JOURNAL D'YPRES ET DE L'ARRONDISS
YPllESj Bimanche
Deuxième année. N° 44.
30 Octobre 1864.
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Itévlsion du iScglemcnt de l'Assoeiation
electorale d'X'pres.
V.
C'est un fait malheureusement trop reel que les
campagnes sont complètement dèpourvues d'ensei-
gneinent libéral. GrAce ii eet état de choses, M. le curé
peut dire de nous ce que bon lui semble et sa parole,
souveraine et incontestée, est accueillie comme evan-
gile. Etonnons-nous, après cola, si none passons, aux
yeux d'une foule de braves campagnards, pour des
irnpies et des athées.
A la veille des elections, nous inondons les campa
gnes de nos journaux. Peine inutile, sterile depense,
nosjournaux sont condamnés d'avance el si quelque
campagnard, plus audacieux que lesaulres, se hasarde
a les lire, il court s'en confesser le lendemain. Lasim-
plic'té de cet homrne vous fail sourire? .Mais, vous
qui souriez, qu'avez-vous fait pour éclairer cette in
telligence, pour l'arracher aux prejugés séculaires
dontelleest infectée? Voila un bomrne que vous avez
laissé grandir dans le mépris de Ia liberté et de sa
propre raison, un homme que vous avez abandonné,
lui, son coeur et son esprit, au laconnement de son
curé qui est votre ennemi, et quand ce malhoureux
aveugle court se jeter aux genonx du prêtre et lui
demande pardon, comme d'un péché mortel, d'avoir
cédé un instant a la tentaiion de votre enseignement,
vous souriez et vous le trouvez souverainement ridi
cule? Riez tant qu'il vous plaira, mais vous êtes mille
fois plus ridicule que lui.
Nos journaux élecloraux sont done parfaitement
inutiles. Ecrits dans la fièvre du combat, sous l'em-
pire de passions fortement surexcitées, dépassant, le
plus souvent, la mesure du langage qu'il convient de
faire entendre a des consciences facilement alarmées,
peut-êlre serait-il plus vrai de dire qu'ils nuisent a
la cause libérale beaucoup plus qu'ils ne Ia servent.
Supposons, au contraire, un journal libéral, écril
avec beaucoup de modération et de prudence, s'atla-
chant a restiluer a nos luttes politiques leur veritable
caractèreeta justiüer l'opinion libéraledesaccusalions
qui pesent sur elle, signalant les tendances de l'opi
nion contraire, montrant aux campagnards le libéra-
1 sme tel qu'il est, étranger a toute religion positive,
dófenseur de la liberté religieuse, mais aussi adver-
saire déclaré des prétenlions ultramontaines et résolu
a maintenir contre ces prétentions les droits de ia
société civile évitant avec soin les discussions irri-
tantes qui pourraient alarmer les esprits trop timo-
rés, sachant même faire au besoin quelques conces
sions a des prejugés trop enracinés pour être facile
ment anéantissupposons un semblable journal
distribué gratuitement aux électeurs des campagnes,
non pas depuis un an, mais depuis trois, quatre ans,
ayant eu, par conséquent, tout le temps nécessaire
pour faire son chemin dans les esprits. N'esl-il pas
certain que ce journal, en peu de teraps, aurait ra-
mené a nous la plupart de ses lecteurs et que uous
n'aurions plus a souffrir des calomnies dont l'opinion
libérale est accablée aujourd'hui dans les campagnes
Votre journal, nous dira-t-on, sera mis a Vindex
par le curé, personne ne le lira.
Que le curé le voie d'un bon ceil, nous n'avons garde
de le croirenous admettrons même sans trop de peine
qu'il lui fera Ia guerre, si anodin, si pacifique que
notre journal se montre a son début. II n'en fera pas
moins son chemin si nons avons le courage de persé-
vérer dans la voie de la modération et de la prudence,
si nous ne nous laissons pas emporter par un désir
irrólléchi d'user de représailles. Le paysan commen-
cera peut-être par repousser notre journalmais,
au bout d'un mois ou deux, l'envie lui prendra bieu
certainement un jour d'en lire quelques lignes et s'il
n'y apercoit rien de contraire a la religion, nous
aurons fait un grand pas dans son esprit, cardece
jour, il aura appris a douter de la parole de M. le
curé et il commencera a se tenir en défiance de lui.
Ne nous effi'ayons done pas outre mesure, de la cen
sure du curé cette censure est redoutable, sans
doute, mais la gratuité du journal offrira au paysan
un appat auquel il ne résistera pas longtemps, surlout
si nous avons le bon esprit de ne pas inquiéter sa
conscience par des polémiques irritantes ou trop
avancées pour lui.
