MM. les curés nous offrent leur sang. Hé, bon Dieu.que ferions-nous du sang de MM. les curés? Un malheureux tente de tuer sa maitresse et, le coup manqué, se fait sauter la cervelle. Nous re- levons le mort et nous l'enterrons décemment, non pas par amour de lui-même, mais par respect pour la dignité humaine, représentée dans ce cadavre d'assassin comme dans celui du plus puissant ern- pereur de la terre. Qu'est-ce que le sang de MM. les curés d'Ypres vient faire dans cette af faire? Vrai, n'est-ce pasune chose a la fois pénible et risible que de voir des hommes graves se livrer, a propos d'une question de cette nature, des dé- monstrations de sentiments qu'on croirait emprun- tés au héros de l'auberge Des drets? Que MM. les curés protestants se rassurent personne, a Ypres, ne demande leurs têtes. Un peu moins de zèle pour les bbertés de l'Eglise, un peu plus d'amour pour les libertés beiges, la paix pour les vivants et surtout pour les morts, qui ne peuvent pas se défendre, voila tout ce que nous leur demandons. Mais quoi qu'il arrive, ce ne sera pas une raison, paree que Jésus-Cbrist est mort pour la liberté du monde, pour que nous songions jamais a prendre au mot ses ministres, dévoués, eux aussi, jusqu'a la mort, mais au des potisme ultramontain. l,e Traité de Commerce avec la Prnsse. 3"°e Article.) Trois divers systèmes douaniers ont été, sont ou seront employés. Ce sont 1° Le système protecleur. 2° Le système de réciprocilé. 3° Le libre-échange. Le système protecteur consistait A. a encourager i'importation et a défendre l'exportation des matières premières, b. a défendre I'importation et a encoura ger l'exportation des objets manufactures. Colbert, le financier-intendant de Louis XIV, appliqua ce sys tème avec le plus de suite et d'eclat. Le système pro tecteur. réussit si bien a la France que les pays voi- sins se l'appliquèrent etaujourd'hui sa réglementation commerciale existe encore, si pas compléte, tout au moins parlielle, dans quelques Etats de l'Europe. Le système de réciprocilé naquit au commencement du xix°siècle. Les nations furententrainées ale mettre en pratique par la nécessitè d'étendre leurs débou- chés; la vente intérieure ne suffisant plus a l'écoule- ment de leurs produits, il leur fallait chercher des acheteurs au dehors; la diplomatie fut activement occupée a preparer des alliances commerciales. Par des concessions réciproques d'Etat a Etat, par des diminutions de droits de part et d'autres, on facilita l'échange du produit du travail. La concurrence était tolèrée. Le système de réciprocité était celui appliqué en Belgique aux houblons et aux huiles, avant le Traité avec la Prusse. On frappait ces produits, a leur entree en Belgique, d'un droit assez peu élevé mais en rap port avec ceux percus par les nations voisiues Celles- ci exigeant des droits sur ces matières, la Belgique, a titr.e de réciprocité, frappait de droits leurs produits similaires et sauvegardail les intéréts de nos agricul- teurs et de nos fabricants tout comme les autres pays sauvegardaient ceux des leurs. Le iïbre-échange, ce systeme dont la cause est ga- gnée, mais dont i'applicalion est loin d'être générale, établit la liberté compléte du commerce, c'est-a-dire l'abolition des taxes. Un temps viendra oü ce système sera universellement pratiquè. Malheureusement nous n'en sommes pas encore la. Gependant tous les fails se préparent a l'accomplissement de l'union de tous les membres de la familie humaine; le système pro tecteur s'en va pièce a pièceil disparaitra pour faire place au libre-échange, que nous appelons de tous nos vceux, paree qu'il fera la prospérité et de la Belgique et de tous les peuples. Lequel de ces trois systèmes de douanes le traité avec la Prusse vienl-il d'adopter pour ce qui regarde les huiles et les houblons Avant ce traité il y ava't, nous l'avons dit, récipro cité. Aujourd'hui la réciprocité disparait pour faire place en Prusse au système protecteur, en Belgique a la libre entree, nous voudrions pouvoir dire au libre- échange. Un système batard remplace l'ancien qui convenait a noire pays aussi longtemps que nos voi- sins ne nous suivaient pas dans la voie de l'abolition des droits. La Prusse, comme la Hollande et la