JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
YPRESj Dimanche
Denxième annce.
IV0 11.
2D Mars 1864.
PBiX D'ABONNEBIENT
POUR LA BELGIQUE
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La Iffli sur Triputsiou des étranjers.
Voici une question qui ne regarde en rien nos
divisions politiques intérieures, une question grave
entre toutes, cepcndant, car e!le touche a deux
ehoses essentiellement chères a un peuple libre, sa
dignité persoiinelle et son honncur l'étranger.
Celte question, nous la posons a nos amis politiques
oom me a nos adversaires et nous leur demandons
de nous dire si, dans leur conviction intiine, i! est
conforme au droit, a la jusiice, a nos vieiIles tradi
tions hospilaltères, que l'étranger, en Belgique,
soit abandonné, sans autre garantie que la respon-
subilité miuislérielle, a la discrétion du gouverne
ment.
Dans un pays comrne le nótre, si justement fier
de ses institutions libérales et de sa bonne renom
mee d'hospitalitéil semblerait qu'une pareille
question nedüt pas mème ètre posée. Et vraiment,
en principe, cbrcun accordo volonliers que l'étran
ger a droit a une protection sérieuse, efficace. En-
nemi de l'arbitraire, le citoyen beige n'en veut ni
pour lui mème m pour les aulres. Mais s'agit-il de
iraduire en fait ces larges principes, le moment est-
ilvenu de garantir, par des lois positives, les droits
que Fon a reeonuus en théorie, tout change aiors,
mille objections surgisserit, les suggestions de lé-
goï-me prennent le dessus el la peur, se eachant
derrière la Raison d'état, finit par étouffer la voix
de la justice el du droit.
Nous ne sommes pas inscrisibles aux considera
tions de prudence que Ton invoque en cette matière.
La Belgique, petit pays entouré de gouvernements
puissants et ombrageux a autre chose a faire que
ie s'abandonncr sans réserve aux mouvemènts de
sa sympathie; elle a des ménagemehts garder,
nous dirons plus elle a des devoirs a remplir vis-
è-vie des gouvernements étrangers avec lesquels elle
vit en bonne intelligence. C'est assca dire que nous
ne réclamons pas, en faveur des étiangers que le
malheur des temps éloigne de leur patrie, une li-
berié absolue, saris limites. Nous reeonnaissons, au
contraire, qu'a cóié du droit de l'étranger, il y a ie
droit incontestable du pays qui lui donne asile, de
veilier a sa propre sécurité, en empèchant que la
conduite de eet étranger sur son terriioire devienne
une source da troubles a l'intérieur ou d'embarras
avec des gouvernements amis.
Mais cette part faite a la prudence et, pourquoi
ne le dirions pas? aux circonstances du temps, il
convient de faire celle du droit, de la justice Or,
cette part, la loi de 1853 i'a faite, selon nous, trop
petite ou pour parlerplus exaetement, elle l'a com
plétemem néghgée. La loi de 1835 lïvre l'étranger
a l'arbitraire-absolu de l'administration. Nous ne
voulons pas pour lui de eet arbitraire, qui le laisse
a la merci de tous les caprices, de toutes les f?,i-
blcsses, de toutes les condescendanees du pouvoir.
Nous réclamons, en faveur dc celui qui vient cber-
cber, sur ia terre hospitalière de Belgique, un&bri
contre les orages de la vie politique, une protection
sérieuse, efficace et cette protection sérieuse, effi
cace, notis ne la trouvons que dans l'interventioa
des tribunaux, Jout l'indcpeiidauee et les formes
solennelles de procédure nous inspirent une pleine
et emière conüance. Ce que nous voulons, c'est que
l'étranger, frappé d'expulsion par uric rnesure ad
ministrative aujourd'bui sans appel, trouve désor-
mais des juges devant qui il soit admis sedéfen-
dre et qui puissent, au besoin, le protéger contre
les menaces du pouvoir.Quoi, uu étranger, préveuu
d'une simple contravention de police, menacé d'une
simple amende, pourra réclainer des juges. disculer
libremcnt, pubiiquement, l'aceusatio» portéecontre
lui il pourrft, de la sentence qui le uundamne, en
appeler a une juridietion supérieure, se pourvoir
mème en cassation s'il eroii que la loi a été violée,
el quand il s'agira de son expulsion, c'est-a-dire
d'une poi'ne qui sera parfois sa ruine et cede de sa
familie, quaud il s'agira pour lui de quitter, d'un
jour a i'autre, sa patrie d'affeelion, ses amis, tout
ce qui a adouci I'amertune de son exil, il faudra
qu'it subisse en silence, sans aucun reeours possi
ble, le décret qui «jetje au vent les cendres de sou
/dyer No.», mille fois non, eela n'est pas po.ssi-
b.e! L'humaiiite indignée protestc euntre un pareil
abus.