Nous ne demandons pas, d'ailleurs, la créalion d'un
journal exclusivement politique le moindre tort d'un
pari-il journal serait de n'offrir qu'un intèrêt fort mé
diocre aux yeux des habitants des campagnes, peu
soucieux, en général, de discussions poliiiques. Ge
qu'il nous faut, c'est uu journal attrayant, que les
campagnards trouvent du plaisir a lire, qui soil pour
eux comme une récréation après le travail de chaque
jour; un journal qui, dans la maison, circule de main
en main et soit lu par toute la familie, depuis le père
jusqu'aux enfants qui vont a l'école. Un journal qui
ne traiterait que de politique n'atteindrait évidem-
ment pas ce but. Done, aussi peu de politique que
possible; mais, en revanche, beaucoup de fails di
vers, dont nos paysans sont t'riands par-ci par-ia
quelques renseignements intéressant l'agriculture, la
cbronique des marchés, le résumé des travaux légis-
latifs, un feuilleton bien choisi, des notions élémen-
taires de physique, de chimie et des sciences natu
relles en général, la relation d'un voyage lointain, des
nouvelles de la guerre, etc., etc. Dans cet ordre de
matières, on n'a que l'embarras du choixelles se
présentent d'elles-mêmes a l'esprit de quicooque veut
y réfléchir un instant.
Reste la question des frais. Nous avons dit et nous
avons a établir qu'ils seraient relativement peu con-
sidérables.
El d'abord, il est clair que notre journal, n'ayant
pas d'aulre but que de populariser dans les campa
gnes les doctrines libérales et d'y défendre les inté
réts généraux du libéralisme, pourrait el devrait être
accepté comme un bienfait, non pas seulement par
les libéraux de l'arrondissement d'Ypres, mais par
tous nos amis politiques de la Flandre-Occidentale.
A supposer que l'association d'Ypres prit l'initiative
de notre projet, il ne lui serait pas difficile d'y rallier
toutes les autres associations de la province, qui ont
a lutter comme nous-mêmes contre ('influence cléri-
cale et que l'on trouverait sans doute entièrement
disposées a seconder nos efforts. Ges diverses asso
ciations ainsi fédérées pour la realisation de l'oeuvre
commune, a quel chiffre s'élèverait la dépense? Nous
avons demandé ce calcul a un homme parfaitement
compétent en pareille matière tout compte fait, le
journal, tiré a dix mille exemplaires, ne reviendrait
pas a plus de 300 francs par numéro, distribution
comprise, e'est-a-dire que, a supposer le journal
mensuel, ce qui serait très-suffisant, tous les libéraux
de la province auraient a pourvoir ensemble, par
voie de souscription, une dépense d'environ trois
mille six cents francs par année.
On peut diffórer d'opinion avec nous sur l'utilité
d'un journal tel que nous l'avons défiuimais si,
après en avoir reconnu les avantages, quelques-uns
trouvent que 3,600 francs c'est trop d'argent, nous
plaignons sincèrement l'opinion libérale de compter
dans son sein des hommes si peu dignes du nom
qu'ils s'arrogent.
Mais la grande difficulté ne sera pas, nous en
sommes convaincus d'avance, dans la question d'ar
gent; ce qui pourra faire hésiter quelques-uns de
nos amis, c'est la crainte que des coteries ne cher-
chent a s'emparer du journal pour Ie faire servir au
triomphe de leurs pelites ambitions personnelles.
Sans nous dissimuler ce danger, nous croyons qu'un
système de surveillance bien organisé suffira pour le
conjurer. Que l'on n'oublie pas, d'ailleurs, que ce
journal serait placé sous la direction de toutes les
associations de la province que, devenant en quel
que sorte l'organe officiel du libéralisme de notre
province, il ne pourrait rien insérer qui n'eht été,
au préalable, approuvé par un comité de rédaction
choisi parmi les membres de ces diverses associations
et soumis a une réélection périodique. Avec des pre
cautions de cette nature et d'autres que ia discussion
pourrait suggérer, l'ambition des coteries locales se
rail peu redoutable et facilement arrètée dans ses
projets.
Comment le PltOPAGrATECR entend la
liberté pour tous.
Si nous avions pu caresser un seul instant l'espoir
de ramener le Propagaleur a une appreciation plus
équitable des doctrines libérales en matière d'ensei-
gnement, l'article qu'il nous consacre, dans son nu
méro de samedi dernier, nous aurait grandement
décus. Mais en provoquant notre contradicleur a la
discussion publique des accusations qu'il ne cesse de
diriger contre des doctrines qui nous sont chères,
c'est a peine si nous avons besoin de dire que nous
n'avons pas compté sur le miracle d'une conversion
aussi impossible et que notre seul but a été d'appeler
le jugement des hommes éclairés et impartiaux sur
une question qui a fourni et qui fournit encore tous
les jours tant de prétextes a des recriminations violen-
tesconlre le parti libéral. A ce point de vue.la discus
sion que nous avons soulevée n'aura pas été inutile,
car, dés son début, eile vient d'amener notre contra-
dicteur a nous faire un aveu qui jelte un jour écla
tant sur les théories du parti clerical en matière de
liberté.