JOURNAL D'YPRES ET DE l/ARRONDISSEMENT I YPIIES, Dimanche Deuxième année. I\° 41. 9 Octobre 1864. PARAISSANT LE DIMANCHE DE CHAQUE SEMAINE. PKIX D'ABOlilEllENT POUR LA BELGIQUE 8 francs par an 4 fr. 50 par semestre. Pour I'Etranger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes. lopiniohi PKIX OES ANKOMCE5 Eï DES RECLAMES 10 centimes la petite ligne. Corps du journal, 30 centimes. Lf. tout payable »'avance. Laissez dire, laissez-vous blAmer, mais publiez voire pensée. On s'abonne a Ypresau bureau dn journal, chez Félix Lambin, imp,-lib., On traite a, forfait pour les annonces souvent reproduites.Toutes lettres rue de Dixmude, 55. I ou envois d'argent doivent être adressés franco aw bureau du journal. L'expédition mexicaine. Condamnée par la Chambre, désavouée par le ministère, malmenée par les meetings, abandonnée par la presse, l'entreprise de M. Chapelié va de mal en pisa Audenaerde, les enrólements deviennent de jour en jour plus difficiles. En revanche on signale un assez grand nombre de désertions. Encore un effort de ['opinion pubiique et le gouvernement, mis en demeure par l'émotion universelle, ne pourra plus se dispenser de faire son devoir, qui est de disperser, au besoin par la force, les rassemblements formés a Audenaerde et d'en déférer les auteurs et complices a la justice. En présence du danger qui les menace, les organi- sateurs de la bande mexicaine ne pouvaient pas rester plus longtemps silencieux. L'un d'eux, s'inlitulant officier d'Etat-major, vienl de publier une brochure en réponse aux critiques dirigées contre ['expedition. Une seconde brochure, plus étendue, parait-il, doit paraitre prochainement celle-ci a pour auteur M. Bonnevie, avocat a Bruxelles. II ne pouvait rien nous arriver de plus heureux que de voir les partisans de l'expédition mexicaine descendre dans l'arêne de la discussion. Aussi long temps que nous avons parlé seuls, l'opinion pubiique a pu se tenir en défiance de nos critiques au- jourd'hui qu'elle est a mêrrie de s'éclairer par un débat contredictoire, elle n'aura plus longtemps h hèsiter notre victoire est certaine. Des dix-sept pages donl se compose la brochure de M. roflicier d'Etat-major, deux sont consacrées a des injures a l'adresse de M. l'avocat Vandenkerckhove et six autres a des considérations complélement étrangères au débat. Nous comprenons que M. l'offi- cier soit trés en colère contre le savant auteur de la dissertation sur l'artiele 92 du Code pénal, mais des injures, surtout des injures anonymes, sont toujours un pitoyable procédé de discussion, sans compter qu'elles donnent, du caraclère personnel de leur au teur, une opinion fócheuse qui rejaillit nécessaire- ment sur la cause qu'il défend. Si nous nous oubliions au point de qualifier de grotesques, de ridicules, de niais, les arguments de Al. I'officier de l'Etat-major, il est une chose, du moins, que nous n'oublisrions pas, c'est de mettra notre nom au bas de nos injures el de nous offrir ainsi tout entier aux représailles de notre adversaire. Mais passons la-dessus et sans nous arrêter plus longtemps aux vivacités de langage de M. I'officier de l'Etat-major, écartons de son travail tout ce qui est étranger a l'objet du débat. M. I'officier nous assure que nos compatriotes feront bonne figure cóté des vétérans de l'armée francaise et de l'armée autri- chienne. II écrit deux pages pour nous le prouver. Peine inutile, car nous n'eu avons jamais douté seu- lement cela n'a absolument rien de commun avec la question. M. I'officier consacre trois autres pages a démontrer qu'en aatorisant un certain nombre d'of- ficiers, de sous-officiers et de soldats a prendre ser vice au Mexique, on entretiendra dans l'armée un excellent esprit militaire Encore une fois qu'est-ce que cela fait a la question? Nous ne sommes pas, d'ailleurs, persuadés du tout que ces officiers et sol- dais s'en aillent avec l'esprit de retour. La plupart des officiers ne tarderont pas a acquérir la-bas des grades infiuiment plus élevés que ceux qu'ils occu- paient dans l'armée, ce qui rend plus que douteux qu'ils se déci lent jamais a rentrer dans les cadres militaires de la Belgique, et quant aux soldats, pres- que tous ont l'intention, leur terme d'engagement expiré, de se fixer dans les possessions immobilières que la munificence du gouvernement mexicain leur fait esperer. M. I'officier parait partager la même opi nion, car il écrit, page I I de sa brochure Les Beiges qui s'établiront dans les terres qu'on leur cédera gratuitement a l'expiration de leur temps de service, formeront le noyau d'une petite colo- nie, dont l'élablissement ne cofttera pas une obole au pays, et qui fournira un excellent débouché a nos proluits et a une partie de notre population ouvrière. II n'y a done pas a tenir compte de l'avantage que l'expédition pourrait nous procurer au point da vue de l'é lucation militaire de notre armée. II ne s'agit pas de cela, d'ailleurs, inais bien d'examiner ['expedition en elle-même sous le triple aspect de nos devoirs comme pays neutre, de la léga- lite des enrólements et des intéréts de la cause libé rale dans le monde. La est la question, et s'il est dé- montré. par exemple, que les immunités accordées aux officiers et soldats