lesquelies nous ne concevons plus de vie possible. Cetle union-la, répétons-le, elle est aujourd'hui ce qu'elle étail il y a 30 ans, et nous jurerions sans crainte qu'elle ne périra jamais par la faute de 1'opi- nion libérale. Mais il y a une autre union, qui date non pas de 1830, comme on voudrait nous le faire croire, mais de 1841, du temps oü M. J.-13. Nothomb arriva au pouvoir, prétendüment pour tenir la balance égale entre les deux partis et, en rèalité, pour faire les af faires du parti catholique. De cette soi-disanl union, de cette indigne du[>erie dont l'opinion libérale fut Ie jouet pendant cinq années, nous ne voulons plus que l'on nous parle, et ce ne seront ni Ie langage emmiellé de M. Dechamps ni les articles douctalres du Journal de Bruxelles qui nous la feronl reprendre en estime. L'union de 1830 existe et nous suffit. Toute autre nous est suspecfem." nous la repoussons. Les manifestations nationales. En regard des déclamations de quelques journaux francais,prétendüment démocratiques.ou des sinistres prédictions des organes ultramontains et legitimistes, il est intéressant de p'acer les sentiments qu'iuspi- rent nos manifestations palriotiqu.es et nationales a un homme de coeurautant que de talent, a un philo- sophe dans la véritable el la meilleure acception du mot, a un Francais qui habile parmi nous depuis 14 ans el que connaissent et aiment. tous les amis de l'é- loquence, de la liberie et de la justice Voici la lettre qu'adressait, il y a peu de jours, M. Bancel a un de ses anciens amis de France. Nous devons a I'obligeance de l'auteurd'en pouvoir donner communication a nos lecteurs Je viens d'assister, écrit-il, deux manifestations graves et imposantes. Les funérailles du roi Léo- pold et l'inauguralion de son fils ont montré claire- ment la volonté nationale et démenti les bruits d'an- nexion ou de partage. Plus de cinq cent mille bel li ges, a Bruxelles, ont protesté de leur invariable )i attachement a la liberté, a l'indépendance, aux lois de leur pays grand exemple, et qui devrait ouvrir les yeux aux quinze-vingls eux-mêmes. Celui qui ne verrait la qu'une explosion courtisanesque du sentiment inonarchique se tromperait profon- dément. C'est le cri d'un peuple qui renouvellé le o pacte d'alliance et jure de rester libre. Jamais cri ne fut plus spontané, élan plus unanime. Par deux fois la Belgique n'a eu qu'un seul coeur. Que;jdire alors des journaux cléricaux et légili- inistes, comme le Monde, l'Union et la Gazette de Franceet de ces feuilles en apparence démocrati- ques, absolutistes en effet, telles que le Siècle el l'O- pinion nationale qui, d'avance, dèchiraient ce coeur loyal? Les premiers sont dans leur röle éternel. L'ultramontanisme déteste et étouffe, quand il le t> peut, l'indépendance politique, la forme la plus élevée de l'indépendance de l'esprit huniain. Les i) légitimistes dédaignent et proscrivent tout gouver- nement issu d'une Revolution populaire. Ils ne re- connaissent que la monarchie de droit divin, et i'af- oü l'on vous placera dans la voilure, hein vous ren- driez voire position encore plus vraisemblable. Faites en sorle que tout Ie monde croie qu'on abuse de votre faiblesse en vous enlevantregimbez, criez, hurlez, tempétez, mais finalement laissez-vous bisser dans la voiture. Je serai docile vos conseils, dit M. Trott, n'én doutez pas. C'est entendu done, milord, dit Overton a voix basseen attendant, j'ai I'honneur de souhai- ter la bonne nuit a Votre Grèce. v Milord, Votre Grace, récidiva M. Trott, reculant de quelques pas et portant sur le mains ses regards étonnés. Iia,ha je vous vois venir, milord admirable! a s'y méprendrece qui s'appelle jouer le róle de fou 1 j'aime ce regard hagard; parfait, milord! parfait. Au plaisir 1 Bonsoir, M. Trott; ha, ha, hal Ce maire est assurémenl pris de boisson, mono- lo?ua M. Trott; il se laissa retomber entre les bras O du fauteuil et garda une attitude de meditation pro- fqnde. b Ma foi 1 ce gaillard-la n'est pas aussi sot qu'il en a Fair il joue son róle parfaitement bien; il eu sortira avec honneur et gloire. Telles furent les réflexions que fit M. Overton en descendant l'étage et se diri- geant vers le buffet pour y arrêter son plan. Ses explications el ses instructions furent bientót fublent du nom de monarchie traditionnelle. Je ne crains rien de la coterie de ces spectres, et je ne prends pas un linceuil pour un drapeau. D Mais les autres, quel danger ne font-ils pas courir a 1'ame francaise? ils risquent de la submerger sous leurs sophismes. Parlant de liberté, ils cons- pirent, sans le savoir, la dictature. 