lequel on veut maintenir ce privilege dans la loi. L'in- consequence résulte, dit-il, de ce qu'on cherche a étayer de faibles raisons line determination dont on hésite a dire les vrais motifs. Et la-dessus, soulevant les voiles etarrachant un peu les masques, M. Tempels affirme carrément que le seul motif réel des exemptions dont s'agit est le desir de fuvorher Ie recruteuient du clergé. Yoila la question s'ccrie-t-il, etil nous est avis qu'il a pleinement raison et que la question est pïéci- sément la. Ehquel autre motif pourrait-on alléguer En dehors de celui dénoncé, a peine s'en rencontre-t-il un seul, et encore, vu de près,-se réduit-il a un prctexte. C'estle motif déduit de la convenance de ne pas inter- rompre les études des théologiens et de ceux qui aspirent a le devenir. Mais ce motif ne s'applique-t-il pas, et a ceux qui se livrent a d'autres études etmême a ceux qui apprennent un métier? NTmporte-t-il pas a la société qu'il y ait aussi de bons instituteurs, de bons médecins ct de bons ouvriers Les conséquences mèneraient trop loin, comme on voit de proclie en proche il faudrait exempter tout le monde, c'est-a-dire supprimer le re- ■crutement même. Done, la seule raison de 1'exemption des séminaristes, grands et petits, est le souci defaciliter l'enrólement clerical et d'augmenter le nombre des prê- tres catholiques. L' auteur comprendrait ce souci s'il y avait pénurie de mi nis tres du culte et qu'il fut urgent de les multi plier. Mais il demande si cette pénurie et cette exigence existent Ah il ya encore de fous riies en Belgique, et 1'auteur a bien raison de dire qu'il est même douteux qu'une majorité catholique osat résoudre attirmntivcinent la question qu'il pose. II a grande raison aussi d'ajou ter qu'il y a bien plus pénurie de médecins et d'insti- tuteurs, que de cures et de vicaires. Et puis, comme il le fait observer encore avec une vive justesse cesjeu- nes gens que l'on exempte ne deviendront pas tous vicaires ile vont être aussi jésuites, dominicains, ca- pucinS, carmes, et le reste Serait-ce ce service-la qui est en souffrance au point d'akrmer l'État et de faire suspendre l'égalité des citoyens, c'est-a-dire le droit constitutionnnel Sur ce point M. Tempels conclut, avec une pressante et irresistible logique, que le ministère, s'il veut justifier son projet de loi, doit nécessairement admettre 10 Qu'il y a pénurie de prêtres et de moines 2» Que cette pénurie comproinet l'intérêt public 3" Qu'il est nécessaire de consacrer une exception au droit constitutionnel, afin d'augmenter le nombre de prêtres et de moines 4o Qu'il est nécessaire, tout au moins, de mainte nir l'exception, afin de ne pas s'exposer au danger de voir diminuer ce nombre 5o Qu'il faut imaginer un privilege pour engager les jeunesgens a entrer dans les convents et dans les sc- minaires. 11 Admettez-vous ces propositions, s'ccrie 1*auteur triomphant, ou ne les admettez-vous pas Si vous les admettez, dites-le done Car si vous ne le dites pas, n le pmblic croira qu'il y a d'autres motifs, vous sa il vez bien que le privilege signifie cela et pas autre chose Si vous n'osez pas (lire les vrais motifs, ne a voyez-vous pas que c' est paree que 1'opinion publique les rejrousserait avec éclat N'est-ce pas le signe a certain d'un abus, et n'en résulte-t-il pas que l'heure a de son extirpation a sonné Impossible de raisonner plus vivement, d'argumenter plus serré, de poursuivre l'épéeplus pres des reins, de mieux dire. Envisageant la question sous toutes ses faces, et ren- contrant résolument toutes les objections. Peut-être continuel'auteur, présentera-t-on les choses autrement et dira-t-on Si le culte est d'intcrêt public, 1'ifitat nedoit pas n seulement aviser a ce qu'il y ait assez de prêtres, a mais aussi a ce qu'il y ait de bons prêtres Pour cela il faut lo que leurs études ne soient pas interrom- ii pues 2o qu'ils ne soient pas exposés a la corruption a de la vie militaire. Ah c'est la-dessus qu'il faut lire les judicieuses in flexions de M.Tempels, et sa riposte pleine de bon sens, de saisissante vcrité, de verve et de mordante logique. Qu'ils se tirent de la, ceux qui imaginent que l'État doit se soucier plus des études de séminaristes que de celles de tousautres; que la moralité duprêtre doit être différente decelle de tout le monde qu'il est utile a la religion d'improviser prêtres, avant l'age de la raison, des jeunes gens que l'on n'oserait abandonner pendant quelques années au milieu