JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISSEMENT
YPilES, Dimanche
Deuxième année. N° 42.
16 Octobre 1864.
PARAISSANT LE DIMANCHE DE CHAQDE SEMAINE.
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POUR LA BELGIQUE
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ou envois d'argent doivent être adressés franco au bureau du journal.
Revision du Reglement de l'Association
electorale d'Vpres.
Nous reprenons aujouri'hui notre travail sur le
règlement de 1'Association électorale d'Ypres, que
des circonstances diverses nous ont empêché de
poursuivre a l'époque oü nous en avons cominencé
la publication dans VOpinion.
Nous ne pouvons avoir la présomplion de croire
que les premiers articles que nous avons consacrés
a celte intéressante étude soient restés présents a la
mèmoire de nos lecteurs. D' nitre part, ces articles
forment, avec ceux qui vont suivre, un tout indivi
sible qui ne peut être saisi que par sou ensemble. On
voudra done bien com prendre la necessitè oü nous
sommes de les résumer ici, aussi briévement que
possible, avant de reprendre notre travail au point
oü nous l'avons laissé.
I.
C'est une chose qui ne sera conlestée parpersonne,
pensons-nous, que les assjcialions politiques perma-
nentes n'ont pas repondu aux brillantes espérances
qu'elles avaient fait concevoir. Le Congrès libéral,
qui comptait dans son sein tanl d'hommes rompus
aux lut.es électorales, avaitcru que ces associations,
organisées dans tous les arrondissements du pays,
auraient promptement raison du parti catholique et
qu'elles assureraient, dans l'aveuir, la prédominence
permanente du libéralisme.
Réunir tous les citoyens assez intelligents, assez
dévoués la chose publique pour lui sacrifier leurs
sentiments personnels de sympathie ou d'éloignement
pour les candidats n'adopter que des candidats dont
le caraclère et les antécédents offrent une première
garantie el qui, sans dénaturer leur mandat, sans
abdiquer leur dignite, sans enchainer leur conscience,
se déclarent fermement disposés a faire triompher les
maximes qui forment le code de l'opinion libérale;
assurer aux élus du plus grand nombre les suffrages
definitifs, l'appui efficace de la minoritè qui, après
une discussion franche et libre, aura succombé dans
l'épreuve préparatoire voilü, disait l'honorable
M. De Facqz, dans le mémorable discours par lequel
il ouvrait cette grande assemblée, voila le secret du
moyen qui peut encore réparer tout le mal.
La première expérience fut, en effet, victorieuse
et parut donner raison aux prévisions de l'honorable
président du Congrès En 1817, sous l'effort des
nombreuses associations créées a son appel, le parti
catholique, qui avait gouverné pendant prés de dix
années sans interruption, le parti catholique fut
écrasé et dut céder la place a ses adversaires. Les
hommes de ce temps se rappelleront le délire de joie
qui s'empara alors de nos amis c'en étail fait dé-
sormais des cléricaux, leur defaite était irréparable,
jamais on ne les reverrait plus au pouvoir, il n'y
avait plus a s'en occuper.
Ainsi disaient nos amis. Et pourtant, quelques
années plus lard, c'était leur tour de battre en re
traite et le pouvoir, dont ils se croyaient assurés pour
tonjours, passait aux cléricaux qu'ils croyaient avoir
anéantis.
1857 arrive. Les libéraux remportent une nouvelle
victoire. Les associations ont fait merveille une
vingtaine de cléricaux tout au plus a échappé au
naufrage. Oh, pour cette fois, s'écrient nos amis, ils
sont morts et bien morts, les hommes de la main-
morte et des couvents. II faudrait avoir perdu Ie sens
pour s'imaginer qu'ils pussent jamais ressusciter.
Réjouissons-nous dans le Seigneur on n'en entendra
plus parler. Très-bien, mais voila qu'en 1859 des
élections ont lieu et que les morts sortent de nou
veau de leurs tombeaux pour nous combattre et nous
enlèvent de rechef plusieurs voix a la Chambreetau
Senat. En 1861, nouvelle lutte, nouvel échec et enfin,
en 1863, MM. les cléricaux nous arrangent si bien,
nous et nos invincibles associations, que nous en
sommes réduits a leur offrir le pouvoir, qu'ils refu-
sent d'accepter parce qu'ils comptent nous baltre plus
complétement encore aux élections générales de 1865.
Leurs espérances, il est vrai, ont étédécues; la der-
nière lutte électorale a donné a l'opinion libérale une
revanche compléte et éclatante de ses revers succes-
sifs; il n'en est pas moins certain qu'elle a failli suc-
cornber et qu'il s'en est fallu de peu de chose que le
parti clerical n'ajoutêt un triomphede plusa tous ccux
qui ont marqué nos batailles électorales depuis dix
ans.
