule-
inent, el le a été suceessivemeni prorogée de trois en
irois ans jusqu'au 1"° mars 18G4, époque a laquebe
el le a cessé d'ètre en vigueur.
Devons nous le dire? nous avions espéré que le
ministère, éelairé par les récenles' discussionsdont
ia loi de 1835 a été l'objel au Congrès des sciences
soeiales et dans les meetings, cédant aussi au senti
ment universel de reprobation qu'elle inspire et
qui vient de se manifester d'une mantère si écla
tante dans une longue série do petitions adressées
a la Chambre, nous avions espéré, disons-nous, que
le ministère aurait eompris la néeessiié de la modi-
lier profoadément, au point de vne, surtout, des
garanties a donner a l'étranger contre l'arbitraire
qui le regit aujourd'hui.
Nous nous étions trompés. Non-seulement, le mi-
nistèredematKle ie maintient pur et simple de la loi
de 1855, mais ilsemble qu'ilehetchea fuir la discus
sion et a en rejeter lesembarras surjeministère fu-
lur. Ce projet, a dit M. Ie ministre, a, sous cer
tains rapports, un caractê-ie politique et, ce point
de vue, le cabinet démissionnaire eüt désiré ne pas
devoir en saisir la Chambre; mais, d'un autre eöté,
il a, dans l'opinion du gouvernement, un carac-
lère d'utilité et mème de nécessité incontestable;
et, malgré la position du ministère, il a eru devoir
le soumettre aux délibéralions de la Chambre.
L'assemblée vtrra si elle veut s'en occuper et, en
cas d'aftirmalive, s'il u'y a pat licu d'en réduirt le
durée, de manière qu'une discussion approfondie puisse
séiablir prochainement sfut lous les points de la loi, en
presence d'un cabinet défmitif.
Cette petite manoeuvre n'a pas réussi. Le débat
approfondi aura lieu et il faudra bien, bon gré mal
gré, que le ministère l'accepte. La section eentrale
chargée de l'examen du projet de loi vient d'adres-
ser au ministre de la justice UDe série de questions
(jui témoignedesa volonté d'ètre éclairée d'une ma
nière compléte,tant sur l'ensemble de la legislation
qui régit les étrangers en Belgique que sur la ma
nière dont cette legislation a été appliquée depuis
1848. 11 y a done lieu d'ètre assuré que cette im
portante discussion ne sera pas étranglée, et que
cette fois-ei, du moins, la voix de la liberie, du pro-
grès, de la civilisation pourra se faire entendre
pour réclamer en faveur des'étrangers les garanties
que leur refuse une legislation violalriee du droit et
de la justice, digne pendant de toutes ces lois dites
de salut public, qui ont laissé a travers l'bistoire
une trainee de bone et de sang.
Nous aurons occasion dans un proehain numéro,
de revenir sur les graves questions que le débat va
faire surgir. Mais nous ne saurions, en terminant,
résister au désir da mettre sous les yeux de nos
lecleursl'un des plus remarquables passages du dis
cours prononcé par M. Madier-Montjau au Congrès
das sciences soeiales, discours ou la condition des
étrangers en Belgique est dépeiiite en traits de feu.
Parlant de la loi de 1855, l'orateur disait
L'épéede Damoclès était moins menaeantesurla
tête du courtisan de Denys queeette loi qui,sanscesse
suspendue sur l'existente toute entière de l'étran-
ger, lui crie sans cesse demain, aujourd'hui peut-
élre, pour la moindre faute, pour un oubli de ton
devoir ou de la diguité, qu'aucuue loi n'a noté
comme un crime, comme un délit, eomme une con
travention, mètiie eomme un quasi délit, qui, tout
au plus, est justiciable de la conscience et de l'opi-
nion publiques; que dis je? pour une rancune pei-
sonncl'e. pour un intérèi ministeriel, pour une co-
lére politique tu peux ètre contraiut de reprendre
ton baton de voyageur, et d'albr, aprés dix ans,
quinze ans d'une vie irréprochable, demander a une
autre terre la charilé de tou gite. Tu eroyais avoir
un foyer? La pierre en est brisée et les cendres en
sont je'ées au vent! Tu avais consacré la inoitié de
tavie a te faire de nouveaux amis quitte-les Vas
a la fiontière que tu aura's choisie, avee la feuille
de route qui marque tes étapes comme celles du
vagabond oudu FORCAT L1BÉRE Vas et ne
reviens pas, sous peine d'un juyement correclionnel
cette fois et de SIX MOIS DE PRISON
'En vèrité, je vous le dis, la condition du la-
quais dans la maison dont les maiires se respeetent
en la personne de leurs serviteurs, est meilieure
que cel le de tel homme public que le sentiment du
devoir et Ie crime de ses ennemis ont mis sur la
terre étrangère la merci de ces lois.
