JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT 3 Avril 1864. Lf. tout payable ii'ayance. YPRES, Dimanche Deuxième année. N° 14. PARAISSANT LE DIMANCHS DE CHAQUE SEMAINE. l'IUX l)ES AAAOM'ES ET DES RECLAMES 10 centimes la petite ligne. Corps du journal, 30 centimes. PRIX II'ABOXIKIIEXI POUR LA BELG [QUE 8 francs par anj 4 fr. 50 par semestre. Pour l'Etrajiger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes. Laissez dire, laissez-vous bl&mer, mais publiez voire pensée. On s'abonne a Ypresau bureau du journalchez Félix Lambin, imp.-lib., On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutesl lettres rue de Dixmude, 55. om envois d'argent doivent étre adressés franco au bureau du journal. YPRES, 3 Avril. Les affaires générales continuent a se trainer péni- blement dans ['incertitude. II semble que les diplo ma tes et les hommes d'Elat ont peur de toute parole qui pourrait les engager ou laisser pénétrer le fond do lèur pensée. Peut-être encore serait-il p'us vrai de dire que ni leurs engagements ni la fócondité de leur pensée ne les gênent beaucoup, mais qu'ils se tien- nent a l'aflfut de la sotlise a'autrui pour en faire, se- lön le cas, leur profit ou, au moins, un expédient. Au temps de la naïveté du public, la diplomatie avait beau jeu la perfidie qui réussissait était appelée ha- b'ileté, la force avait rsison incontestablement el im- pitoyablement. II n'y avait point de violence, point de hontequeDieu lui-même ne fut appelé a sanctionner: quand le pape ou Ie roi avaienl parlé il ne restait a Dieu el au people qu'a obéir. Ces temps ne sont plus, mais il en reste quelque chose témoins les Allemands en Danemark, le roi de Prusseen Prusse, les Francais a Rome, Monseigneur de Bonnechose en France. Mon seigneur de Malines chez nous et le pape partout. Dans l'avenir, friponner un homme ou un peuple sera appelé du tnême nom. Celui qui entreprendra de vo- ler le duchè de son voisin sera arrêté corame celui qui en veut a la montre d'autruile souverain qui aura frichésubira le sort du grec dont on a trouvè les carles biseautées, et les diplomates et les ministres qui auronl menti seront écartés comme on écarté les malhonnêtes gens. Mais nous n'en somtoes pas la. Le sens commun a encore a compter avec les cardi- naux et la probitéavèc les gouvernements. Nous som mes la transitionnous avons gagnó que les peuples ne regardent plus bêtement briser leurs intéréts et escamoler leurs droitsils voient ce qu'on leur fait. Déja ['indignation leur arrive, mais ils laissent faire encore. C'est que la grande police politique n'est pas organisée. Aussi l'empire est toujours a I'intrigue; la diplomatie tripote son jeu et les foudres sont telle- ment amoncelées et comprimées dans le Vatican qu'elles vont tout a l'heure le faire éclaler et qu'elles s'èchappent par les fissures. Le mal que ces foudres, ces intrigues, ces violences peuvent faire encore est peut-être moins grand qu'on ne croit; mais le droit c'est l'avenir et Ie présent, c'est la crise, c'est I'incer- titude, l'absence de stabilité et de confiance. Les pro- jets perfides des gouvernements d'Aulriche et de Prusse échoueront devant la raison de la nation alle mande. Le nouveau coup-d'Etat qui se prépare en France n'aura qu'un temps et sera peut-être l'aurore après la nuit. La parole de Mgr de Bonnechose qui jadis aurait fait hausser le gibet ne fait hausser que les épaules. On voit de toutes partsla vérité soulever la terre et pousser ses tiges au soleil, mais en attendant l'humanité entière vit dans la soufFrance le travail chóme, l'esprit se recourbe sur lui-même, le génie est sans essor et l'ème sans feu. Voila la situation la crainte du lendemain, ['in certitude en tout de la, l'abstention pour le com merce, la paralysie pour l'industrie, le jeu finan cier des bourses sans fécondité pour les intéréts matériels, la lutte des partis philosophiques sans fécondité pour les intéréts moraux. S'il faut sortir de la par la violence, mille fois mieux vaudrait en finir tout de suite mais si l'antique crime de la guerre est la menacanl et prêt a recornmencer son oeuvre, Dieu veuille qu'il trouve enfin en face de lui le droit et la conscience de l'humanité Dieu veuille que la conscience et la raison prennent en fin possession de leur patrimoine légitime, après avoir fait rendre un compte terrible ii ses vieux tu- teurs théocratiques et diplomaliques. A l'intérieur, notre parti catholique reflate fidéle- ment la situation des vieux systèmes aux abois en Europe. G'est la rnême colère, aveugleet impuissante, la même puórilite dans les expédienls, lo rnême dé- sordre dans mille projets enfantés par la peur, par l'impatience, par la confusion, la même rage, le même désarroi, la même ineptie. A les entendre, ils vont réorganiser le gouverne ment, les finances, l'humanité. lis ne laisseronl pas pierre sur pierre de tout eet edifice libéral. Ils vont refaire la commune el décentraliser le gouvernement tantót