du monde quepour aider la grace et faciliter l'éveil de ces précoces vocations, il est non moins utile qu'il y ait un privilege en guise d'appat et de prime enfin, qu'il est juste et rationnel que, dans qotre état social, la liberté, ait cette destinée de pou- voir être sans cesse invoquée pour tolérer l'abus, et lans cesse méconnue et violée pour protéger l'abus par des privileges M. Tempels est en politique un libéral sincere et convaincu. mais modéré dans les idéés et prudent dans la pratique trop prudent, trop modéré, suivant quel- ques-uns. II tient pour principe que toute réforme, pour étre utilement tentée, doit d'abord être entree dans les Vffiux des masses. L'opportunitédu mouvement, dit-il, est en raison de la resistance moins grande qu'on a peut prévoir et de la fécondité de la mesurepour a chaque progrès, il importe de choisir l'heure favo- ii rable, et quelle que soit ia valour (l'une doctrine, si u elle blesse les idéés de la masse du peuple, il faut re- noncer a son application immediate. Si nous avions a éinettre notre avis sur cette théorie, nous dil'ions que nous ne la pouvons partager que dans certaine mesure. Certes que, en matière d'innovations, la question d'opportünité n'est pas sans importance, et qu'il est incontestable qu'une mesure sera d'autant plus actuellement féconde qu'elle répondra davantage aux aspirations de la majorité, en ce sens, il est trés vrai que chaque progrès a son jour et son heure, jour, heure qu'il appartient an législateur d'épier et de saisir. Mais celane peut signifier, suivant.nous, qu'une réforme ne doit être eutreprise que pour autant qu'elle soit actuel lement du goüt de la masse du peuple. Comme le fait observer 1'honorable écrivain lui-même, le peuple ne comprend pas les deductions, ce qui veut dire, en d'au tres termes, que le peuple est borné, ignorant, esclave de préjugés et incapable de raisonnement. Mais c'est précisément ii cause de cela, paree que les masses sont ignorantes, aveugles et impuissantes a réaliser le progrès par elles seules, qu'il appartient au pouvoir qui doit voir clair et agir pour elles, d'entreprendre et de réali ser lesréformes qui, bien que justes, utiles, nécessaires, peuvent néanmoins froisser leurs préjugés. L'État agit alors a la fac;on d'un père de familie qui, au risque de mécontenter ses enfants encore mineurs, prend, dans leïrintérêt, certaines mesures dont ils reconnaitront plus tardle bienfait. C'est son droit d'agir ainsic'est mème son devoirsans cela il abdique et renie sa mission Disons-le en passant, c'est pourne s'être pas assez sou- venu de ces principes, et avoir trop appliqué cette molle théorie du respect du préjugé eliez les massesque le parti libéral a si pcu fait depuis qu'il est an pouvoir. Que si on s'était montré moins complaisant ou moins faible que si on avait été plus audacieux pour les ré- formes utiles et les progrès réclamés par la majorité in telligente du pays, l'honorable M. Tempels, en ceci peut-être un peu inconséquent, n'en serait pasréduit a exprimer un douloureux étonnement a propos de l'in- signifiance des progrès réalisés depuis 1830. Cette insi- gnifiance est le résultat naturel.de ce système de tempo- risation et de ménagement qui fait reculer la raison, les principes et le progrès social devant le despotisme de la foule, la tyrannie du préjugé et l'autorité de 1'ineptie! Cette fois done nous ne sommes qu'a moitié de l'avis de AI. Tempels. Peut-être au fond est-il du nótre, le le magistral ayaut pu un instant distraire et absorber le peiiseur. Quoi qu'il en soit,c'est au point de vuede cette théo rie de ménagement que M. Tempels se place pour poser la question d'opportünité de la réforme qu'il propose. Pour ceux qui sont prêtres dé ja, il ne veut pas qu'on revienne sur le privilege acquis, et nous sommes entiè- rement de son avis, inutile de dire pourquoi. Mais est-il nécessaire que les jeunes gens qui seront peut-être prêtres plus tard soient traités comme ceux qui le sont dé ja? Le peuple saisira-t-il la difference? L'auteur n'hé- site pas a répondre que cette différence sera parfaite- ment saisie, pour peu que l'on soumette la question en propositions brèves et claires. Et, formulant ces pro positions lui-méine, il s'exprime comme suit Est-il juste que les parents de ces jeunes gens a soient dispensés, plutót que vous, de payer un rem- plapant La masse du peuple dira Non. A défaut de remplaqant, est-il facheux que ces jeunes gens ne deviennent prêtres