JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche
Beuxième année. N° 35.
28 Aoüt 1864.
Lk tout payable d'avance.
PARAISSANT LE DIMANCHE DE CHAÜÜE SEMAINE.
IMtlX ll'ABÖSIiEIIEST
POUR LA BELGIQUE
8 francs par an 4 fr. 50 par semeslre.
Ponr l'Etranger, Ie port en sus.
Un Numéro 25 Centimes.
PItlX l»ES A1WOHCES
ET DES RECLAMES
10 centimes la petite ligne.
Corps dn journal, 30 centimes.
Laissez dire, laissez-vous hlèmer, mais plibliez votre pensée.
On s'abonne a Ypres, au bureau dn journal, chez Fêlix Lambin, imp.-lib.,
rue de Dixmude, 55.
On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres
ou envois d'argent doivent étre adressés franco au bureau du journal.
La Belgique an llexiqne.
L'expédition beige au Mexique ne s'accomplira pas
aussi facilement que le gouvernement l'aurait désiré.
M. A. Demeur, avoeat a la Cour d'appel de Bruxelles,
vient de publier, sur cette question, une brochure
que nous croyons appelée a produire une grande
sensation et qui provoquera sans aucun doute des
interpellations parlementaires. Dans ce travail, inti
tule L'Expedition beige au Mexique, appel aux
Chambres, M. Demeur examine successivement les
questions suivantes 1° Le but de l'expédition.
2° L'expédition au point de vue de la nalionalité et
de la neutralité beige. 3" L'expédition au point de
vue du libéralisme et de nos intéréts commerciaux.
Le but de l'expédition est manifeste a l'aide de
50 mille soldatset d'une flotte, en dépensant 3 400
millions de francs, après une lutle de deux années
durant laquelle pas une seule ville ne s'est levée
sponlanément contre le gouvernement constitution-
nel de Juarès, Napoléon lil a fait la conquête de
la capitale, des principales villes et de la plupart des
ports du Mexique et remplacé les autorités centrales
et locales par des hommes qui ont accepté, comme
empereur, S. A. 1. et R. Maximilien d'Autriche.
Et nous, étrangers au Mexique, dit M. Demeur,
nous allons y combattre les Mexicains qui tentent de
renverser et de chasser ce gouvernement étranger,
importé par les bayonnettes étrangères. Tel est le but
de l'expédition.
Faut-il démontrer qu'en favorisant cette expédi-
lion, en levant, en faveur des officiers qui se pro
posent d'y prendre part, les prohibitions légales; en
accordant des congés a la foule dos sous-officiers et
des soldats qui s'enrolent sous les drapeaux de Maxi
milien; en ouvrant ses casernes au corps expédition-
naire, le gouvernement viole audacieusement le prin
cipe de non-intervention et les devoirs de Ia neutra-
lilé? Cette démonstration, nous l'avons faite dans le
temps, M. Demeur l'a fortifie et lacomplète. Or,
ceci est grave la Belgique n'a pas d'autre sau-
vegarde de sa nationalité que le respect des de
voirs de la neutralité. Donnons nous-même l'exem-
ple du mépris de ces devoirs et plus tard nous
n'aurons plus rien a dire quand on les violera contre
nous. Sans doute, comme Ie fait très-bien observer
M. Demeur, il n'est pas probable que le peuple mexi-
cain, a qui nous allons faire la guerre, vienne jamais
a son tour porter la guerre chez nous. Sous ce rap
port, nous n'avons rien craindre. Quand même le
Mexique recouvrerait son indépendance et chasserait
tous les étrangers, sa faiblesse et son éloignement
protégent la Belgique contre des représailles. C'est.
pour cela, sans doute, que le danger de l'expédition
n'apparait pas a tous les yeux. Mais la question n'est
pas de savoir si Ie Mexique pourra se venger de nos
faits de suerre. La question, dit M. Demeur, la voici
Quand nous aurons nous-même déchiré notre neu
tralité, de quel droit l'invoquerons-nous a notre tour
contre une invasion?
Mais, du moins, allons-nous au-dela des mers, por
ter le flambeau de la civilisation et du progrès? La
cause pour laquelle la Belgique arme ses enfants est-
elle de celles que peuyent avouer les peuples libres et
démocratiques? Hélas, qui ne sail que ces hommes
pour qui nous consentons a compromettre les desli-
nées du pays représenlent les principes de reaction
et de théocratie contre lesquels nous luttons en Bel
gique depuis 30 ans? Bizarre inconsequence qui fait
monter le rouge au visage nous allons défendre la-
bas ce que nous combattons iei, la souveraineté de
l'Eglise, l'omnipotence du clergé, tous les abus, tous
les priviléges en lutle contre les conquêtés de l'esprit
moderne. Ce Juarès, que nous traitons en ennemi,
c'est lui qui a fait prociamer, au grand scandale des
cléricaux mexicains, le principe de la liberie de con
science et celui de l'entière separation de l'Eglise et de
l'Etat. Almonte, a qui nous fournissons des soldats,
n'est ni plusni moins que I'incarnation du vieux ré
gime clerical et oppressif sous lequel nous avons vécu
pendant dés siècles et dont la Belgique a tant de peine
a se débarrasser complètement. Et ce serait un gou
vernement libéral qui donnerait a I'Europe le spec
tacle d'une aussi criante inconséquence Non, miiie
fois non, cela n'est pas possible.
