JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
3 Avril 1864.
Lf. tout payable ii'ayance.
YPRES, Dimanche Deuxième année. N° 14.
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YPRES, 3 Avril.
Les affaires générales continuent a se trainer péni-
blement dans ['incertitude. II semble que les diplo
ma tes et les hommes d'Elat ont peur de toute parole
qui pourrait les engager ou laisser pénétrer le fond do
lèur pensée. Peut-être encore serait-il p'us vrai de
dire que ni leurs engagements ni la fócondité de leur
pensée ne les gênent beaucoup, mais qu'ils se tien-
nent a l'aflfut de la sotlise a'autrui pour en faire, se-
lön le cas, leur profit ou, au moins, un expédient.
Au temps de la naïveté du public, la diplomatie avait
beau jeu la perfidie qui réussissait était appelée ha-
b'ileté, la force avait rsison incontestablement el im-
pitoyablement. II n'y avait point de violence, point de
hontequeDieu lui-même ne fut appelé a sanctionner:
quand le pape ou Ie roi avaienl parlé il ne restait a
Dieu el au people qu'a obéir. Ces temps ne sont plus,
mais il en reste quelque chose témoins les Allemands
en Danemark, le roi de Prusseen Prusse, les Francais
a Rome, Monseigneur de Bonnechose en France. Mon
seigneur de Malines chez nous et le pape partout.
Dans l'avenir, friponner un homme ou un peuple sera
appelé du tnême nom. Celui qui entreprendra de vo-
ler le duchè de son voisin sera arrêté corame celui
qui en veut a la montre d'autruile souverain qui
aura frichésubira le sort du grec dont on a trouvè les
carles biseautées, et les diplomates et les ministres
qui auronl menti seront écartés comme on écarté les
malhonnêtes gens. Mais nous n'en somtoes pas la.
Le sens commun a encore a compter avec les cardi-
naux et la probitéavèc les gouvernements. Nous som
mes la transitionnous avons gagnó que les peuples
ne regardent plus bêtement briser leurs intéréts et
escamoler leurs droitsils voient ce qu'on leur fait.
Déja ['indignation leur arrive, mais ils laissent faire
encore. C'est que la grande police politique n'est pas
organisée. Aussi l'empire est toujours a I'intrigue; la
diplomatie tripote son jeu et les foudres sont telle-
ment amoncelées et comprimées dans le Vatican
qu'elles vont tout a l'heure le faire éclaler et qu'elles
s'èchappent par les fissures. Le mal que ces foudres,
ces intrigues, ces violences peuvent faire encore est
peut-être moins grand qu'on ne croit; mais le droit
c'est l'avenir et Ie présent, c'est la crise, c'est I'incer-
titude, l'absence de stabilité et de confiance. Les pro-
jets perfides des gouvernements d'Aulriche et de
Prusse échoueront devant la raison de la nation alle
mande. Le nouveau coup-d'Etat qui se prépare en
France n'aura qu'un temps et sera peut-être l'aurore
après la nuit. La parole de Mgr de Bonnechose qui
jadis aurait fait hausser le gibet ne fait hausser que les
épaules. On voit de toutes partsla vérité soulever la
terre et pousser ses tiges au soleil, mais en attendant
l'humanité entière vit dans la soufFrance le travail
chóme, l'esprit se recourbe sur lui-même, le génie est
sans essor et l'ème sans feu.
Voila la situation la crainte du lendemain, ['in
certitude en tout de la, l'abstention pour le com
merce, la paralysie pour l'industrie, le jeu finan
cier des bourses sans fécondité pour les intéréts
matériels, la lutte des partis philosophiques sans
fécondité pour les intéréts moraux. S'il faut sortir
de la par la violence, mille fois mieux vaudrait en
finir tout de suite mais si l'antique crime de la
guerre est la menacanl et prêt a recornmencer son
oeuvre, Dieu veuille qu'il trouve enfin en face de
lui le droit et la conscience de l'humanité Dieu
veuille que la conscience et la raison prennent en
fin possession de leur patrimoine légitime, après
avoir fait rendre un compte terrible ii ses vieux tu-
teurs théocratiques et diplomaliques.
A l'intérieur, notre parti catholique reflate fidéle-
ment la situation des vieux systèmes aux abois en
Europe. G'est la rnême colère, aveugleet impuissante,
la même puórilite dans les expédienls, lo rnême dé-
sordre dans mille projets enfantés par la peur, par
l'impatience, par la confusion, la même rage, le même
désarroi, la même ineptie.
A les entendre, ils vont réorganiser le gouverne
ment, les finances, l'humanité. lis ne laisseronl pas
pierre sur pierre de tout eet edifice libéral. Ils vont
refaire la commune el décentraliser le gouvernement
tantót leslibéraux sont des sans-culottes, et tantót cu
sont des égoïstes paresseux ne songeant qu'a res-
ter mollement couchés dans les voluptés des minis
tères: l'un proclame que la liberté de Ia presse rend
la vie sociale impossible, l'autre proposera aux Cham-
bres des lois pour reconquérir les droits de la presse.