France, maintiennent leurs droits protecteurs la Belgique ouvre ses marchés libres aux commercants et fabri cants de ces pays, Le libre-échange sans réciprocité est une duperie. Le traité avec la Prusse est une convention diplo matique dans laquelie chaque parlie a taché d'obtenir le plus d'avantages possible de sa co-contractante. Donnez-moi tel avantage, a dit le Zollverein, et je vous accorderai tel autre. Laissez entrerchez vous mes huiles et mes houblons en franchise de droitpermet- tez-moi de faire une concurrence écrasantea vos pro- duits similaires et je vous accorderai des avantages pour d'autres industries. Ainsi dit, ainsi fait .- ia diplomatie beige, le gou vernement beige ont accepté ces offres et recu des fa veurs pour d'autres industries. Le sacrifice de l'in- dustrie huilière et de la culture du houblon a été le prix de ces concessions. Ecoutons a ce sujet une voix qu'on ne pourra sus- pecter d'opposition systématique. Ces faveurs spé- cinles, disait M. le baron Mazeman au Sénat, sont accordées pour obtenir la liberté d'entrée en Prusse des charbons beiges et de quelques autres articles, des eharbons surtout. En effet, l'arl. 8 du Traité porte A l'entrée dans le Zollverein, les objets d'origine beige ci-après ènu- mérés, seront admis comme il suit, savoir Ilouilles, cokes et briquettes decharbon. libres. Allumetles chimiqueslibres. Farines, etc.fils de lin filé a Ia main. libres. Comme on le voit, la liberté d'entrée des cbarbons en Prusse a été le prix du sacrifice de deux sources de richesse pour notre arrondissement; car les autres articles admis librement en Prusse n'auront, par la nature des choses, qu'une minime importation dans ce pays. M. le sénateur Mazeman avait raison de dire qu'on appauvrit, qu'on ruine nos cultivateurs et nos usiniers des Flandres au bénéfice des grands capitalisles, ac- tionnaires des charbonnages. Nous sommes entièrementde l'avis de M. Mazeman. Lecharbon est si bien représenté a la Chambre et au Sénat qu'il ne peut rien y avoir de surprenant au Traité. M. Carpentier au Cooseil provincial. Nos lecteurs se rappellent que dans nos numéros du 21 et du 28 mai, nous signalions les panilodies de notre illustre député. Nous marquions alors quatre dates, oü le célèbre acrobate politique avait exécuté de gracieuses pirouettes, en passant, sans broncher, de la corde libérale a la corde clérieale. Sans vanité, nous croyons que notre équilibriste est très-sensible a nos eloges, puisqu'il nous a fait l'amabilitè de ne conlester, en aucun point, l'exacti- tude de nos récits. Dans l'intórêt de la vérité, nous conslaterons aujourd'hui qu'il a definitivement adopté la corde clérieale. Espèrons toutefois que pour èlre moins variés, ses tours n'en seront pas moins inté ressants. En séance du 13 juillet 1863, le Conseil provincial fut saisi d'une proposition tendante a faire inscrire au budget de la province un subside pour venir en aide anx Bibliothèques populair es. La députation oü siége M. Carpentier rejela la demande par le motif que l'utüité des bibliothèques ne lui est pas démon- trée Ainsi que ses collègues, M. Carpentier n'est done pas éclaire sur l'avantage des lectures que font les gens du people; il n'est pas prouvé, pour lui, que l'instruction primaire ne saurait porter des fruits sé- rieux qu'a la condition de se prolonger et de se com pléter au-dela de l'école, par la lecture de bons livres; il doute encore si c'est faire chose utile qu'arracher l'ouvrier au chemin du cabaret, en lui ouvrant le chemin de la bibhothèque. En vérité, il faut bien du temps et bien des efforts poür éclairer certaines gens! Pauvre Jules Simon, comme il serait découragé s'il apprenait un jour qu'en écrivant un des beaux volumes de l'époque, il n'est pas même parvenu a éclairer l'illustre conseiller de Messines. Peut-être M, Carpentier objectera-t-il que ses in téressants travaux a la députation ne lui laissent pas le temps de lire les utopies des penseurs mo- dernes? L'objection serait sérieuse, car il est bien des es- prils dont Ia puissance ne s'étend guère au-dela de certaines limites. Or, si l'activité de M. Carpentier est lout entière absorbée par ses travaux administralifs, qui oserait lui faire un reproche de ne