JOURNAL D'TPRES DE 1/ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche
Quatrième année. N° 1.
7 Janvier 1866
Paraissant le dimanche.
yVPRESSj
ÜN DUEL A WINGLEBURY
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POUR LA BELGIQUE
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L'union de isso.
II est beaucoup question, depuis quelque temps,
de l'union de 1830 el de la nécessité, pour les partis,
d'en revenir aux traditions du Congres national.
Habilement exploitée par la presse cléricale, qui n'a
rien négligé pour la présenter sous les dehors d'une
conception loute patriotique, l'idèe a séduit quelques
bons esprits et, rêcemrnent, nous avons vu un des
organes les plus accrédités du libéralisme dans la ca-
pilale lui apporter l'appui de son autorité.
Si les intéréts de l'opinion libérale pouvaient être
de quelque poids dans une question de cette impor
tance, i! ne nous sernit pas difficile de montrer que Ia
politique qu'on lui recomtnande, avec une si chaude
nsistance, la conduirait a une défaite prochaine et
j lévitable. A moins de fermer ses yeux a l'évidence,
il faut reconnaitre que les élections du mois de Juin,
s'aecomplissant au milieu de ce que l'on veut bien
appeler la trève des par lis, seraient infailliblement fa-
tales au libéralisme. Mais quand nos adversaires nous
font entendre le langage du plus pur patriotisfne, il
nous siérait mal de mettre en jeu les intéréts, si res
pectables qu'ils soient, d'ailleurs, du grand parti li
beral. A supposer que l'envie nous en prit, le Journal
de Bruxelles et ses satellites des neuf provinces, sans
en exceptor le Propagaleurne manqueraient pSs de
nous dénoncer a l'indignation publique comrae de
mauvais citoyens, sourds a ia voix de la patrie mena-
cée et tout prêls a sacrifier les destinées du pays a de
vils calculs de parti. Laissons done ce point de vue et,
suivant nos néo unionistes sur le terrain qu'ils ont
choisi, demandons-nous ce que la Belgique peut al-
tendre de la po itique dans laquelle ils cherchent a
l'engager.
II s'agit, diserit-ils,de reconstituer Uancienne union
Suite.
Mylord.
Qu'est-ce? fit M. Alexandre Trott, en portant
sur le maire ses yeux hagards oü se peignait le plus
grand élonnement.
Paix I chut 1 fit le m ire d'une voix insinuante.
Soyez sur. Parfaitement entendu Pas de li-
tres. Mon nom est Overton, monsieur.
i> Overton
Votre humble serviteur. Overton, le maire de
l'endroit. Vous eütes la bonté de me faire parvenir
eet après-midi une lettre anonyme m'informant de
choses
Moi, monsieur, s'écria M. Trott avec une sur
prise mal déguisèe; car, peureux qu'il étail, il eüt
volontiers renonce aux droits d'auteur de cette mis
sive. Moi, monsieur 1
Oui, vous! monsieur. N'est-ce pas ainsi? ré-
pondit Overton, que cette feinte surprise ennuyait
beaucoup, paree qu'il la croyait parfaitement inutile.
Ou bieu cette lettre vieut de vous, ou bien eile vient
d'un autre. Si e'est vous qui en êtes l'auteur, nous
O Reproduction interdite.
de 1830, a laquelle nous devons notre magnifique
Constitution et, sur ce thême commode, la presse
cléricale brode, chaque jour, de longs articles dont le
moindre tort est de présenter, d'une manière complé-
tement fausse et erronée, l'attitude respective des
deux partis dans le sein du Congrès national. Pour
rallier la majorité du pays a la politique de transac
tion qu'ils ont imaginée, ils sont obligés de soutenir
que cette politique qu'ils préconisent fut également
celle du Congrès national, cherchant ainsi a étayer
des souvenirs que nous a iaissés cette illustre assem-
blée, la popularité caduque de leurs doctrines ver-
moulues.
11 suffit, pour démontrer l'outrecuidance d'une pa-
reille assertion, de rappeler ceque fut le Congrès et
l'esprit qui présida a l'élabor.ition de son oeuvre ca
pitate la Constitution.
On a longtemps discuté, on discute encore aujour-
d'hui le point de savoir si les catholiques étaient oü
n'élaient pas en majorité au Congrès national. Un fait
hors de dou'e, c'esl que les deux partis y étaient lar-
gement reprósentés. Ceci reconnu, nous défions nos
néo unionisles de nous indiquer une SEULE question
de principe sur laquelle les deux partis aient été obli
gés de transiger pour s'entendre. Que s'ils n'en indi-
quent aucune, la fausseté de leur thèse est dés a
présent établie et il demeure avéré que l'union de
1830 fut autre chose qu'une politique de transac
tion.