La un cardinal appelle le bras de l'Etat pour protéger
les saines doctrines, ici or, jure que l'Etat a trop de
souci de la religion, que la religion doit marcher
fibre et seule A droite, la liberté, rien que la li
berté a gauche, réprimez la liberté! La liberté creuse
un abime.
La le pays est tout catholique, et tout catholique
peut faire un ministreici les catholiques ne sau-
raient être tenus a prendre le pouvoir parce que la
situation ne leur est pas assez favorable. L'un va tout
abaltre l'autre va tout construire et fait un étalage
pompeux des innovations, des libertés qu'il va mettre
au jour et auxquelles les libéraux n'avaient jamais
songè. Est-ce assez d'extravagance I Et cependant
tels sont les pauvres hères que l'élection a remis en
faveur, telles sont les têtes folies au milieu desquelles
il faut chercher des ministres, telles sont les tristes
épaves du fanatisme et de l'ignorance qu'un moment
d'égarement nous menace de voir monter au gouver-
nail de l'Etat pour le conduireau milieu des difficultés
actuelles de l'Europe.
Au journal le l'ÜSOUKÈS.
Veut-on que les principes libéraux s'infiltrent dans
l'esprit du peuple et s'y enracinent définitivement,
l'abri de toute attaque ou de toute concurrence? Que
le parti qui s'est imposé la mission de soutenir ces
principes soit le parti impartial, Ie parti désintéressé,
le parti juste, le parti honnête par excellence.
Done, a chacun selon ses mérites et selon ses
ceuvres.
Done, justice et repartition equitable dans la colla
tion des emplois.
Done, pas de ces préférences scandaleuses, pas de
ces passe-droits honteux, pas de ces injustices criantes
qui soulèvenl la conscience publique.
Done, pas de ces faveurs que rien ne justifie et qui
n'ont d'autre résultat que d'asseoir la privilége et la
domination des coteries sur la suggestion et I'intérêt
méconnu de la généralité.
Done, pas de ces iripotages ignobles qui n'ont qu'un
but acheter les consciences, baillonner les convic
tions, et qui semblent faire d'un parti une armee de
mendiants, le nez toujours en Fair, cherchant a flairer
de quel cóté souffle le favoritisme, jusqu'a ce que com-
bles de tous les honneurs, satisfails, repus, ils s'en-
dorment enfin dans leur immobilité.
Voila ce que nous souhaitous, ce que nous de-
mandonsce que nous exigeons pour lo parti li
béral et, si c'est la ce que Ie Progrès appelle les
principes du libéralisme avancé, nous nous fai-
sons gloirede propager ces principes, bien convaincus
que nous avons avec nous tous ceux que les calculs
égoïstes ou une ambition effrénée n'ont pas encore
aveuglés.
Laissons de cóté la singuliere thèse de ce journal
qui cherche dans ses vingt-trois années d'exis-
tence la preuve de sa sagesse, de sa fer-
meté jet de sa moderation. Si ces qualités
se mesurent au nombre des années, nous ne voyons
pas pourquoi le Propagateur, dont ['existence vaut
deux fois celle du Progrèsne viendrait pas aussi
un beau jour s'administrer une double dose de
<i libéralisme modéré et pratique, j Ce n'est pas
la sans doute la conclusion qu'il a voulu donner
ses paroles, el il nous est impossible, quant a nous,
d'y voir autre chose qu'une de ces réclames a grand
renfort de grosse caisse auxquelles certains jour-
naux ont recours a l'époque du renouvellement des
abonnements.
Mais que signifie ce libéralisme modéré et pra-
o tique que vous avez défendu avec énergie et
que vous faites sonner a tout propos si fort nos
oreilles?
Que veulent dire cette indulgence, cette
bienveillance pour ceux de vos co-réligionnaires
politiques que de petites passions égaraient mo-
mentanément
Nous ne remonterons pas a vingt-trois années, quoi-
que nous soyons certains de trouver dans votre passé
plus d'un acteédifiant. Nous nous renfermeronsstric-
tement dans l'histoire de ces derniers temps.
Dans un canton de notre arrondissement, vous
combattiez un candidat au conseil provincial dont le
libéralisme n'était rèvoqué en doute par personne,
pas même par vous vous l'attaquiez dans vos colon
nes, vous l'injuriez, vous le calomniez; vous lui op-
posiez un homme dont tous les antécédenls étaient
cléricaux.
Pourquoi
Parce que eet homme était votre ami personnel.
Dans un autre canton, un autre candidat au con
seil provincial vit se dresser devant lui une foule d'ob-
stacles. II offiait les garanties les plus sérieuses de
libéralisme, il fut élu a une grande majorité. Vous
aviez employé néanmoins contre lui toutes les intri
gues et vous n'y renonciez qu'après avoir acquis la
certitude qu'il était impossihle de faire réussir un des
vótres.
Pourquoi?