JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
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Elections provineiales des cantons d'lpres,
du 30 juin 4864.
Condidat de I'Association libérale
M. Edmond TITECA, notaire 0 Roesinghe.
Les disciples de HI. dc Monlalembcrt et les
disciples de HI. Veuillot.
M. Schollaert, représentant de Louvain, a prononcé
dans Ia dernière discussion parlementaire, un fort
long discours que l'exiguité de noire formal ne nous
perinet pas de reproduire. Nous le regrettons, car ce
discours aurait ouvert les yeux a ceux de nos jeunes
libéraux qui considèrent comme possible I'alliance du
catholicisme politique avec la liberie. M. Schollaert
a dit du Congrès de Malines qu'il a èté a l'assemblée
la plus libérale que l'Europe eüt vu réunie dans le
courant de ce siècle. Nous dirons, nous, el avec plus
de vérité, que son discours est le plus audacieuse-
ment réactionnaire que l'on ait debilé dans un Parle
ment depuis trente ans.
Le député de Louvain excelle dans le genre que l'on
dèsigne au théalre sous le noin de tirades de fer blanc.
Passons sur toute celte phraséologie ampoulèe et dó-
clamaloire, qui u'a rien a nous apprendre. Laissons
égalemenl de cótè les considerations théologico-nebu-
leuses qu'il a développées avec une stérile abondance
et allons tout droit aux questions poliliques du mo
ment. C'est sur ce terrain en quelque sorte pratique
qu'il convient de juger I'homme qui se pose en con-
ciliateur des deux opinions. Tout le resle est fantaisie
pure et ne mérite pas qu'on s'y arrête.
Libéraux et calholiques, nous sommes en désaccord
sur trois questions principales la question de l'en-
sei°nement public, la question de la charité et celle
des cimetières.
En matière d'enseignement, les libéraux proclament
que l'instruction est une dette sainte de l'Elat envers
lescitoyens et que l'enseignemenl public doil subsis
ter en face de l'enseignemenl privé comme garantie
de la liberté de conscience. Les calholiques soutien-
nent, au contraire, que l'enseignement de l'Etat doit
se borner a parer a l'insuffisance de l'enseignement
privé et qu'il doit disparaitre partout oü celui-ci est
convenablement organisé. 11 va sans dire que par en-
seignement privé, les catholiques entendent l'ensei
gnement donné par le clergé.
Que pensent, sur cette importante question, les
jeunes catholiques, les disciples de l'ecole libérale de
M. de Montalembert? M. Schollaert va nous I'ap-
prendre.
Le député de Louvain reconnait le droit de l'Etat.
L'Etat qui enseigne fait plus que d'exercer un droit,
il accomplit un devoir. Très-bien, mais.... (il y a
un mais) ce droit, ce devoir n'existent qu'è deux con
ditions la première, c'est que l'enseignement de l'Etat
d reste conforme a l'esprit hautement religieux de la
loi de 1842 C'est qu'ensuite l'on se contente
de combler avec les fonds nouveaux de regrettables
lacunes et que l'on ne s'en serve pas soit pour faire
concurrence aux écoles libres, soit pour supplanter
les écoles patroaées.En d'autres termes, M. Schol
laert deniande que l'Etat ferme ses écoles partout oil
le clergé a organisé les siennes el que la oü le clergé
n'en a pas, on lui ouvre la porie des écoles organisèes
par l'Etat.
Voila pour la doctrine libérale de nos jeunes calho
liques en matière d'enseignement.
Passons a la question de la charité.
En matière de charité, les libéraux admettent et
sollicilent Ie concours de toutes les forces sociales et
individuelles. A cóté des institutions publiques de
bienfaisance, ils favorisent la création et le dévelop-
pement des institutions dües a l'initiative de la cha
rité individuelle. Nul obstacle n'est apporté par eux
a l'application de l'esprit d'associalion aux oeuvres
ayant pour but de soulager la misère; le droit d'as-
sociation, ils le reconnaissent en cette matière comme
en toute autre, absolu, enlier, sans restriction au-
cune.
Tel n'est pas, a beauccrap prés, le sentiment des
catholiques.
Les catholiques voient de mauvais ceil les institu
tions publiques de bienfaisance. C'est, disent-ils, de
la charité légale, c'est-a-dire une mauvaise charité,
qui crée plus de misères qu'elle n'en soulage. La
bonne charité, pour eux, c'est la charité privée, dont
le clergé, cela va sans dire, serait le seul et unique
dispensateur. Mais cette bonne charité n'a pas au-
jourd'hui tout l'essor desirable, paree que la législa-
tion actuelle lui conteste la faculté de perpétuer ses
oeuvresen d'autres termes, la liberté de la charité
comporte, d'après les catholiques, le droit de fonder
c'est-a-dire de créer des établissements perpétuels,
ayant une destination spécialement dèlerminée et
vivant en dehors du contróle des pouvoirs publics.