11 faul que no- b tre parti, le parti de la justice et de la république de l'avenir, désavoue hautement ces doctrines du passé. Elles énervent les volontés, el barrent le che- min au progrès. Ceux qui les professent, abjurent le dogme de la fraternité des nations. Je craindrais v d'entrevoir, sous leur veste républicaine, les grands cordons impériaux. Demagogues et autoritaires, ils M caressent les mauvais instincts de la foule, et font b litière, sous les pieds de César,du. plus sacréprin- cipe du droit moderne. Le Siècle dit Nous b ne nous opposons pas au partage de la Belgique. Ne point s'opposer,c'est être complice.L'Opinion dit II y a désormais une question .beige, b Dire qu'il y a une question beige, c'est la créer. Ainsi a été créée la question mexicaine, et nous savons comment elle a été résolue. il n'y a pas plus 'e question beige que de question suisse ou de ques- tion hollandaise a moins que la politique irnpé- riale tienne a honneur d'exterminer, au nom de ses convoitises et de ses intéréts, loutes les petites nations restées debout. Je doute qu'elle ose entre- b prendre cette immolation I il fait Irop grand jour pour cela. On ne garotte pas un peuple étranger r en une seule nuit. Est-ce que nul des nótres ne répudiera ces dan- gereux alliés, préparés peut-être a devenir trans- fuges? Est-ce que personne, au Corps législatif, ne déploiera le vrai drapeau de la Révolution fran- b caise? I1 a pour devise le respect de la dignilé hu- maine, de l'autonomie des Peuples, la religion du d droit commun, la protection des faibles, Ia défense des opprimés. Nos pères délivraienl, ils n'asservis- saient pas. Et d'ailleurs, quelle est cette étrange pitié? Elle pleure sur la Pologne, sur Rome et la Hongrie et pour la Belgique, elle se change en provocation, ou en indifference. Elle veut affranchir Pesth et Varsovie elle propose d'annexer Bruxelles. D'oü vient-elle? juelestsgn véritable nom Je crois Ia reconnal et je sais Ie sentiment qui l'inspire. La Belgique aux partes de la France, offre le péril- b leux spc iele aes iberlés et des garanties que la b France a perdues en décembre 51 et qu'elle veut reconquérir. La Belgique est a la fois un souvenir, i) un remords, une espérance. Voita ce que le despo- b tisme et ses adeptes de toutes les nuances ne peu- vent pas souffrir. Ceux-ci, proslernés dans la ser- vitude, considèrent comme un privilége la liberté d'autrui, et se proposent de l'anéanlir pour réali- ser l'égalitè de l'esclavage. lis appellent ces chimè- res la grande politique de l'unilé, et rêvent par Ia d'agrandir la patrie de floche et de Desaix. La France ne sera vraiment grande que par son amour du droit, dont elle fut jadis la terre natale. Qu'elle se garde, comme d'une embüche pour sa gloire, de ces appels a la, conquête 1 qu'elle se re- données et comprises. On ajouta foi a toutes ses pa roles et le Boots borgne recut aussitót 1'ordre de se rendre au n° 19, pour y servir de gardien au gentle man qui passait dés lors pour atteint d'alienation mentale. Les fonctions du boots ne devaient expirer qu'a minuil et demi. Conformément a I'ordre qui lui était intimé, ce borgne Boots, tant soi peu dróle dans sa personne et dans ses manières, se rendit aus sitót ét son poste, après s'être préalablement muni d'un bon gourdin a deux bouts, dont l'un ferré, afin de se concilier plus facilement le respect dü a sa per sonne. II en tra sans facon dans l'ap|)artement occupé par M. Trott, prit place dans un fauteuil qu'il avait poussé contre la porte, puis, son sceptre en main, il se mil a sillier un air populaire avec toute l'apparence d'un homme sans gêne et salisfail de lui-même. Que venez-vous faire ici, s'écria M. Trott. Com ment osez-vous, coquin, pénélrer dans cette cham- bre 1 Ces paroles furent articulées d'un ton de profonde indignation. Le Boots continuant a battre la mesure de son gourdin, porta sur M. Trott un