A propsss de la question <!ss» CSnietièee».
Naguère, il y a de cela quelques vingt ans, moins
peut-être, le cimetière d'Ypres avait un endroit non-
bénit, un coin des réprouvés, comme disent 1 s dévots,
oü l'-on enterrait, pardon, oü l'on enfouissait, pour
conserver le langage des susdits, tons ceux qui mou
rairnt hors de l'église csthoüque, juifs, protestants,
libres penseurs, enfants non-b,iptisés, pauvres diables
de suieidés et autres maudits. Dans ce coin, sis <k
gauche en entrant, gisaient enfouis notamment les
restesd'un colonrl bollandais, noramé Dejonghe, au-
quel sa familie avait fait élever un petit mausoiée, en
forme d'obélisque, depuis longtemps dtsparu, mais
quebeaucoup ont vu et se rappellent. Aujourd'hui
et depuis des années déjS, ce même coin, comme cba-
cunsait, serE a l'inhumaüon dcsüdcles tout aussi bien
que les autres parties du cimetière. 11 faut done croire
que l'anathèmo qui pesait sur lui et rendait son atgile
stérile, dure et déshonorante pour les morts a été levé
et remplacé par une bénédiction qui a restitué £t la
terre sa légèreté, sa verdeur etsa virginité originelles,
L'herbe y pousse, en elïet, aussi drue, aussi verte et
aussi émaillée de fleurs que dans les autres coins, et
l'oiseau du ciel ne dédaigne plus d'y venir chercher
sa püture ou reposer ses alles fatiguées. On sait que
jadis, tout au contraire, le sol y était nu, crevassé,
noir et fumant comme si la foudre y était tombéopas
une touffd d'herbe, pas une fleur, pas un brin, et ja
mais le moindre petit oiseau du bon üieu y abaissant
son vol et sa chanson.
Done cela est tliang'é ce coin est réhabilité et bé-
nit. Trés bien Mais, je le demande ri'importe qui
et le désire ardemmentsavoir:qu'a-t on fait, s'il vous
plait, des ossements de mécréants et de damnc's qui y
avaient étédéposés, et y attendaient, avecla patience
des marts, le grand jour, 1e jour intime de la résur-
reciion et du jugemeni? Les a t-on, comme 1 -s restés
de Voltaire et de Rousseau au Panthéon, enlevés nui-
tamment. ainsi que des ordures, pour all t, a la faveur
des ténèbresles jeter pieusement,dans quelque c oaque
ob.-cur ou dans quelque égoüt ignoré? La chose n'est
pas positivement impossible, remarquons le bien, s'il
vous plaltcela s'est vu, je m'exprime mal, cela s'est
fait, preuve l'exemple eité tantót. La sollicitude clé-
ricale pour les morts qui ont payé l'Eglise la dime
funéraire est grande et vigilante ces morts y ont
droit au surp'us. On ne paie pas les dernières prières
et les dernières cérémonies k poids d'or, pour êire
ensuite confondu avec ceux qui, se passant des unts
et des autres, s'en vont gratis au cimetière ainsi que
des gueux et des truands. Comme au théatre. ceux
qui ne veulent payer doivent rester a ia porte. Qui
p -endrait des billots, sans c-la Et puis, voyez les in-
eoavénients, le danger même d'une confusion de tom
bes Si, au jour des grandes assises de Josaphat, 1< s'
anges, exécuteurs des ordres de Jéhovah, allaient se
méprendre, trompés par ces relations invraisembla-
btes de voisinage entre des élus et des réprouvés?
S'ils allaient les confondre, eux aussi, en un même
groupe bon ou mauvais ou bien, pis encore, pren
dre l'un pour l'autre, caser promptement un protes
tant au ciel et fourrer étourdiment un catholique en
enfer On le voit, il y a la de quoi réfléchir et même
de quoi.... pétitionner.
Revenant Si la question et l'hypothèse de tanlót,
je dirai toutefois que j'opine, part moi, que 'les sus
dits ossements n'ont point été enlevés ni jetés la
voine. On les aura laissés en place, non pas précisé-
ment par respect pour les tombes (nous savons S quoi
nous en tenir a eet égard),mais par respect pour la po
lice qui.chez les nations chrétiennes et civilisées.veiile
attentivement au repos des moris, et recherche avec
soin les violateurs des sépnltures quels qu'ils soient.
C'est l'opinion commune du reste, que, lors de la bé
nédiction du coin maudit, aucune exhumation, même
clandestine et nocturne, n'a été perpétrée. Mais cela
étant, que signifient alors, s'il vous plait, ces cla-
meurs et ces imprécations des o:n;s, 4 chaque fois
qu'on vient inhumer un libre-penseur en terre bénite?
Q,ie signifie aussi cette violente revendication de ia
L'OPINION
LE TOUT PAYABLE d'aYANCE.