Ici encore, il est curieux de rechercher de quel cóté
penchent les disciples de la liberté catholique.
Ecoutons M. Schollaert c< Nos hospices et nos bu-
reaux de bienfaisance, dil-il, tels qu'ils sont au-
jourd'hui organisés, sont d'admirables institutions
dont il faut désirer et alimenter la prospérilè.
Bon, allez-vous dire, M. Schollaert. tient avec nous.
Prenez garde, il y a un mais. i Mais, continue l'ora-
teur, pourquoi ne créerions-nous pas a cóté d'elles
les établissements de la liberté'? Et celte idéé, le
représentant de l'école de M. de Montalembert la dé-
veloppe longuement, avec force tirades de fer blanc a
faire fondre en larmes le doctrinaire le plus endurci.
Mettons done cette question de la charité avec celle
de l'enseignement. Sur l'une comme sur l'autre, un
abime nous sópare de M. Schollaert et de la jeune
école de M. de Montalembert.
Reste la question des cimetières. Les libéraux ont,
sur cette matière, des principes parfaitement arrêtés.
Pour eux, l'inhumalion est un acte essentiellemenl
laïque. L'autorilé civile est seule maitresse du cime-
tière a elle et a elle seule appartient le droit d'indi-
quer la parlie du cimetièredans laquelleles dépouilles
mortelles du citoyen seront inhumées. Pour les calho
liques, notre doctrine est une véritable monstruosilè.
lis soutieunenl que le prétre est seul maitre du cime-
lière et que l'autorité civile a le devoir de faire res
pecter les décisions du prétre.
Jeunes libéraux-calholiques, a qui donnez-vous
raison dans ce grave débat
M. Schollaert reconnait que le bon droit est du cóté
des libéraux. C'est comme cela, du reste, qu'il débule
chaque fois qu'il veut nous donner tort. Je com-
prends parfaitement bien, dit-il en s'adressant a
nous, que Ie coin des réprouvés soit une chose qui
vous indigne la dépouille humaine est loujours
sacrée, toujours respectable. Suit une longue ti
rade de fer blanc sur le respect de la tombe. Mais,
poursuit le député de Louvain, (le mais ne manque
jamais) la liberté vous oblige de ménager a l'Eglise
la faculté d'avoir des cimetières exclusivement ré-
servés aux personnes qui meurent dans sa com-
munion, des cimetières oü les catholiques puissent
recevoir ses bénédictions et reposer dans la lerre
qu'elle bénit. Très-bien.Mais qui sera maitre
dans ces cimetières Evidemment le curé, car quoi
bon changer la loi si c'est pour maintenir ce qui
existe En definitive c'est done nous, les libéraux,
qui avons tort, aux yeux de M. Schollaert, dans cette
question comme dans toutes les autres.
Nous aurons a revenir sur les doctrines émises par
le représentant de Louvain et nous montrerons alors
ce que valenl toutes ces belles protestations en faveur
de la liberté dont les jeunes catholiques nous acca-
blent. II nous suflit, pour le moment, d'avoir constaté
que, sur les trois questions fondamentoles qui di-
visent los deux grandes opinions politiques du pays,
les disciples de M. de Montalembert sont compléte-
ment d'accord avec les disciples de M. Veuillot.
Question des cimetières.
Le ministère parait decide a maintenir la législa-
tion qui régit les cimetières, telle qu'elle existe, d'a
près l"e décret de Prairial an XII. On sait qu'aux
termes d'une disposition de cé décret, la police des
cimetières appartient aux administrations commu-
nales, chargées de veiller a la decence des inhuma
tions et de faire respecter les droits de la liberté de
conscience. Si les termes de cette disposition élaient
parfaitement clairs, s'ils ne laissaient place a aucune
espèce de doute sur les devoirs qui incornbent aux
administrations comrnunales en cette matière, il n'y
aurait pas, sans doute, a réclamer la révision de la
législation actuelle; mais il s'en faut de beaucoup que
la disposition qui règle les pouvoirs de l'autorité ci
vile soit exempte d'obscurité. Cette disposition doil
étre combinée avec une autre qui exige la division
du cimetière par compartiments et de cette combinai-
son naissent des interprétations diverses qui se tra-
duisent journellement en des scandales qui róvollent
l'humanilé. Le gouvernement, il le reconnait lui-
même, est impuissanl a empêcher les scandales; il
est oblige de les tolérer et de s'en rapporter aux ad
ministrations comrnunales, peu désireuses, en géné-
ral, d'entrer en lutte avec le clergé et disposées le
plus souvent a sacrifier leur autorité au désir de
rester en bonnes relations avec Monsieur Ie curé.
Des circulaires ministérielles ne serviraient a rien,
puisqu'elles ne seraient pas obligatoires et que les
administrations auxquelles elles seraient adressées
pourraient les enfreindre impunément. II faut done
se résigner a subir lous ces scandales, a la honte de
la Belgique, ou bien décréler les droits et les devoirs