de nos communes rurales, présenlait M. Titeca comme
candidat au conseil provincial. Jusque-la rieu a dire;
eet honorable membre élait entièrement dans son
droit. Mais il ajoutait, sans doute pour donner plus
de poids a celte presentation, qu'il avait parlé de
cette candidature a un grand nombre de ses collègues
qui l'avaient accueilli avec des sympathies marquees
et qu'elle faisait journellement de notables progrès.
Tel est le sens, sinon le texte de sa lettre.
Si maintenant, Messieurs, nous rapprochons les
termes de cette lettre du propos tenu le 1 1 juin, ne
trouvons-nous pas un indice certain de ce que j'ai dit
en comtnencant, que la candidature de M. Titeca a
été travaillée avant Ia réunion de l'Association.
Ce n'est pas tout encore. Et voici ce qu'on nous a
déclaré dans le sein du comité. On a avouè qu'on
avait promts remarquez bien, promis que cette
fois l'ancien canton d'Eiverdinghe aurail son conseil-
ler. On avait cédé, disait-on, aux instances des per-
sonnes inlluenles de ce canton. Mais si, comme on le
prétend, e'est le canton d'Eiverdinghe qui désire être
plus spécialement'représenlé, pourquoi les personnes
influentes qui se sont faites les interprétes de ce dé-
sir ne présentent elles pas leur candidat, pourquoi
laisse-t-on prècisément ce soin a celui qui, n'habitant
pas ce canton, n'y a aucun intérêl? II y a la une con
tradiction inexplicable.
Ou plulót non, tout s'explique parfailement quand
on remonte jusqu'avant l'élection du 23 mai dernier
et que l'on sait que déja alors on engageait M. Comyn
a so désister de toute nouvelle candidature en faveur
de son neveu, M. Titeca.
Autre fait qui vient encore a l'appui de ce que
j'avance. J'ai recu d'une personne qui n'habite pas
l'arrondissement une lettre donl je vais vous lire la
phrase la plus significative, en ayant soin toutefois
d'omettre les noms propres. II me parvient, y est-
il dit, quelques mots de M... mettons M. X,
en date du 11 juin, par lesquels celui ci me de-
mande d'employer raoa influence sur quelques
èleoteurs en faveur de M. Titeca, notaire Boe-
singhe. Pour me décider plus facilemenl, le signa—
taire ajoute que son protégé sera le candidal de
l'Association libérale. J'en conclus done que cette
i) candidature a été dècidée sans le concours de l'As-
sociation et je crois utile de vous informer de ce
détail, sachanl que vous luttez depuis longtemps
pour la réforme des nombreux abus qui se pro-
duisent chaque jour chez vous.
J'ajoule, Messieurs, que M. X. est membre de notre
Association et qu'il passe pour jouer un róle actif
dans les elections. Quant aux commenlaires sur la
conduite de M. X. qui remplissent le resle de la lettre,
je ne vous les lirai pas. M. X. ne serait pas flatlé de
les entendre.
Remarquons bien que la lettre est écrite le 11le
même jour que se produisait publiquement la nou
velle candidature et qu'on y promet par anticipation
le vole favorable de l'Association.
Mais, Messieurs, s'il manquait quelque chose h
l'évidence de ces faits, ne suffirait-il pas d'avoir en-
tendu les paroles prononcées par notre honorable
président au début de cette séance? Ne sont-elles pas
la preuve la plus claire que la candidature qui nous
occupe a été l'objet de nombreux pourparlers et
d'actives démarches
J'ai done raison de soutenir que celte candidature
est imposée par ia volonté de quelques-uns et que
nous sommes convoqués aujourd'hui dans le but
unique d'enregistrer leurs décisions.
Cela est d'ailleurs conforme a ce qui s'est passé de
tout temps ici. A ce propos, je vous demande la per
mission de vous raconter un épisode de notre histoire
électorale de 1863, épisode que beaucoup d'entre vous
ignorent probablement. La volonté publique se tnani-
feslait clairement au mois de juin de l'année dernière
en faveur de Ia lutte; elle allait même jusqu'a dési-
gner un candidat. Celui que l'on désignait et qu'il est
inutile de nommer ici avait eu le rare courage de
braver des haines puissantes. C'était plus qu'il n'en
fallait. Et, quoique cette candidature fut tout-a-fait
imaginaire, on se mit en devoir de la combatlre ar-
demment. On connaissail les idéés de ['honorable
M. Alph. Vanden Peereboom, on le savait favorable a
la lutte. Les vues conciliantes du ministro ótaient un
obstacle aux projets de vengeance que médilaient les
hommes auxquels je fais allusion; ils tentèrent de
lui inculquer leurs sentiments et, dans leurs aveugles
rancuues, ils s'oublièrent jusqu'a declarer a diffé-
rentes personnes que, si l'Association adoptail ce
candidat conlre leur gré, ils s'en relireraient et com-
battraient contre elle.