leslibéraux sont des sans-culottes, et tantót cu sont des égoïstes paresseux ne songeant qu'a res- ter mollement couchés dans les voluptés des minis tères: l'un proclame que la liberté de Ia presse rend la vie sociale impossible, l'autre proposera aux Cham- bres des lois pour reconquérir les droits de la presse. La un cardinal appelle le bras de l'Etat pour protéger les saines doctrines, ici or, jure que l'Etat a trop de souci de la religion, que la religion doit marcher fibre et seule A droite, la liberté, rien que la li berté a gauche, réprimez la liberté! La liberté creuse un abime. La le pays est tout catholique, et tout catholique peut faire un ministreici les catholiques ne sau- raient être tenus a prendre le pouvoir parce que la situation ne leur est pas assez favorable. L'un va tout abaltre l'autre va tout construire et fait un étalage pompeux des innovations, des libertés qu'il va mettre au jour et auxquelles les libéraux n'avaient jamais songè. Est-ce assez d'extravagance I Et cependant tels sont les pauvres hères que l'élection a remis en faveur, telles sont les têtes folies au milieu desquelles il faut chercher des ministres, telles sont les tristes épaves du fanatisme et de l'ignorance qu'un moment d'égarement nous menace de voir monter au gouver- nail de l'Etat pour le conduireau milieu des difficultés actuelles de l'Europe. Au journal le l'ÜSOUKÈS. Veut-on que les principes libéraux s'infiltrent dans l'esprit du peuple et s'y enracinent définitivement, l'abri de toute attaque ou de toute concurrence? Que le parti qui s'est imposé la mission de soutenir ces principes soit le parti impartial, Ie parti désintéressé, le parti juste, le parti honnête par excellence. Done, a chacun selon ses mérites et selon ses ceuvres. Done, justice et repartition equitable dans la colla tion des emplois. Done, pas de ces préférences scandaleuses, pas de ces passe-droits honteux, pas de ces injustices criantes qui soulèvenl la conscience publique. Done, pas de ces faveurs que rien ne justifie et qui n'ont d'autre résultat que d'asseoir la privilége et la domination des coteries sur la suggestion et I'intérêt méconnu de la généralité. Done, pas de ces iripotages ignobles qui n'ont qu'un but acheter les consciences, baillonner les convic tions, et qui semblent faire d'un parti une armee de mendiants, le nez toujours en Fair, cherchant a flairer de quel cóté souffle le favoritisme, jusqu'a ce que com- bles de tous les honneurs, satisfails, repus, ils s'en- dorment enfin dans leur immobilité. Voila ce que nous souhaitous, ce que nous de- mandonsce que nous exigeons pour lo parti li béral et, si c'est la ce que Ie Progrès appelle les principes du libéralisme avancé, nous nous fai- sons gloirede propager ces principes, bien convaincus que nous avons avec nous tous ceux que les calculs égoïstes ou une ambition effrénée n'ont pas encore aveuglés. Laissons de cóté la singuliere thèse de ce journal qui cherche dans ses vingt-trois années d'exis- tence la preuve de sa sagesse, de sa fer- meté jet de sa moderation. Si ces qualités se mesurent au nombre des années, nous ne voyons pas pourquoi le Propagateur, dont ['existence vaut deux fois celle du Progrèsne viendrait pas aussi un beau jour s'administrer une double dose de <i libéralisme modéré et pratique, j Ce n'est pas la sans doute la conclusion qu'il a voulu donner ses paroles, el il nous est impossible, quant a nous, d'y voir autre chose qu'une de ces réclames a grand renfort de grosse caisse auxquelles certains jour- naux ont recours a l'époque du renouvellement des abonnements. Mais que signifie ce libéralisme modéré et pra- o tique que vous avez défendu avec énergie et que vous faites sonner a tout propos si fort nos oreilles? Que veulent dire cette indulgence, cette bienveillance pour ceux de vos co-réligionnaires politiques que de petites passions égaraient mo- mentanément Nous ne remonterons pas a vingt-trois années, quoi- que nous soyons certains de trouver dans votre passé plus d'un acteédifiant. Nous nous renfermeronsstric- tement dans l'histoire de ces derniers temps. Dans un canton de notre arrondissement, vous combattiez un candidat au conseil provincial dont le libéralisme n'était rèvoqué en doute par personne, pas même par vous vous l'attaquiez dans vos colon nes, vous l'injuriez, vous le calomniez; vous lui op- posiez un homme dont tous les antécédenls étaient cléricaux. Pourquoi Parce que eet homme était votre ami personnel. Dans un autre canton, un autre candidat au con seil provincial vit se dresser devant lui une foule d'ob- stacles. II offiait les garanties les plus sérieuses de libéralisme, il fut élu a une grande majorité. Vous aviez employé néanmoins contre lui toutes les intri gues et vous n'y renonciez qu'après avoir acquis la certitude qu'il était impossihle de faire réussir un des vótres. Pourquoi?

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L’Opinion (1863-1873) | 1864 | | pagina 1