Mais i's n'en indiqueront pas. G'est qu'en effet, il y
avail alors, dans les deux camps, unanimité parfaile
sur les principes qui devaient former la base de notre
nouvel édifice politique. Tous deux voulaient, avec
une égale énergie, l'indépendance nationale et la mo
narchie conslitulionnelle. Tous deux aimaient d'un
pouvons causer librement de l'affaire qui en fait l'ob-
jetsi e'est un autre, il va de soi que je n'ai qu'a
vous tirer la révérence....
Res'.ez, restezl C'est ma lettre e'est moi qui l'ai
écrite. Que pouvais-je faire, monsieur? Je n'ai aucun
ami ici.
Je n'ai aucun doute la-dessus. Soyez en per-
suadé, répondil le maire d'un ton encourageanl
vous n'eussirz pu vous adresser mieux. Eh bien,
monsieur, il y a nécessité urgente pour vous, vous
devez absolument quitter la ville cette nuit même
commandez une voilure de poste a quatre chevaux
b. ülez le pavé éloignez vous au plus wie. Ici vous
n'êles pas a l'abri des poursuites.
Mon Dieu I s'écria M. Trott lerrifié, est-il possible
que ces monstruosités se cominettent impunémeut
dans un pays civilisé comme ie nótre Cet acharne-
ment qui ne connait ni trève ni repos! el il essuyait
la sueur froide dont la peur avail baigné son front et
son visage, en même temps qu'il jetail un regard ef-
faré sur M Joseph Overton.
Helasl rópondit le maire en souriant, ce n'est
malheureusement que trop vrai que dans ce pays
fibre et civilisé on ne peut marier la filie de son
choix saus étre poursuivi et traqué comme un forcat
échappé du bagne. Quoiqu'il en soit, dans ie cas pré
sent, la demoiselle se laisse enlever de bon gre et
même amour les grandes libertés qui allaient leur
perrnettre de développer, sans entraves et dans des
sens divers, leur activité morale et intellectuelle. Ah,
sans doute, il put y avoir, dans le nombre, des li
bertés de prédilection pour quelques-uns. Nous croi-
rons volontiers, par exemple, que M. de Gerlache fon-
dait plus d'espérances sur la liberté de ('association
que sur celle de Ia presse mais ce qu'on ne peut mé-
connaitre sans faire injure a l'immortelle assemblée,
c'est qu'elle ne marchanda Ia liberté personne et que
ni l'un ni l'aulre des deux partis qui y étaient repré-
sentés ne songea a I'envisager comme matière a tran
saction.
Non, l'union de 1830 ne fut pas, comme le pré
tendent les journaux cléricaux, un système de con
cessions réciproques, une politique de compromis
entre les deux opinions; elle avait, de la dignité des
partis, une trop haute opinion pour leur imposer des
transactions que l'honneur aurait désavouées; elle
ouvrit devant eux les horizons sans limites de la li
berté, laissant a la souveraineté nationale, loujours
en éveil, de décider de Ia victoire.
Cette union-l,i, la seule, la vraie, il n'est pas né
cessaire qu'on la reconstitue; elle a survécu a toutes
nos luttes, a toutes nos divisions de partis. Et quand,
il y a un mois a peine, le glas funèbre est venu nous
annoncer la mort de notre Roi vénéré, nous l'avons
retrouvée en nous, aussi vivace, aussi puissante que
si jamais Ie moindre nuagen'en avait voilé la sérénité
L'union de 1830, c'est l'amour de notre indépendauce
et de nos fibres institutionsc'est ce sentiment qui
nous attache, comme il attachait les grands révolu-
tionnaires du Congrès national au sol de la patrie, a
la monarchie sortie de nos entrailles, a ces libertés
précieuses qui sont l'aliment de nos ames et sans
donne son consentement, et c'est le point capital,
après tout.
La demoiselle se laisse enlever de bon gré, ré-
péta M. Trott machinalementComment savez-vous
que la demoiselle consent
i) Allons, soit dit entre nous, répondit le maire en
serrant familièrethent la main de M. Trott, il y a trop
longtemps que je connais la belle pour avoir aucun
doute sur la sincérité de ses sentiments; je vous as
sure que je n'en ai aucun la-dessus, et vous pouvez
être certain qu'elle vous aime.
Vraiment, se dit M. Trott monologuant, vrai-
mentl c'est extraordinaire l
Ainsi done, lord Beter, fit Ie maire en se le
vant.
Lord Peter répéta M. Trott.
Ah, ouij'oubliais; ainsi done, M. Trott, il reste
con venu, ha ha que la voilure sera prête la demi-
heure après minuit.
Et que dois-je faire, moi, jusqu'a ce moment?
demanda M. Trott avec anxiété. Ne conviendrait-il
pas, pour sauver les apparences, que d'ici a lors, je
fusse placé sous une surveillance quelconque
Ma foil répliqua M. Overton, parfaitement bien
imaginé idéé qui vaut son pesant d'or. Je vous
enverrai quelqu'un incessamment. Et si done, de
plus, vous feigniez quelque resistance, au moment