pas s'éclairer au mouvement progressif du siècle? La plus belle femme du monde ne peut donner que ce qu'elle a. Cependant, a défaut de lecture, notre député au- rait pu s'éclairer ailleurs. N'a-t-il pas sous les yeux la bibliolhèque populaire d'Ypres, düe a l'initiative intelligente de M. Vandenpeereboom et patronée par toute notre administration libérale? N'a-t-il pas sa propre expèrience? Car pour élucider les grandes questions administratives, il a recours probablement a sa bibliolhèque or, l'homme du peuple, pour s'in- struire, n'a pas de livres a consulter, s'il n'a pas la bibhothèque populaire. D'ailleurs, au moment même du vote, M. Carpen tier a pu entendre les arguments sérieux produits par plusieurs libéraux, notamment par M. De Breyne. Get honorable conseiller a démontré dans un bon discours l'utilitè des bibliothèques; et lorsque MM. Vanels- lande, Carpentier et consorts, qui ne comprennent pas et pour cause a quoi servent les livres, ont inlerrompu i'honorable député de Dixmude, celui-ci s'est écrié J'espère que le Conseil provincial de la Flandre occidentale ne se laissera pas dépasser, dans les efforts tentés pour la moralisalion du peuple, par l'empereur Soulouque lui-même 1 Eh bien, le croirait-on; rien n'y a fait et M. Car pentier n'en est pas plus éciairé pour lui Soulouque est un avancé ou un brouillon. En effet, nous lisons dans le Bulletin Ont voté contre la proposition MM. De Cock, Carpentier, Vanelslande, etc. Ce vote nous rappelle Trois poules s'en allant aux champs, La première marchail devant.... Mais nous y songeons, il s'agit moins de poules que de coqs. Disons done Le premier marchait devant, Le second tenait la queue du précédent, Le troisième suivait incontinent. Ont voté en faveur des bibliothèques, MM. Boedt, Beke, Bayart, Merghelynck, Bieswal, Vande Vyver, et tous les libéraux présents, sans aucune exception. II résuite évidemment de ce compte-rendu que si M. Carpentier est libéral avec MM. De Cock et Van Elslande, tous les dèputés d'Ypres, de Messines et de Rousbrugghe ont émis un vote clerical. Ce n'est guère admissibleaussi croirons-nous plu tót que nos appreciations sur sa moralilé politique out délerminè le député yprois se mettre mieux d'ac- cord avec lui-même. Après avoir nornmó M. Ghes- quière membre de la Commission des bourses d'è- ludes pouvait-il, sans inconséquence, donner son assentiment a Ia créalion et au développemenl de bibliothèques populaires? C'eut été une nouvelle pa- linodie. Et maintenant que MM. Carlon, Merghelynck et tous les gros piliers du libéralisme yprois exercent leur verve que le Progrès compose des dithyrambes en l'honneur du vote intelligent de leur ami, ['Asso ciation et les électeurs libéraux de Messines se sou- viendront et un jour ils démontreront a M. Carpen tier que les pirouettes et les cabrioles fort en vogue dans le monde des saltimbanques, ne sont guère ap- préciés chez les hommes politiques. La Chambre des Représentants a repoussé par qua- rante-lrois voix contre vingt-sopt et quatre absten tions, parmi lesquelles celle d'un ministre, M. Rogier, la proposition de M. Orts, tendante a imposer a l'élec- teur demandant pour la première fois son inscription sur les listes électorales, l'obligation de savoir lire et écrire. Par ce vote déplorable, la Chambre proclame la liberté do l'ignorance et declare implicitemcnt que l'instruction n'est pas une garantie d'indépendance pour l'électeur. En attendant que nous revenions plus amplement sur cette question, nous tenons a féliciter dès aujour d'hui M. de Florisonne pour son vote indépendant. Notre jeune député ne veut pas que l'argent, au lieu de l'instruction, continue d'être le criterium de ['in telligence des besoins du pays. Chaque médaille a son revers et nous regrettons vivemenl de ne pouvoir adresser les mèmes felicita tions a M. Alpb. Vandenpeereboom. M. Vandenpee reboom a voté avec les quarante-troisavec eux il considère le eens, c'est-a-dire l'argent, comme la ga rantie la plus efficace de l'intelligence et de la moralité de l'électeur. Les fréquentes promesses libérales faites par M. Alph. Vandenpeereboom nous faisaient espé- rer mieux que ce vote.

HISTORISCHE KRANTEN

L’Opinion (1863-1873) | 1865 | | pagina 2