qu'a trente ans au lieu de vingt-trois ou de vingt-cinq Le peuple dira non, cela n'est pas facheux. a Lorsqu'un jeune paysan appartient a une familie a pauvre, qu'il a été élevé dans un village, qu'il doit devenir prêtre sans avoir jamais rien vu du monde, a est-il a regretter que, par la force des choses, il soit a mêlé a la vie commune pendant deux ou trois ans, a avant de faire ses vceux Le peuple dira non, cela n'est pas aregretter. Si un jeune homme n'a pas assez de vocation pour a résister a l'épreuve et s'il ne retourne pas au sémi- naire, est-ce un mal? Le peuple dira non, ce n'est a pas un mal; mieux vaut un prêtre de moins qu'un mauvais prêtre. a L'n milicien exempté oblige un autre milicien a marcher qu'un jeune homme oblige votre fils ii mar- cher paree qu'il lui convient de devenir vicaire, jé- suite ou capucin, cela est-il juste? Le peuple dira u non, cela n'est pas juste. Qu'on ne veuille pas interrompre les études des a jeunes théologiens quand on n'hésite pas a inter- ii rompre celles des avocats, des médecins, des ingé- nieurs, des industriels, de vos enfants qui apprennent a leur métier, de votre fils qui fait déja vos affaires, du fils dont le salaire est nécessaire a ses parents, tout n cela est-il raisonnable? Le peuple dira non, cela n'est pas raisonnable. h L'armée est composée de vos fils qu'on craigne de faire vivre de la même vie qu'eux, ceux qui devront, un jour, leur faire des sermons et les confesser cela est-il sense? Et le peuple, en masse, dira cela n'est pas sensé. Des arguments de cette espèce, conclut l'auteur, n'ont pas besoin de savants discours. Ils frappent fa il cilement la raison, sollicitent les intéréts de chacun, a et, sortant spontanément de toutes les intelligences a la fois, ils sont dans les conditions voulues pour soutenir un projet, pour marquer l'heure d'un pro- grès. a Encore une fois, on ne peut mieux dire. Cela est vif, net et lumineux. Ainsi Socrate devait instruire les sim ples de son temps. Ainsi devrait-on procéder pour toutes, les réformes tentées par le parti libéral et a propos des- quelles le clergé, dans un intérêt bien connu, s'efforce constamment et souvent avec succes, d'agiter le pays. Ainsi pour la loi sur les boursesainsi pour celle sur le teinporel des cultes ainsi en matière d'enseignemcnt- primaire; ainsi encore en matière des cimetières,etc.,etc. II nous est avis que sur toutes ces questions, on pour- rait, sans faire de longs et savants discours, et en se boruant a mettre en évidence les arguments qui sout de simple bon sens, initier le gros du public, le peuple, a la justice et al'utilité des mesures déloyalement attaquées. Car,bien que nous n'admettions pas qu'il faille, pour qu'une réforme soit introduite, qu'elle soit préalable- ment acceptée par les masses nous croyons cependant qu'il est au moins bon d'essayer d'en faire comprendre l'opportunité a tout le monde. Ce n'est point peine en- tièrement perdue.Dans les foules, il en est toujours qui lisent et qui entendent. Ceux- la répètent a d'autres et ceux-ci transmettent a leur tour. Cette vérité, tombee dans un cerveau, fait cercle comme la pierre jetée dans l'eau le cercle ondule et s'élargit. Et puis, c'est hon- nête, c'est loyal de dire, même aux ignorants, le pourquoi des choses. S'ils ne comprennent pas, au moins savent-ils gré de la peine qu'on se donne pour les instruire. Ils font aussi cette reflexion puisqu'on nous soumet la réforme et qu'on fait ainsi la lumière autour*1'elle, il faut bien que cette réforme ne soit pas si mauvaise. Ils pensent même parfois plus loin. Mais nous avons liate de l'ajouter, ce n'est pas le fait du pre mier venu que de formuler en propositions simples et et lucides, a la portée de tous, les raisons des progrès a réaliser. 11 faut pour cela plus d'esprit qu'on ne se l'ima- gine et un certain genre d'esprit, gros de bon sens, ha bile aux déductions, plein de tact, non exempt d'un grain de malice et chargé de savoir. M. Tempels possède a un éminent degré eet esprit-lason travail le prouve suffi- samment. Aussi, en terminant, ne pouvons-nous nous empêcher d émettre le vceu que le parti libéral donne aux pages que nous venons d'analyser le plus de pu- blicité possible. Les associations devraient s'en ernpa- rer, les faire traduire en flamand la oü le besoin l'exige et les répandre chez les électeurs de tout le pays. Quand

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L’Opinion (1863-1873) | 1865 | | pagina 2