Bienlót fut connu le nom de celui qui devait être
présenté au comité. Mais déja, bien avant ce moment,
et sans attendre les décisions de l'assemblée géné
rale, nos hommes intluents parcouraient l'arrondisse
ment, recommandant lesanciens représentants.Qu'en
résulta-t-il Que les tournées électorales étant faites,
on ne les recommenca plus lorsque nous eümes adopté
un troisième candidat et qu'en réalilé M. Vanden-
boogaerde fut jouè.
J'ai parlé de pression. N'avions-nous pas autrefois
ici les votes par acclamation n'avons-nous pas en
core aujourd'hui les voles par assis et lever? Ne
vimes nous pas des scrutins donner plus de bulletins
qu'il n'y avait eu de volants?
Vous vous souvenez encore, Messieurs, de ces bil
lets écrits dans une officine que je ne veux pas nom
mer et portés a domicile la veille de nos réunions,
avec prière de la part de SI. tel ou tel de les déposer
dans I'urne. Avec prière I Nous savons tous ce que
signifie dans l'occurence le mot prière. Ce système
étail pratiqué dans les petitescomme dans les grandes
circonstances; je tiens en main des billets fabriqués
pour une éleclion provinciale, j'en ai d'autres pour
un renouvellement du comité.
Dernièrement encore, dans notre réunion du 7 mai,
quelques billets blancs avaientété déposés. Eh bien
ne s'est-on pas imaginé d'aller aux informations, d'ou-
vrir une espèce d'enquête pour connaitre ceux qui
avaient déposé ces billets! Heureusement on n'est
pas parvenu a Ie savoir et j'espère qu'on n'y par-
viendra jamais. II n'en est pas moins vrai que de tous
temps on a exercé ici une scandaleuse pression et jc
m'etonne que nous la supportions si longtemps.
Du reste, afin de mettre, autant que possible, un
terme a ces manies inquisitoriales, je m'engage a ne
pas quitter celte salle avant que tous les bulletins de
vote n'aient été brülés; je contribuerai ainsi, autant
qu'il dépèndra de moi, a assurer i'indépendance de
chacun.
Messieurs, il me resterait a vous parler du candidat
qui vous est présenté. Lorsque tous les arrangements
sont pris et que l'élection est, pour rinsi dire, faite,
il serait puéril de m'y arrêter longuement. Disons ce-
pendant quelques mots.
Je ne crois pas que M. Titeca, l'honorabilité du-
quel je rends hommage, soit un libéral.... presque de
l'avant-veille, comme on cherche a nous le faire croire
et je me rappelle qu'il n'y a pas bien longtemps en
core sa réputalion de libéralisme n'était rien moins
que solidement établie. II parait que depuis le miracle
de la grêce a opéré. II s'est converti au parti fort, il
est venu se chauffer plus prés du soleil. Je ne lui en
fais pas un grief; au contraire, je l'en félioite. Mais,
quoique converti, M. Titeca n'a jamais eu cetle ardeur
qui distingue les néophyles. C'est un libéral qui cal-
cule ses moindres démarches, un libéral prudent,
comme nous en connaissons beaucoup.
On nous garantit son libéralismeses parrains
politiques promettent pour lui. Ce procédé est tout
simplemenl une nouvelle violation du règlement, car
I'art. 11 dit formellemenlNul ne peut étre candidat
définitif, s'il n'adhère aux principes de l'Association.
Oft est cette adhésion? Vous n'avez pas un mot d'é-
crit a présenter ni au comité, ni ici.
Et qu'on ne vienne pas épiloguer sur le sens de cet
article. II est impossible de comprendre par le mot
adhésion autre chose qu'une déclaration verbale ou
écrite de l'intéressé et les engagements pris par les
officieux n'ont aucune valeur ici.
On nous annonce que M. Titeca se fera membre de
notre Association, II me semble qu'il efit dft le faire
depuis longtemps et que le moment est assez mal
choisi lorsque sa candidature est en jeu. Cela res-
semble beaucoup a une condition mise a la réussite
de celte candidature.
Vous prometlez pour lui l Lorsque vous aviez
trouvé un candidat dans les colonnes du Propaga-
teur, vous promettiez aussi, car vous promettez
toujours.
Dans le comité même on avait demandé une décla
ration de principes ou, au moins, une adhésion a
l'Association on ne put rien obtenir. Vous vous por-
tiez forts pour le libéralisme de voire candidat et,
dans votre opinion, cela sufïisait. Le premier vote
qu'émit l'élu fut, en efl'et, un vote libéral, mais appelé
le lendemain ij émettre un second vote sur la même
question, question tout-a-fail politique et dans la-
quelle les parlis étaient nettement tranches il s'ab-
stint et son abstention donna la victoire aux catholi-
ques. Voila ce que valent vos promesses! Quanta
moi, j'ai pris la résolution, non-seulement de deman-
der une adhésion aux principes de l'Association mais
je me propose d'user dorénavant de mon droit en
discutant les candidatures et en adressant des inter
pellations a ceux qui briguent nos suffrages.
