nête homme, de très-bonue compagnie, simple, sans rieri de pédant et fort désiutéresséje l'avais assez connu pour le regretter et les ouvrages que son age et sa santé pouvaient faire espérer ue lui. Manége dit de lui <i M. de la Bruyère m'a fait Ie plaisir de me venir voir et il m'a paru que ce n'est pas un grand par- leur. L'abbé d'Olivet dit a son tour On me l'a dépeint comme un philosophe qui ne songeaitqu'a vivre tranquille avec des amis et des livresfaisant un bon choix des uns et des autres ne cherchant ni ne fuyant Ie plaisir; toujours dis- posé a une joie modeste, et ingénieux a la faire naitre; poli dans ses manières et sage dans ses discours craignant toule sorte d'ambition, même i celle de monlrer de L'esprit. Boileau ne semble point partager entièrement leur sentiment; il écrivait d'Auleuil a Racine Maximilien (c'esl La Bruyère qu'il nomme ainsi pourquoi? on n'a jamais pu le savoir) m'est venu voir Auteuil et m'a lu quelque chose de son Théo- phrasle. C'est un fort honnête homme et a qui il ne manquerait rien si la nature l'avait fait aussi ag'réable qu'il a envie de Vélre. Du reste, il a de l'esprit, du savoir et du mérite. II est vrai que Boileau est, comme le dit M. Bancel, le procureur-général du Parnasse et qu'il pourrait bien être un peu sévèresi St-Simon n'assurait qu'il l'a connu, nous serions tenté de penser que la fine ironie de l'auteur des Caractères ne se monlrait point que dans son livre. On n'a pas tant d'esprit impunó- ment! Ce qui importe le plus c'èst que La Bruyère avait une ame elevée et chaste c'est qu'd aimait le bien, c'est que sa raillerie ne s'attaquait qu'a ce qui doit être chatiè. Avec lui, dit M. Geruzez, l'ame de l'homme ne risque ui de se fausser. ni de s'amollir, ni de sede- r> praverle plaisir qu'il donne n'est pas un plaisir qui corrompe, mais un exercice qui affermit le u coeur et qui aignise l'intelligence il nous inspire le goüt du bien, en nous faisant respirer comme un parfum de probité qui s'exhale de son êrae, et cel aróme nous communique des forces pour la vertu. II avait de plus, a un haul degré, le respect de soi- rnême, jamais il nes'abaissa devant le pouvoir et sul s'abstenir des Batteries qui faisaient écrire a Racine I'histoire des campagnes du Roi, qui rendaient Bos- suet indulgent aux faiblesses du motiarque, qui inspi- raient a Boileau l'ode sur Ia prise de Namur. M. Sainte-Beuve dit que La Bruyère est né le 17 aoüt 1615 et que son acte de baptême vient enfin d'êlre retrouvó; M. Bancel le croit nó en 1639, un an après le grand Roicertes, si cela eut été, La Bruyère n'en eut pas été plus fier, tout au contraire'de Boileau qui. né dans les derniers mois de 1636, disait a Louis X1Y Je suis né un an avant Votre Majesté i> pour annoncer les merveilies de son règne. Mais a Boileau il ne manquait rien et la nature l'avait fait aussi agréable qu'il avait envie de l'être La Bruyère n'assista point aux dernières années du grand règne, qui, selon l'expression de M. Michelet, s'envolèrent d'un vol si lourd il vit le roi Soleil dans toute sa splendeur, il n'en fut point ébloui et ne s'en fit point lecourtisan. La vie de La Bruyère nous échappeon pourrait lui donner pour devise ce vers du poëte des Rayons et des Ombres Ami, cache ta vie et répantls ton esprit. C'est dans son livre qu'il faut le cheroher. Les Caractères parurent en 1687 huit éditions se succédèrent, apportant, chacune, unegerbe nouvelle a son oeuvre. Le succès fut immense les libraires ne demandèrent plus que des Caractères on compta en Hollande jusqu'a vingt La Bruyère apocryphes. Quoique dans l'épigraphe de son livre, l'auteur dise, avec Erasme, qu'il entend avertir et non mor- dre, il ne doit pas moins lui être arrivé fréquemment d'emporter la pièce; les allusions transparentes ne faisaient point défaut dans ses Caractères et le public mettait un nom sur chaque figure mais il tient sa promesse en ce sens que son livre n'est point une école de scandale oü une raillerie impitoyabie se moque de tout sans distinguer l'honnête homme ne s'y dément jamais et il n'écrit que pour contribuer au triomphe du juste etjdu vrai. Son style inaugure un genre