II y a bien une objection et une objection d'au-
tant plus diffi. ile a détruire que les partisans du
régime du bon plaiair n'osent pas la produire dans
toute sa crudilé. Lesquestions d'expulsion, disent-
ils, sont intimement liées la politique générale
du gouvernement ct, comrne telles, elles ne sau-
raient, sans de graves iuconvénients, ètre déférées
a l'examen et a la publicité des tribunaux. Le pou
voir exécutifdoit rester seul juge de Fopportunité,
de la nécessité des mesures a prendre a 1 egard des
étrangers, paree que seul il est responsable de ia
Iranquillité intérieure et extérieure du pays. Lui
enlever cette prerogative pour la transmeltre aux
cinquanle ou soixante tribunaux qui fonctionnent
en Belgique, c'est diviser !a responsabilité au point
de la rendre illusoire et risquer de compromettre
nos bonnes relations avec les puissances étrangères.
L'objection ainsi formuiée prouve trop pour ètre
fondée; car s'il est vrai que l'arbitraire soil seul ca
pable d'assurer la sécurité du pays quand il s'agit
de réprimer les troubles que les étrangers pour-
raient y apporter, on ne voit pas pourquoi ces
mêroes troubles, ayant pour auteurs des Beiges
d'origine, ne devraient pas ètre réprimés de la
mème manière. Des B.lges sont surpris eonspirant
contre un gouvernement étranger on leur donne
des juges.Onse révolterait a. l'idéequ'un gouverne
ment étranger osat réclamer leur condamnation
par voie de mesure administrative, on n'aurait pa3
assez d'anathèmes contre son insolence. Mais au
lieu de Beiges, ce sont des étrangers qui ont con
spire, et voila que l'interventioa des tribunaux est
devenue un danger et qu'il faut absolument livrer
les coupables a l'arbitraire d'un décret, si l'on ne
veut pas que nos bonnes relations avec les gouver
nements etrangers se trouvent compromises. On
chercherait en vain la raison de cette difference.
Mais les partisans du bon plaisir minislériel n'osent
pas toutdire: cequ'ils redouient surtout dansl'inter-
vention de la justice,c'est la publicité des débats, le
droit de défensc consac-ré au profit de l'aecusé, 11
nécessité oü se trouverait ie gouvernement d'étaler
au grand jour et de discuter pubiiquement avec
l'étranger les rnotils de la sentence piononcée con
tre lui. Us eomprennent mieux que nous encore,
eux qui ont passé par les affaires, que, dans de
semblables conditions, certaines expulsions davien-
draient impossibles, et dans i'ardeur qui les pousse
a préserver la Belgique tie dangers imaginaires,
c'est au nom mème de la patrie qu'ils la voudraient
asservir a toutes les exigences de l'étrangi r.
Et nous aussi, nous savons ee que nous devons a
Ia prudence; aux nécessités politiques,a l'empire des
circonstances; mais nous savons aussi ee que nous
devons ii la justice, a l'lionneur de noire nom, a
ces vicilles traditions d'hospitalité dont ia Belgique
a le droit de s'en orgueillir plus, peut-ètre, que de
ses libertés publiques. La prudence change de
nom la oil cesse la justice elle n'est aioi's qu'un ex-
pédient misérable, indigne d'une nation libre. (ie
n'est pius de la prudence, s'est de la eouardise. Ré-
pétons le une derniète fois La Belgique a le de
voir d'être juste covers les gouvernements étrangers
comme envers les individus, mais l'arbitraire n'est
pas la justice, il en est ('antipode et la négation.
Des juges done et rien que des juges si nous vou
lons rester dignes de notre passé et de notre pro
pre estime. Des juges et rien que des juges, si nous
ne voulons pas que notre chère patrie perde tout
prestige aux yeux de l'étranger, aux yeux de crux-
la mème qui exploitent aujourti'hui nos terreurs,
pour nous arracher de honteuses concessions.
A défendre la cause des proscrits, nous n'igro-
rons pas les suspicions, les interpretations malveil-
latites auxquelles on s'expose. Qui sait si demain,
quelque journal conservatoir ne rétournera pas
contre nous nos sympathies pour nous en faire un
crimed'Eiat? De semblables accusations ne sau-
raient nous atteindre et surtout nous faire dévier de
la lignedu devoir. Malheureux pays, du reste, et
bien prés de sa perte, lejour oü ie eri d'un homme
qui dernande des juges pourrait ètre considé.
comme un eri séditieux
Le Progrès est sorli de sa longue et profonde lé-
thargieet, comme il arrive fiéquemmenl celui qui
est réveiüé en sursaut, il exhale sa mauvaise humeur
en gros mots. C'est l'Opinión qui cc tie fois encore est
l'objet de ses amabilités.
l'N NliMÉUO 23 CENTIMES.
L'OPINION
LE TOUT 1'AYAIlLE 1)'AVANCE.
paraijjsant le Dimanehe de chaque semaine.
T2*BIES, 2® Mars,