Oh, nous sommes loin d'attribuer ces échecs
successifs aux associations électorales seulesnous
savons lenir compte et des circonstances exté-
rieures et de la question du colon a Gand et de
la question des fortifications a Anvers mais en
fesant une juste part aux difficultés de tout genre
que l'opinion libérale a rencontrées sur sa route,
il n'en faut pas moins reconnaltre que les asso
ciations permanentes n'ont pas su les surmonter et
que, sous ce rapport, elles sont restées en dessous
des espérances qu'elles avaient données. N'oublions
pas, d'ailleurs, que, dans plus d'une circonstance,
elles ont succombé sur le terrain purement politique
et dans un temps oü ni les événements extérieurs ni
la question d'Anvers ou de Gand ne pouvaient exer-
ceraucune espèce d'influeuce sur le scrutin.
II.
Les associations libérales déploient, en temps
d'élections, une trés-grande activité. Rien ne leur
coüte alors, ni peines ni argent. Elles arrivent ainsi
a produire, a un moment donné, un effort consi-
rable. Parfois eet effort leur donne la victoire, mais
parfois aussi, l'expérience de ces dernières années le
démontre, eet effort est impuissant, et pourquoi est-
il impuissant? Parce qu'il est tardif.
Que le parti clérical ne se mette en campagne que
la veille de la lutte, cela se compi end. II n'a que taire,
lui, de preparer de longue main l'esprit public; il
abandonne ce soin au clergé, qui s'en acquitte infini-
ment mieux qu'il ne pourrait le faire lui-même. Par
l'administration des sacrements, par le confessionnal,
par la chaire, le prêlre exerce sur les électeurs une
influence continue et incessante. Sur du prêtre, le
parti clérical peut attendre le dernier jour, sans
coinpromettre ses chances de victoire.
II n'en est pas de même du parti libéral, et nous ne
craignons pas de le dire, aussi longtemps que nous
reslerons organises comme nous le sommes, avec
nos vieux règlements qui ne s'occupent que des
élections, nous resterons condamnés a ces alterna
tives de succes et de revers dans lesquelles nous
épuisons nos forces, sans profit durable pour l'opi
nion libérale.
A la veille des élections, il est vrai, nous nous
donnons beaucoup de peine nous sommes alors
tout feu, toute ardeur. Nous nous hatons d'orga-
niser, jusque dans les moindres cantons, des comités
électoraux les circulaires, les journaux, les impri-
més de toute espèce sont distribués avec profusion
on nous voit courir, de porie en porie, sollicitant
les suffrages de quiconque cultive un coin de terre
appartenant a un propriétaire libéral. Nous allons,
nous venons, nous nous agitons en tous sens, comme
si quelques jours d'activité devaient suffire pour
regagner le terrain perdu pendant trois ou quatre
années d'indolence. Après quoi, Félection finie,
tout notre beau feu s'éteint. Les comités canto-
naux, formés au hasard, se dissolvent, Ia propagande
se tait, les journaux disparaissent et la domination
cléricale, un mome»t inquiètée, reprend son em
pire.
Si ce tableau est fidéle, faut-il s'étonner de la
multiplicité de nos défaites et de la stérilité de nos
triomphes?
Les associations ont autre chose faire que de s'oc-
cuper exclusivement d'élections. Si elles veulent fon
der une oeuvre durable et vraiment libérale, il fut
qu'élargissant le cercle trop étroit de leur activité,
elles se mettent résolument a la tête du mouvement
politique du pays et qu'elles prennent l'initiative de
toutes les réformes utiles.
Ce n'est pas assez que de secouer, au moment du
vote, les populations ignoranles des campagnes il est
trop tard alors pour faire pénètrer un peu de lumière
dans ces esprits faussés et prévenus. Ce n'est pas
assezqued'envoyerau Parlement des députés dévoués
au libéralisme; il faut que, par une étude assidue, les
associations préparent la solution des questions
l'ordre du jour et fassent sentir, dans la balance des
délibérations parlementaires, le poids de l'opinion
publique. Ce n'est pas assez, enfin, que de porter au
pouvoir un ministère libéral, il faut seconder ses
efforts s'il marche, et s'il s'arrête, le contraindre a
avancer.
Telle est, selon nous, la mission des associations,
celle dont l'accomplissement doit assurer le Iriomphe
définitif de l'opinion libérale en la mettant pour tou-
jours a l'abri des revirements ou des fluctuations du
scrutin.
Sans doute l'éminent magistrat qui présidait le
Congrès libéral et les fondateurs des nombreuses
associations écloses a sa voix comprenaient fort bien
que la conquête de la majorité parlementaire, but de
leurs efforts, ne pouvait être assurée que par le dè-
veloppement contiuu, au sein des masses électorales,
des idéés de progrès et de liberlé qui forment la base
de l'opinion libérale; sans doute, ils savaient comm&
nous mêmes, que le libéralisme ne peut compter sur
rien de stable et de certain si l'éducation publique
est en retard des réformes dont il poursuit la réalisa-
lion, mais il est permis de leur reprocher avec jus-