JOURNAL O'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
Y I* IVES, Dimanche
Deuxième année. N° 30
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Ees elections et la réforme electorale.
De toutes les situations qui peuvent sortir de l'é-
lection prochaine, la pire, a notre avis, serait le main-
tien du statu quo, c'est-è-dire uue majorilé libérale
sans force, sans consistance, incessamment tenue en
échec par une opposition factieuse et, par la même,
rendue incapable de gérer utilement les affaires du
pays. La crise que nous venons de traverser a suffi-
samment montré les perils d'une semblable situation
it n'est personne qui ne soit convaincu qu'elle ne
pourrait renailre aujourd'hui saus oompromettre les
plus chers intéréts de la patrie. Quant a nous, nous
le disons avec une sincérité entière, si la lutte qui va
s'ouvrir devait avoir pour résultat de ramener a la
Chambre une majorite libérale de deux ou trois voix
seulemenl et de faire, en quelque sorte, consacrer par
'la voix du scrutin un état de off ses aussi gravement
dangereux pour le pays, nous ne serions pasèloignés
de céder la place a nos adversaires et de renoncer
aux chances d'une victoire qui nous cofuerait plus
cher qu'une défaite. Le parti clerical au pouvoir au-
rait bien vile fait son temps et la certitude d'en triom-
plier, dans un avenir prochain, nous consolerait ai-
sément d'une humiliation momentanée. Mais, Dieu
merci, le parti libéral n'en est pas réduit a ce point
qu'il lui faille renoncer a l'espoir d'une victoire com
pléte et décisive sur ses ennemis. Quoi que ceux-ci
puissent dire, si grande que soit la confïance qu'ils
font paraitre, nous affirmons, sans crainte de nous
tromper, que jamais le parti libéral ne fut plus fort et
p'us puissant en Belgique qu'en ce moment. Et nos
adversaires le savent si bien, que Ie jour oü la force
des choses les a contraints a accepter le pouvoir, ils
n'ont osé affrcnter le jugement de l'opinion publique
qu'en se fesant précéder d'un programme de gouver
nement qui n'est, pour une partie, qu'un mauvais
plagiat du nótre et, pour l'autre, qu'un masque de
faux libéralisme jetè sur leurs vieilles pretentions
cléricales. Qu'ajouler a la force d'une pareille démon-
stration? Quand un parti en est arrivé la, qu'il re
doute de paraitre en public sous ses propres habits et
qu'il est obligé de s'annexer ceux de ses adversaires,
crainte des huéesde la foule, faut-il chercher ailleurs
une preuve plus éclatante de l'impopularité dont ce
parti se sent frappé et de la puissance de l'opinion
contraire
Soyons done sans inquietude. La lutte est belle a
entreprendre et le succès assure si, comme nous en
avons la ferme confiance, toutes les nuances du libé
ralisme se réunissent dans un même el vigoureux
effort conlre l'ennemi commun. Que faut-il pour cela
un peu de bonne volonté de part et d'autre et l'oubli
des ressentiments personnels dans le dévouement aux
intéréts d'une grande idéé commune a tous. Ge dé
vouement n'a jamais fait défaut chez nous a l'heure
du danger et quant a la bonne volonté, nous estimons
trop haut nos amis politiques, a quelque nuance de
l'opinion libérale qu'ils appartiennent, pour avoir
quelque chose a appréhender de leur mauvais vou-
loir, Notre confiance, sur ce point comme sur l'autre,
est entière, absolue.
Mais, pour combattre ensemble, il nous faut un
drapeau aulour duquel tous puissent se rallier, et ce
drapeau, il faut bien le dire, nous ne l'avons pas.
Notre commune horreur de la domination théocra-
tique ne suffit plus, en effet, au temps oü nous vi-
vons, pour nous appeler tous sous une même ban-
nière; l'indépendance du pouvoir civil, au nom de
laquelle le parti libéral a Iuttè pendant vingt ans, a
cesséde tenir une place exclusive dans ses préoecu-
pations. Le progrès des lumières, Faction incessante
des idéés ont fait éclore et mürir d'autres réformes
non moins importantes, au triomphe desquelles un
grand nombre de libéraux ont attaché les destinóes
du libéralisme lui-méme et dont aucun intérêt,si grave
qu'il soit, ne leur permet d'accepter l'ajournement. Au
nombre de ces réformes, il en est une laquelle il a
sufli de quelques jours pour conquérir l'assentiment de
tous les amis de la liberté et pour se mettre de pair
avec les questions politiques que l'opinion publique
agite depuis un quart de siècle. Nous voulons parler
de la réforme electorale dont un orateur du Conseil
provincial du Brabant a pu dire avec raison qu'elle est
semblable a une bombe qui doit éclater, quoi qu'on
fasse pour en empêcher l'explosion. A la Chambre des
représentants, le principe de cette réforme, dans le
sens de la substitution de Ia capacitó au eens electo
ral comme base du droit d'élire, n'a rencontré, parmi
les libéraux, que des adhérents. M. le ministre des
Finances, MM. Orts, Bara et Guillery ont tour a tour
proclamé la supériorité de l'intelligence, comme ga
rantie donnée a l'ordre public, sur les présomptions
tirées du paiementd'un certain impêt. L'honorable
M. Orts, qu'on n'accusera pas sans doute de se livrer
trop facilement a l'esprit d'aventure, M. Orts n'a pas
craint d'exprimer le voou que le gouvernement s'oc-
cupat prochainement de la réforme, dans ce sens, de
notre législation electorale.