dans Ia littérature francaise comme le dit excellemment M. Bancel, La Bruyère cristallise son stylesa phrase a, en effet, des facettes pleines d'éclal et sa pensée emprunte un tour original plein de charme. Ce n'est pas a dire qu'il ait fait de l'art d'écrire uniquemenl une facon de métier de lapidaire; personne, au contraire, plus que lui n'a une haute opinion de la mission de l'écrivain II faut examiner le vrai, dit-il, pour écrire na- lurellement, fortement, délicatement. Quand une lecture, dit-il encore, vous élève l'es- prit et qu'elle vous inspire des sentiments coura- geux, ne cherchez pas une autre règle pour juger de l'ouvrage, il est bon et fait de main d'ouvrier. Pensée a la fois pleine de justesse et de grandeur, règle infaillible qui est la pierre de touche de toute oeuvre littéraire et qui, par l'union quelle établit entre la beauté et la justice, est le plus éloquent com- mentaire des paroles de Plalon le beau est la spleu- deurduvrai. Le goüt de La Bruyère est sur; de Rabelais il dit Oü il est bon, il va jusqu'a l'erquiseta l'excellent; il peut être le mets des plus dèlicats oü il est mau- vais, il passe bien loin au-dela du pire; c'est le charme de la canaille. Son jugement sur Corneille et Racine est devenu banal par trop de célebrité Racine a peint les hommes tels qu'ils sont et Cor- neille leis qu'ils devraient êire. II sera tenté de nommer Lafontaine la fleur des Gaules, comme Lamennais le fera plus tard. Dans son discours de réception a l'Académie Fran caise le lundi 15 juin 1698, il loua les vivantsce qui est plus rare a l'Académie que de louer les morls, et paria de Bossuet, de Boileau, de Racine, de La fontaine et de Fénélon, comme la postérité le devait faire. La suite au prochain n°.) Socïctc des Choeurs. Le 28 dócembre écoulé, il y avait grande réunion au local de la Société des Chceurs. Cette fois, il n'y avait pas d'envahis et de combles que le buffet et le vestiaire: il y avait du monde jusque dans la cour, la rue des Ghiens et la Grand'Place. Quand un des premiers arrivés commettait l'imprudence de sortir pourn'importe quoi, c'est a peine s'il parvenait, après de longs efforts, a apercevoir du dehors, et a travers les vitres de la porte, sa chaise usurpée par deux ou trois inlrus. Bref, on faisait queue comme au Grand Opéra un jour de première representation. Qu'y avait-il done d'extraordinaire cesoir-la? C'est que la société, après un deuil de quinze jours, avait annoncé une soirée de fête et de joie a ['occasion de l'avénement du nouveau Roi. On avait pleure le Roi défuntles voix s'étaient tues, attristées, dans le silence public: il était naturel que l'on se réjouit de l'arrivée de Léopold II, et que les voix patriotiques de la Société se fissent entendre, elles aussi, au mi lieu de ce magnifique concert d'acclamations, d'élo- ges et de protestations d'amour qui, de tous les points du pays, s'est élevé vers le Tróne du nouveau Sou- verain. Disons-Ie de suite, cette soirée a été bien plus qu'une réunion de plaisir. Ca a été une chaude et pa- triotique manifestation; une fête de beaux et de grands sentiments une affirmation sincère el éner- gique de nolre jeune et indépendante nationalité l'acclamation réfléchie et ardente de la liberté et de tous les principes constitutionnels incarnés dans la personne de notre jeune Roi, loyal et digne hérilier de son illustre Père. Aussi, fallait-il voir avec quelle profonde émotion el quel enthousiasme a été applau- die une adresse faite-a S. M., redigée par la commis sion et lue en guise d'ouverture. Non moins vifs ont été les applaudissements qui ont couvert les divers couplets chantés pour la circonstance. Signalons, en premier lieu un morceau intilulè: Vive le roil com pose sur l'air de la Brabangonne par M. Albert D.... etchanté par M. Aug. Bl'honorable President de la Société. M. D.... n'est pas seulement un esprit gracieux, une ême delicate, c'est encore un noble coeur. Nous demandons pardon a sa rare modestie de parler ainsi de lui. Mais il faut bien expliquer comme quoi sa muse, qui n'est autre que son coeur, a su lui inspirer des vers comme ceux-ci Je te salue, 6 Liberté féconde! Ton nom peut seul inspirer ces élans. La Gloire un jour peut étonner le monde ün peuple libre a des jours bien plus grands. M. B...., avec son air et sa stature de prophéte, sa voix solennelle et émue, a parfaitement rendu la peDsée du poète. Des applaudissements toutrom- dre, suivis de rappels, l'ont bien prouvé, prouvant en même temps que tous les coeurs vibraient a l'unisson des paroles. On a demandé l'auteur. 