regard de compas sion et lui sourit doucemenlpuis il siffla un adagio approprié a la situation de son prisonnier. Venez-vous ici sur I'ordre de M. Overton, de- trouve elle-méme, et qu'elle redise le mot de Mira- i> beau Le droit est Ie souverain du monde I Qu'elle répète le mot de 92 et de 1848: La France n'emploieses armescontrela liberté d'aucun peuple! Qu'elle aimei; la Belgique comme une soeur et non comme une vassale. Celle-ci d'ail- leurs ne subirait ni l'affront, ni la tutelle elle est b majeure de trenle-cinq ans d'indépendance, elle restera libre, il moins que la parole de 5 millions d'hommes ne soit un mensonge, que les Tyrtées d'hier nedeviennent les Thersites de demain, que les fils des combattanls de septembre ne renient leurs aïeux, qu'une nation entière abdique son histoire, que 1'Europe consente, et que la cons- cience humaine soit extirpée. Bancel. Cliroiiique <les Conférences. M. Bancel, dont les lecons obliennent depuis deux ausde si brillants succès a Ypres, a ouvert, le 26 Décembre dernier, la campagne des Conferences par un charmant entretien sur La Bruyère, qui lui a valu les plus chaleureux applaudissements d'un au- ditoire nombreux. Teutons de donner une légère esquisse du tableau si vivanl el si complet qu'il a trace de la vie et de l'oeuvre de l'auteur des Caractères. Jean de la Bruyère est nê a Dourdan; le bruit de sa renommée Ie désigna au choix de Bossuet, qui le fit venir a Paris pour enseigner l'histoire ii M. le Due, e'est-a-dire au fils ainé du Prince de Conde II compte parmi ses ancêtres un ligueur dont le nom apparait en mainte page de la satyre Menippée de sorle qu'il est assez piquant de le voir lui, le des cendant d'un ligueur qui combattit a Jarnac, ensei gner l'histoire a un Bourbon. II eut lit un charmant élève, en vérilé; voici le portrait qu'en fail le Due de St-Simon, en assuraut qu'il n'est point chargé: II étail d'un jaune livide, l'air presque toujours furieux, mais en tout temps si fier, si audacieux qu'on avail peine a s'accoutumer a lui. Nous croirons St-Simon sans peins quand il ajoule qu'il n'y eut personne qui n'ait regardé sa mort comme le souiagement personnel de tout Ie monde. ll ne semble assurémenl point que eel aimable prince ait profité des lecons demo.lestie dont, au dire de tant de contemporains, son maltre lui fournissait l'exemple. St-Simon, Ménage el l'abbé d'O'ivet rendent témoi- gnage de ia simplicité des goüts et de ia réserve ha- bituelle de La Bruyère. St-Simon, - ce Tacite d'ant'chambre et de ruelle, comme l'appelle M. Bancel, lui consacre dans ses mémoires Partiele nécrologique suivanl, Le public perdit bientót après un homme illustre par son style et par la connaissance des hommes, je veux dire La Bruyère, qui mourut d'apoplexie a Versailles, après avoir surpassé Theophraste, en travaillant d'après lui, et avoir peint les hommes de b noire temps, dans ses nouveaux Caractères, d'une manière inimitable. C'était d'ailleurs un fort hon- manda M. Trott, quelque peu étonné des manières brusques de son gardien? Mêlez-vous de vos affaires, jeune homme, répon- dil Boots d'un ton fort calme, et n'ayez soucis que de vous-même. Taisez-vous et ne soufflez mot. El il re prit son adagio. Ah! s'écria M. Trott, anxieux de maintenir son róle a la hauteur de ia vraisemblance et de sa pol- tronnerie. Sachez done que je proteste de loutes mes forces contre la violence qui m'est faitel Je dénie a qui que ce soit le droit de me faire garder a vue 1 Quant a ine baltre en duel, j'en suis a dixlieues; jamais je n'y ai songé. Mais comme ce serait folie de vouloir lutter contre un ennemi supérieur en nombre, je consens a me tenir tranquille. Ga vaudra mieux, observa le placide Boots en agitant son gourdin; ca vaudra réellement mieux. Tout en protestant cependant, ajouta M. Trott en s'asseyant et tachant de se donner l'air d'un homme profondément indigné, quoique la joie fut dans son coeur. Tout en protestant, répéta-t-il. Oh, certainement I répondit le Bootscontre lout ce que vous voudrez.si cela vous soulageje m'asso- cie avec joie a votre bonheurseulement, ne parlez pas trop, ca empirerait votre situation. A continuer.)

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L’Opinion (1863-1873) | 1866 | | pagina 2