Dés lors, le drapeau que nous cherchons est trouvé.
La gauche parlementaire doit publier bientót un
manifeste aux électeurs. Qu'en tête de ce manifeste,
elle proclame la nécessité impérieuse et irnmédiate
d'appeler a l'exercice du droit de suffrage, dans les
limiles aulorisées par la Constitution, tous les ci-
toyens sachant lire et écrire; que le gouvernement
y réponde en annoncant la résolulion de présenter
sans retard un projet de loi conforme aux voeux
de son ancienne majorité, et nous ne doutons pas
un seul instant que le concours des libéraux de toutes
les nuances ne soit acquis a la lutte qui va décider
du sort du cabinet et du libéralisme parlementaire.
L'idée que nous émettons ici ne peut pas même s'ap-
peler une transaction, car toule transaction implique
un abandon partiel et réciproque de pretentions eon-
traires et, comme nous l'avons rappelé, aucune di
vergence de principe ne nous sópare sur la question
de la réforme électorale. Le seul point sur lequel nous
pourrions étre en désaccord se reduirait a une ques
tion d'opportunilé. Faut-ü accomplir cette réforme
immédiatement ou bien ne conviendrait-il pas triieux
d'attendre trois mois, six mois, un an? Rèduite a de
pareilles proportions, la divergence d'opinions, si elle
existe, n'a plus qu'une importance secondaire et nous
croirions faire injure a la gauche parlementaire si uous
la supposions capable, dans les circonstances graves
ou nous sommes, d'en faire dépendre le triomphe du
libéralisme, et qui sail? peut-étre l'avenir du pays.
Les elections a Bruxelles.
Le Comité de ['Association liberale de Bruxelles,
dans sa reunion du 19 de ce mois, a pris une resolu
tion importante et que nous considérons comme d'ex-
cellent augure pour le résultat des élections prochai-
nes. A Bruxelles comme a Ypres, le règlement de
l'Association confère au Comité le droit de proposer
des candidats provisoires, lesquels sont ensuite sou
mis au vote de l'assembléo, concurremment avec les
candidats présentés par les membres. Vu la gravité
des circonstances et déterminé par une pénsée de
conciliation a laquelle tous les libéraux rendront hom
mage, le Comité de l'Association de Bruxelles a décidé
qu'il s'abstiendrait, cette fois, de faire usage de sa
prérogative et que le soin de former la liste provisoire
serait abandonné a l'assemblee générale, sans aucune
intervention de sa part.
Cette sage resolution marque le premier pas dans
une voie oü nous désirons ardemment voir entrer nos
amis politiques de Bruxelles. Si les conséquences de la
lutte qui les sépare aujourd'hui en deux camps rivaux
devaient rester circonscrites dans les mursde laCapi-
tale,siellesdevaientdemeurersaus influence sur le ré
sultat général du scrutin,nous n'aurions qu'a déplorer
cette lutte sans avoir le droit d'y intervenir. Mais que
nos amis nes'ytrompent pas ['antagonisme maintenu
a Bruxelles, c'est le libéralisme affaibli dans les pro-
vinces et notre victoire rendue douteuse partout. A
Bruxelles et a Liége, les libéraux peuvent se diviser
sans peril pour la cause commune le parti clerical y
est trop faible pour avoir a retirer quelque bénéfice
de nos divisions; partout ailleurs, nos adversaires
sont puissants, redoutables et nous, ne pouvons espe-
rer en avoir raison qu'en marchant tous unis sous
un seul et même drapeau.
Bruxelles divisé, répótons-le, c'est la division per-
pèluée dans un grand nombre d'arrondissements
electoraux, e'est-a dire une defaite certaine et d'au-
tant p us honleuse que nous ne pourrons l'attribuer
qu'a nous-mêmes. Que si, parmi ceux a qui uous
nous adressons, il en est qui ne savent rien accorder
aux nécessites de la lutte el qui préfèrent l'abaisse-
ment de leur parti a une victoire achelée au prix de
quelques concessions secoudaires, ceux-la, quelque
nom qu'ils portent, nous les tenons pour de faux
libéraux, indignes de figurer dans nos rangs. Sans
entrer dans l'examen des griefs que se renvoient re-
ciproquemenl les deux associations principals de
Bruxelles, nous sommes convaincus qu'en ce moment
un accord également honorable pour l'une et pour
l'autre est possible et que si eet accord ne s'établit
pas, c'est que l'une ou l'autre ne l'aura pas voulu.
Que nos amis de ['Association et du Meeting le sa-
chenl: le pays a les yeux sur euxetjugera sévère-
ment ceux qui, par leurs prélentions outrées ou par
une injuste resistance a des exigences légitimes, au-
ront compromis les deslinées du libéralisme et pré
paré sa défaite. Ceux-la n'obliendront ni merci ni
pardon l'opinion publique leur sera inexorable.