Pour le moment, je me borne a prolester. Si je ne
puis rien changer a toutes les illégaiités commises, ce
n'est pas une raison pour que je subisse la loi que
l'intrigue veut nous impaser.
L'orRtenr au Conseil provincial.
Nos Conseils provinciaux, il faut en excepter
celui du Brabant,comprennent un assez grand
nombre de membres qu'on r>eut appeler qens du mi
lieuqui se tournant tantót d'un cóté tantót de l'autre,
font le gain du parti avec lequel ils se trouvent au
moment du vote. Le Conseil provincial de la Flandre-
Occidentale contient dans son sein une quinzaine de
membres se rangeant avec les libéraux dans certains
débats, avec les cléricaux dans certains autres.
Hommes non convaincus. n'ayant pas une opinion
politique franchement arrètée, ils se posent en juges
imparliaux entre les deux partis, croient faire acte
de bonne administration et remplir leurs devoirs avec
dignité.
Dans les questions, agilées au Conseil provincial,
dans lesquelles les opinions cléricale et libérale sont
directement en jeu, les conseillers du milieu obéissent
au parti qui exerce sur leur esprit la meilleure et
Ia plus forte influence. Se sont-ils laissés aller a l'ad-
miration devant un orateur de la droite, ils le suï-
vront au scrutin ont-ils, au contraire, applaudi la
franche et généreuse éloquence d'un libéral, ils don-
neront raison a son opinion. Comme on le voit, Ie
talent oratoire est nécessaire au Conseil provincial
d'autant plus nécessaire qu'il s'y trouve une partie
floltante assurant le gain a l'un ou a l'autre parti sui-
vanlles impressions qu'elle a ressenties.
Que les mandataires au Conseil provincial soieut
des hommes a la parole habile et convaincue, d'une
éloquence persuasive, ils répondront facilement, di
sons même assurément, aux voeux de leurs man-
dants. Ils sauront entralner avec eux toute une partie
de l'assemblée et seront très-puissants paree que leur
vote fera certainement le vote de beaucoup d'autres.
Si l'orateur exerce une grande influence au Conseil
provincial, par contre celui dont l'éloquence se ré-
duit a celle de la carpe, ne peut que très-incompléte-
ment remplir les devoirs de sa charge. Qui n'a pas
un mot placer, même dans les questions les plus
intéressantes et les plus vilales pour la contrée dont
il est le représentant, peut-il bien rendre tous les
services qu'on en attend? N'ayant pas assez d'initia-
tive pour communiquer les idéés qu'il pourrait avoir,
ne se ralliera-t-il pas parfois aux opinions d'un homme
éloquent bien qu'elles seront en opposition avec les
voeux de ses mandants?
II faut du talent pour toute place élective, non pas
toujours un talent transcendant mais au moins l'es-
prit naturel d'un bonhomme disant en bon francais
ce qu'il pense et ce qu'il croit et sachant se faire
écouter el suivre.
Les mandants qui veulent être digneraent repré-
sentés et voir leurs intéréts servis ainsi que l'accom-
plissement de leurs désirs, doivent faire leur choix
parmi ces hommes auxquels la parole donnera quel
que autorité.
La parole, c'est la vie; le silence, c'est la mort.
Mannel de politcsse.
Nous avons souvent dit qu'a Ypres, contrairement
a ce qui se passe ailleurs, il est impossible de hasar-
der une observation sans s'exposeraux regards cour-
roucés, a t'humeur noire, aux brusqueries et même
aux grossièretés de ceux que l'on a I'audace extréme
de contredire. La dernière séance de l'Association a
fourni une nouvelle preuve de cette vérilé.
Pendant qu'un membre du comité exprimait ses
idéés avec calme el convenance, les interruptions se
succédaient sur les lèvrcs de quelques hommes irri-
tés. C'est faux, inlerrompait M. Carton père. Je ne
me donnerai pas la peine de vous répondre, ajoutait
M. son fils. II y a peu de mois, dans une circonstance
presque identique, le gendre s'était écrié Vous
m'embëlez!'( sic).
Ces hommes, qui nous donnent un si bel échantil-
lon de leur moderation et de leur savoir-vivre, sont
les mêmes qui, dans une réunion de l'Association li
bérale en 1860, enlevaient brutalement la parole
un orateur, pour un mot échappé dans la chaleur de
l'improvisation et qui rendait inexactement sa pen-
sée.
Quelles adorables gens! 1 1
IHeu vous le rendra.
L'ouvrier des communes flamandes qui répond a Ia
mendicité du curé, trouve la fin de l'année qu'il a
payé pour son salul