JOURNAL D'YPRES ET YPRES, Dimanche. Troisième année. N° 45 5 Novembre 1865. UNE CONVERSION. POUR LA BELGIQUE 8 francs par an; -S fr. SO par semestre. Pour l'étrangcr, le port en sus. Un Numéro 35 Centimes. ^3 _A9k_ UHL* ZEE3 M JÜSC K S'ilest mie liberté que nous, journalistes, nous devons avoir a cocur de maintenir, entre toutes, intacte et inviolable, c'est assurément la liberté de la presse. Nous lui devons ce que nous sommes, sa vie est la notre. Souffre-t- elle? Nous souffrons. Meurt-elle? A l'instant nous voila morts. Les frères Siamois n'étaient pas plus indissolublement attachés. Chose singuliere et vraie cependant de toutes les libertes confiées a notre garde, celle dela presse est précisément laseule que nous n'ayons pas su préserver des atteintes de la reaction. II ne serait pas difficile de démon- trer, sicela pouvait être sérieusement contes- té, que la. Belgique, depuis 1830, aconsidéra- blement développé toutes ses autres libertés politique?mais qui pourrait prétenclre, si ce n'est un journal officieux, que la presse beige est aussi libre aujourd'hui qu'ellel'ctait il j a trente ans? II y atrente ans, nous ne commissions pas d'autres juges que le jury, et nous pouvions librement parler des gouverne- ments étrangers. Depuis, on nous a mis sur la bouche le baillon dc la loi Faider etl'onnous a faits justiciables des tribunaux civils, qui nous mènent haut la main et ne nous laisse- ront bientöt plus que la liberté de Figaro. D'oü nous vient pette impuissance a nous protéger nous-mêmes Pourquoi, tandis que nous sommes devenus plus libres de penser, d'enseigner, de nous associer, devenons-nous de jour en jour un peu moins libres d'écrire La raison n'est pas difficile a découvrir la liberté de conscience, la liberté d'association, la liberté de l'enseignement intéressent direc- tement la gënéralité des citoyens. On n'y pourrait toucher sans causer un cmoi universel et se jeter dans les plus graves embarras.Avec la presse, de pareils dangers ne sont pas a redouter. Dans un pays comme le notre, on la plupart des écrivains politique® appartiennent au journalisme, frapper la presse n'émeut. que les journalistes, c'est-a-dire quelques intéréts particuliers dont on fait bon marclié, grace a notre incurable bêtise. Ah si nous avions mieux compris nos de voirs et nos intéréts, tranchons le mot si nous avions été moins bêtes.nous n'en serions pas aujourd'hui a gémir sur les ruines du ma- gnifique patrimoine que Ie Congrès national nous avait légué; jamais ni le pouvoir ni la jurisprudence n'auraient osc nous en ravir une parcelle. Mais qu'avons-nous fait? Chaque ibis que le pouvoir a porto la main sur l'une on l'autre de nos garanties, chaque fois que les magistrats civils, usurpant une juridifction que la Constitution leur dénie, se sout' permis d'infliger a hun .ou l'autre journal d'écrasantes reparations pécuniaires, au lieu de nous unir dansle sentiment d'un danger commun a tous et d'opposer a ces entreprises l'mvincible puis sance d'une protestation collective et unanime, on nous a vus, obéissant a nous ne savons quels mauvais sentiments de rancune person- nelle ou de passion politique, nous diviser, misère, sur les questions d'oü dépendaient notre dignité et notre existence. Faut-il rap- peler qu'il s'est trouvé des journaux libéraux pour nous refuser la juridiction du jury et que, récemment encore, paree qu'il s'agissait d'un journal libéral, toute la presse catholi- que a applaudi a un jugement du tribunal de Charleroi qui assimile les journalistes a des domestiques a gages? Des domestiques, soit. Mais alors ne vous indignez pas si fort quand on donne des coups de baton au rédacteur du Nouvelliste de Gand. Des coups de baton, oui, nous en sommes arrivés la.. Ce n'était pas assez que l'amende et la prison, on ne nous fera plus même l'hón- neur de nous assignér en justice; des coups de de baton, voila qui est tout juste bon pour nous. II y a deux ans, sous le coup de l'émotion provoqüêe par le jugement .du tribunal de Charleroi que nous venous de rappeler, une immense protestation retentit dans toute la presse libérale. II fallait au plus tot s'unir pour mettre un frèin aux empiétements d'une reaction qui menagait de nous rejeter dans le S'ItlX B'ADOXXEIHENT LOPIHIOll PK.ÏX DES ASXD.WKS ET DES RÉCLAMES centimes la petite ligne. Corps du journal, 30 centimes, 0 -,E D AVANCE. Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensée. ON S'ABONNE A Ypres, au bureau du journal, chez FélixLambin, imp.-lib. rue de Dixmude, 55, ou au bureau de la Publicity Comjiekciale, 9, rue Fossés-aux-Loupsa Bruxelles. On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres ou envois d'argent doivent être adressés franco au bureau du journal. LE BATON. yous me demaiulez comment j'ai étc pincé? Mon Dieu, c'est bien simpleMon oncle de Yilesne m'avait dit Qu'est-ce que tu fais a Paris? Tu gaspilles ton argent et ta jeunesse; tu as des mines, ma parole d'hon- neur, j'en suis lionteux Tu te couches ii des heures crépusculaires, on te rencontre a cinq heures du matin sous les arcades Rivoli, tu te brides le sang, tout cela n'est pas une existence. Viens done a LoreyII n'v a que cela pour te remettre. Tu monteras Scapin, tu pê- cheras, tu chasseras, tu connais ma cave et ma biblio- thèque, tu pourras prendre ma grande ligne, je te lais- serai pêcher dans la réserve, et je n'inviterai jamais M'n« de Behring. Tu vois que je suis gent.il. IVailleurs tu feras plaisir a ta tante, sans parler.de Blanche Si tu savais commeces etres-la t'aiment, et, entre nous, tu ne le mérites guère; tu vas, tu viens, tu dines avee nous sur un pied au jour de Pan et a notre fete, et encore tu flies a neuf heures pour une affaire importante qui tombe rcgulicrement ce jour-la. Til sais, mon pelit, je connais tout Qa, moi, j'ai roti le balaijusqu'au manche; mais, la, franchement, on n'est pas sacripant comme toi. On te voit partout avec des dames qui ont des chignons qui n'en finissent, pas; mais de men temps,.mon cher, quand on était bien né et pas tropmal.tourné, ct bien, mais... Enfin, tu verras, tute ruineras etqa tefera helle jambe. Tu n'es pas bêtc, tu as même un certain brillant, mais cela n'est pas une ressource, et je crois que tu ne feras jamais rien de bon. C'est dróle, les parents sönt tous les mêmes; jamais rien de bon Je voudrais bien les y voir, eux. .Te suis le système Benting; j'ai dressé un cheval ii Onésirac en trois semaines; je ne sors pas de chez Pons; je travaille la fauconnerie avec Grandmaison et je suis du Cricketl. Us appellent qa ne rien faire. Enfinma familie n'a ja mais su me comprendre. Quinze jours a Lorey, i;a n'a rien d'effrayant; ma tante est bonne au possible et Blanche est gentilie comme tout; quand a mon oncle, c'est une perle, et des chevaux tenus! Comme on sent le vieux cavalcadour de Mme de Berry Bref, je pars pour Lorev il y avait deja quinze jours que j'y étais, je me portais, oil n'a pas idee de ca .Te buvais Je mangeais Je marcliais! J'étais gai comme un pinson et je ehantais de l'italien Moi, c'est un tic, quandje suis gai je chante de l'italien aussi, mon oncle prétendait qu'on avait laché des ténors dans les couloirs. Blanche m'appelait Ir Trovatore, ma bonne tante disait que j'étais la joie de ia maison, paree qu'au fond, vous savez, je ne suis pas mcchant. Un matrt done, nous sortions de table, mon oncfe m'ollre un cigare monumental, un cabanas superbe, et tout en me prenant le bras, il m'entraina vers l'étang. Je n'oublierai jamais (;a. Blanche marohait en avant, elle avait une robe de piqué blanc a jupe courle, le jupon de dessous était rouge avec des petits pompons espa- E'nols, et des bottines jannes qui montent, qui men tent... on veut toujours voir oil ca s'arrête. Ma tante était en peignoir, mais un peignoir serré, en toile dte soie forme princesse, taillé en biais et un pen plat sur les hanches. Elle avait les clieveux relew's a 1'antique. Elle se met encore tres-bien ma tante. Elle portait a son bras un petit panier en tapisserie, avec des morceaux de pain coupés pour le déjeuner des carpes. Pendant que ces dames nourrissaient les pensionnai- res, mon oncle m'entrainait i ers la petite ile pour fumer son cigare a 1'ombre du gros catalpa qui ombrage la Kalbrett. Sur l'autre rive, Blanche et ma tante, pen- chées sur la perche parmi les bouillons blancs, les gran- des sauges violacées et les liserons, se dessinaient en jolles silhouettes surun fond vert teudre. Les morceaux de pain flottaient sur l'eau détrempés a souhaitde temps en temps une grosse carpe lente et belle venait a la surface happer sa proie, le menu poisson frétillait d'aise, sautait hors de l'eau, et les éeailles éclataient comme de l'argent. Mon cigare était exquis, la digestion V

HISTORISCHE KRANTEN

L’Opinion (1863-1873) | 1865 | | pagina 1