qui s'engagent au service du Mexique violent les devoirs de la neutralité, M. I'offi cier d'état-major nous accordera qu'il devient super- flu de rechercher si l'armée beige pourrait ou non retirer quelque avantage de l'expédition mexicaine. M. I'officier affirme que l'organisation du corps mexicain n'est pas contraire a nos obligations de peuple neutre. La conférence de Londres, en décla- rant que la Belgique formera un Etat indépendant et perpétuellement neutre et qu'elle sera tenue d'ob- server cette même neutralité envers tous les autres Etats, n'a stipulé et ne pouvait évidemment, écrit- il, stipuler qu'au nom de l'Europe. Rien n'est plus vrai, maisadmirez la conclusion i La garantie i> réciproque, poursuit M. I'officier, ne s'étend done pas (ce done est charmant) aux autres parties du d monde. Permettez, M. I'officier, la neutralité de la Belgique a été stinulée, sans aucun doute, dans l'intérét de l'équilibre européen; mais de la a con- clure, comme vous le faites, que nous n'avons de neutralité a observer que vis-a-vis des puissances européennes seulemgnt, il y a loin. L'équilibre euro péen peut être troublé tout aussi bien par une guerre que nous enlreprendrions contre un peuple du nou veau monde que par une guerre que nous engage- rions avec une puissance européenne. Supposez, par exemple, M. I'officier, que nous fassions la guerre aux Etats-Unis et que ceux-ci s'eraparent d'Anvers. Ne voyez-vous pas que I'occupation de notre métro- pole commerciale par les Américains détruirait l'é quilibre européen? Or, c'est contre des éventualités de ce genre que la conférence de Londres a voulu se prémunir en décrétant notre neutralité, non pas seu- lement a l'égard des puissances signataires du traité de 1831mais a l'égard de tous les autres Etats sans distinction ni exception. El le gouvernement, M. I'of ficier, a si bien compris que la neutralité liait la Belgique, même vis-a-vis des pays du nouveau monde, qu'il s'est empressé de déclarer, par la bouche de M. Frère-Orban, que si les Etats-Unis, appliquant la doctrine de Monroë, tentaient d'expulser le gouverne ment de Maximilien 1", son premier devoir, a lui, gouvernement beige, serait d'enjoindre aux Beiges de la légion mexicaine de rentrer dans le pays et, a dé- faut par eux d'obtempérer a cette injonction, de les condamner a la perle de leur nationalité. Vovons si M. I'officier d'Etat-major sera plus heu reux sur la question légale. Aux termes de l'artiele 121 de la Constitution, aucune troupe étrangère ne peul être admise au service de l'Etat, OCCUPER ou traverser le territoire qu'en vertu d'une loi. M. I'officier estime que eet article n'est pas appli cable a la légion d'Audenaerde pour deux raisons, dont l'une, la première, vaut son pesant d'or. On ne peut appeler troupe, dit-il, une réunion de ci- toyens qui hier n'étaient que dix, qui sont cent aujourd'hui, et qui, demain, quand ils seront mille, partiront. u Craignons de gater cette plai- santerie en y répondant et passons a 1'autre argument de notre adversaire. Les citoyens engagés dans la légion mexicaine ne peuvent pas, d'après lui, être considérés comme formant une troupe étrangère puis- qu'ils sont tous Beiges et qu'ils s'expatrient avec l'autorisation du gouvernement. Ici. M. I'officier con- fond deux choses tout-a-fait distinctes la nationalité du corps et celle des individus qui le composent. Et, sans enlrer a ce sujet dans une dissertation de droit que notre adversaire pourrait qualifier d'argutie de procureur, supposonsen Algérie un bataillon entière- ment composé de Beiges; ce bataillon, en tant que bataillon, est-il beige ou francais? M. I'officier ne soutiendra pas, a coup sür, qu'il est beige. Eh bien, par la même raison que ce bataillon doit être consi- déré comme une troupe étrangère, nous disons que le corps mexicain d'Audenaerde, bien qu'entièrement formé de Beiges, doit être regardé, lui aussi, comme un corps de troupe étranger, dont la présence, sur le territoire du royaume, ne peut être tolérée sans violer l'artiele 121 de la Constitution. Ce n'est pas le seul oubli de la loi que nous ayons eu a conslater dans cette affaire. L'art. 92 du Code pénal prèvoit et punit les enrólements militaires illi- cites. M. Chapelié a-t-il été autorisé a enróler des soldats pour le compte de Maximilien l". Le gouver nement affirme que non. Dès lors, la justice doit avoir son cours et M. Chapelié doit être déféré aux tribu- naux. Pourquoi l'action de la magistrature est-elle arrêlée? M. I'officier qualifie de grotesque l'interpré- lation que nous donnons a l'artiele 92 du Code pénal. Libre a lui. Rappelons seulement que le texle de eet article est net, précis, impératif et ne laisse place a aucune interprétalion. Notre adversaire l'a si bien compris qu'il n'a pas même osé le mettre sous les regards de ses lecteurs et qu'il a jugé prudent de s'en tenir a des injures. Quant au but même de l'expédition, nos lecteurs le connaissent et nous n'avons pas a y revenir. Les hommes fibres du Mexique onl horreur d'un gouver nement étranger qui pretend s'imposer a eux par la force des armes. Ce gouvernement, qui ne peut se

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L’Opinion (1863-1873) | 1864 | | pagina 1