11 n'était pas la; il ne pouvait y être. Le poète est semblable aux oiseaux de passage Qui ne bütissenl pas leur nid sur le rivage, Qui ne se posent point sur les rameaux des bois Nonchalamment bercés sur le courant de l'onde, lis passent en chantant loin des bords, et le monde Ne connait rien d'eux que leur voix. Le doux chanlre d'Elvire dit vrai Les applau dissements atfarouchent les êmes poètiques. Ilseffa- rouchent aussi, a certains moments, les ames musi- cales et ceci nous amène tout droit a mentionner M. Chce chanteur a physionomie de barde, Ia voix forte, souple et divinement harmonieuse. Après avoir ravi ses auditeurs par le grand et diffi cile air du Collier d'argenl, M. Cles a transpor- tes par le chant du Drapeau beige, dont Ia musique est de sa composition. Comme la Brabangonne et la Marseillaisecette composition émeut, entraine et enlève. Ses airs achevés, M. Chs'est gracieuse- ment laissó applaudir. On l'eul fait malgré lui. N'ou- blions pas de mentionner aussi M. E. V. d. B., qui dans le Salut aux Beiges de Mlle a fait entendre une voix toujours sympathique, et M. Cqui a dit d'une admirable facon Tout notre sang est d la Liberté, de M. Anloine Clesse. Ahl nous aurions voulu voir a cette soirée quel- ques-uns de ces journalistes chauvins, rédacteurs du Monde, de la Palrie et autres béates feuilles, qui ont eu l'impudence, a peine Ie Roi mort, de parler d'an- nexion. Comme ces explosions du sentiment patrio- tique auraienl fait du bien tout de suite pour rap- peler le refrain d'une jolie chansonnette spirituelle- ment dite par M. SwQu'ils eussent appris, ces cuistres qui méprisent notre Patrie, paree que sans doute ils n'aiment pas la leur, combien, jusque dans les plus pelites localités, le sentiment de la liberté, de l'indépendance est vivace, fier, indomptable et profondément ancré dans les entrailles des Beiges ACTUS OFFICIALS. Un arrêté royal, en date du 26 décembre 1865, au- torise le conseil de fabrique de l'egiise de Loo, (pro vince de Flandi e occidentale) a faire reconstruire la tour et la Qèche de cette église. Admissions. Un arrêté de Sa Majesté, en date du 26 décembre 1865, autorise la commission adminis trative de l'instilution royale de Messines, a admettre dans eet établissement deux filles d'anciens militai- res. Centimes additionnels. Des arrêtés royaux du 29 décembre 1865 autorisent .- Les délibérations des Conseils communaux de Bru ges, Furnes, Blankenberghe, Noordschote, Hooghlede, Becelaere, KemmelVoormezeele et Zuydschote, lendantes a obtenir l'autorisation de peroevoir des centimes additionnels au principal des contributions foncière et personnelle et du droit de patente, pour être a même de couvrir des dépenses communales. Par arrêté royal du 29 décembre 1865, la démission du sieur Deleghere, de ses fonctions de notaire a la residence de Staden, est acceptée. Par arrêté royal du 23 décembre, sont promus Au grade de conducteur de 2mo classe les sieurs F. Cruis el Gust. Schottey, acluellement conducteurs de 3m" classe. Justice de paix. Greffier. Nomination. Par arrêté royal du 30 decembre 1865, le sieur Peekei, commis greffier a la justice de paix du 2mo canton d'Ypres, est nommé greffier de la même jus tice de paix, en remplacement de son père, dé- céde. F A ITS IHVEISS. Les élèves de l'instilution royale de Messines ont adressé a la Reine une adresse de félicitations. S. M. a été profondément louchée des sentiments expriinés par les élèves de eet etablissement, dont Elle est la protectrice. Le jour du Nouvel-An s'est passé dans le plus grand calme Ypres. Par suite du deuil, aucune réception officielle n'a eu lieu.

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L’Opinion (1863-1873) | 1866 | | pagina 3