On n'a pascraint, a i'appui de l'expédition, d'invo-
quer l'intérêt de notre commerce Quoi, c'est en plein
XIXm° siècle, dans un pays qui s'honore de marcher
en tête des idéés modernes, qu'on osera so couvrir
des intéréts du commerce pour justifier une agres
sion armée contre une nation amie? Quoi, voilé un
peuple qui se débat contre l'invasion étrangère, un
peuple qui revendique le droit de se gouverner lui-
mème et qui repousse l'immixtion de l'étranger dans
ses affaires intérieures, et paree qu'il sera démontré
que notre commerce est intéressé a ce que ce people
succombe, nous nous unirons a ses ennemis, nous
prêterons les mains aux envahisseurs
Patriotes de 1830 et vous aussi, jeunes gens de
tous les partis, qui pouvez différer d'opinion sur
telle ou telle question de politique intérieure, mais
qui n'avez qu'une seule ame pour vouloir la patrie
grande et honorée, demandez si cela est possible et
si, après un pared attentat, la Belgique ne serait pas
déchue du rang qu'elle occape aujourd'hui dans I'es-
timedes nations libres.
Si rnisérable qu'il soit, M. Demeur n'a pas voulu
laisser sans réponse I'argument lire de notre intérêt
commercial. La statistique a la main, il prouve que
sous le régime actuel, régime éminemment libéral ce-
pendant, lemouvementde nos affaires avecle Mexique
est restè insignifiant de 1851 a 1860, nous avons
importé du Mexique un peu moins d'un million de
francs de marchandises et, dans la même période de
dix années, nous y avons exporté un peu plus de six
millions de francs. Et c'est pour un intérét aussi mi-
nime que la Belgique irait compromettre son honneur
de peuple libre et son existence nationale
Qu'on y prenne garde, d'ailleurs Les Etats-Unis
d'Amérique n'ont pas vu, sans beaucoup de déplaisir,
l'intervention de l'étranger dans les affaires du Mexi
que. La doctrine de Monroë, qui n'est autre chose que
l'application du principe des nationalités au continent
américain, la doctrine de Monroë est vivante chez les
confédérés comme chez les fédéraux. Que la guerreoi vile
quidésolel'Amériqnesetermineunjour, soit par le ré-
lablissement de l'union, soit par la création de deux
Etats distincts, il est présumer que les Etats épui-
seronl leurs dernières ressources pour chasser l'étran
ger posté sur leurs frontières. Le Congrès des Etats-
Unis s'en est clairement expliqué dans son vote du
4 avril dernier, ainsi concu Résolu que le Con-
grès des Etats-Unis ne veut pas laisser eroire, par
t> son silence, aux nations de la terre qu'il regarde
d'un ceil indifférent les événements déplorables qui
se passent maintenant dans la république du Mexi-
d que.
En conséquence, il croit propos de déclarer
qu'il ne convient pas au peuple des Etats-Unis de
reconnaitre un gouvernement monarchique^ élevé
sur les ruines d'un gouvernement républicain en
Amérique, sous les auspices d'un pouvoir euro-
o péen.
Le jour oü les Etats-Unis pacifiés voudront mettre
exécution cette fiére résolution, qui peut dire que
nous ne serons pas engagés dans la lutte? Et alors,
n'envisager les chosesqu'au point de vue commercial,
le dommage que nous éprouverons dans nos relations
avec les Etats-Unis ne sera-t-il pas infiniment plus
considerable que les avantages que nous aurons pu
retirer de notre alliance avec les envahisseurs du
Mexique?
Mais, encore une fois, que nos intéréts commer
ciaux aient souffrir ou non de notre intervention
armée dans les affaires mexicaines, ceci est de peu
d'importance. Ge que nous avons a considérer dans
l'expédition projetée, c'est notre neutralité violée, le
principe des nationalités audacieusement inéconnu et,
par dessus tout, les intéréts de la liberté sacrifiés au
triomphe de la réaction et du despotisme clérical.
D'un cólé, il y a le droit du peuple mexicain, il y a
l'existence de notre pays comme nation, il y a tous
les principes qui font que nous sommes. De l'autre,
il y a des intéréts privés et les vieilles prétentions
des hommes du passé. C'est a nous de choisir et
de dire si nous sommes pour le droit ou pour la force.
Le clergé dans les elections.
Jamais, dans uneélection, les curés, les vicaires et
leur suite n'ont travaillé avec autant d'ardeur et de
persévérance que dans l'élection du 11 aoüt. Tous les
moyens, sur le choix desquels ils ne sont pas tou-
jours très-délicats,ont été employés au profit des
instruments de M. Faict et de la confrérie du St-
Laurent.
Les vacances des colléges épiscopaux ont été avan-
cées de quinze jours pour permettre aux professeurs
et aux élèves d'exercer toutes leurs influences.
Trois jours avant l'élection, le séminaire de Bruges
a déversé dans toutes les communes de ['arrondisse
ment d Ypres, une masse de jeunes tonsurés tout
remplis du feu sacrè et brülant de combattre pour
les hommes du passé et les principes du bon vieux
temps. Avant leur dèpart, on les avait réconfortés par
une adroite allocution dans laquelle on leur fesait en
tendre que si le soldat gagne ses épaulettes sur le
champ de bataille, le prêtre militant oblient d'autant
plus de mérites et de confiance qu'il lutte avec plus de
vivacité et d'audace contre les libéraux. La récom-