JOURHAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENI YPïtES, Dimanche Quatrième année. u° 'k Février 1866. Le tout payable d'ayance. Paraissant le dimanche. UN ANNEXIONISTE. PH1Y IVilBOSSEllEBT POUR LA BELGIQUE 8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre. Pour l'Etranger, Ie port en sus. Un Numéro 25 Centimes. piux »i:s ANXOXCEK ET DES RECLAMES 10 Centimes la petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes. Laissez dire, laissoz-vous blümer, raais publiez yotre pensée. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journal, chez Félix Lambin, imp,-lib., rue de Dixmude, 55. On traite a forfait pour les annonces souvent reproduces*. Toutes lettres ou envois d'argent doivent étre adressés franco au bureau du journal. Ypres, 4 février is##. Quel que soit le sort que la discussion réserve a la proposition de M. Guillery, l'initiative prise par l'ho- norable représentant de Bruxelles aura realise un résultat, trés-important a nos yeux celui de con- traindre le gouvernement a s'expliquer, d'une ma- nière nette et précise, sur la question de la réforme electorale. En 1864, quand parut le programme de M. De champs, le ministère fit valoir, comme un de ses meilleurs arguments, que la réforme électorale n'étnit pas dans les vceux du pays et que rien n'autorisait penser qu'elle füt nécessaire. Moins d'une année après, dans la discussion soulevée par l'amendement de M. Oris, qui imposait aux électeurs l'obligation de savoir lire et écrire, le ministère tint le même langage et celte considération parut, cette fois encore, telle- ment puissante aux yeux de la majorité, qu'elle n'hésita pas a repousser l'amendement. On contestait, il y a un an, la nécessilé d'une ré forme électoraleon affirmait qu'a part quelques esprits inquiets et turbulents, personne, en Belgique, ne songeait a réclamer l'extension du droit de suf frage et voici, cependant, que le gouvernement lui- même se trouve tout-a-coup contraint, par le mouve ment de l'opinion publique, de proposer un projet de réforme et de reconnaitre qu'il s'est grossièrement trompé. II faut avouer que le ministère fait ici un bieu beau jeu de l'opposition cléricale et qu'il lui met dans les mains l'occasion d'une raagnifique revanche. Mais pen nous importent. a nous, les inconsé- qnences du gouvernement. Qu'il ait été plus ou moins prompt a reconnaitre l'utilité de la réforme, qu'il nous accorde cetie réforme avec plus ou moins de bonne grace, l'esseritiel est que nous l'obtenions et qu'elle soit telle que nous la désirons. Le projet du gouvernement n'est pas connu encore et peut étre ne serait-il pas tèméraire d'affirmer que M. X., modeste rentier a S'(France), possède dans les environs de Cen Flandre, quelques ar- pents de terre altenants au grand domaine de M. le comte de Vbeige de coeur autant que de nais- sance. Ces propriétès n'etaienl point bornées, ainsi que cela se rencontre la plus petite est même un peu enclavée dans ('autre et un ruisseau les contournant semble vouloir les confondreen un seul bloc. Ceci avait ft la longue èveilló l'altention de M. X., et, il y a de cela deux mois, il écrivit a M. le comte de V.... pour lui proposer de prooéder a un amiable abornement. M. de V...., chassant en ce moment dans son domaine, s'empressa d'acquiescer a cetle demande el fixa jour pour l'entrevue et l'opéralion. M. X. arrivaaujour et heure marqués. M. deV.... Ie recut avec une parfaile courtoisie el l'invita a dé- jefmer avantde se rendre sur les lieux. M.X. accepta, «nchanté de l'accueil. On se mit a table et bienlót la conversation roula sur la politique. C'etait le dada de M. X., d'autant plus porie a diseourir sur cette ma- tière, qu'il en a plus rarement l'occasion chez lui, oü le ministère n'est pas entièrement fixé sur ce point, Mais quel qu'il puisse étre, s'il ne doit pas avoir pour résultat d'accroitre, dans une proportion considéra- ble, le nombredes électeurs, nous pouvons affirmer, sans crainte que l'avenir démente nos prévisions, que le sentiment public lui fera un mauvais accueil. Pour arriver a ce résultat. deux systèmes sont en présence: l'un y arrive par l'abaissement du eens; l'autre, par la substitution du principe de la capacité au principe du eens c'est le système de M. Guillery d'une part, et celui de M. Dechamps, de l'autre. Lesjournaux ministériels ont prétendu établir une assimilation entre ces deux systèmespour le Journal de Liége comme pour VEcho du Parlement, ils abou- tissent tous deux au même résultat a la suprématie de ('ignorance. On a vraiment peine a s'expliquer de parodies aberrations de la part de journaux sérieux. Que demandait M. Dechamps en 1864 M. De- champs demandait que le cens communal et provin cial fW. abaissé, pour les villes, a 25 francs et a 10 fr. pour les communes rurales. Or, si Ie eens peut, quand il est élevé, établir une certaine présomption de capa- cités en faveur de celui qui le paie, cette présomption diminue a mesure qu'il devient plus bas et el le cesso tout-è-fait quand il descend au-dessous de Ia limite qui représente l'aisance. La réforme de M. Dechamps n'avait done, en réalité, pour but et devait avoir pour inévitable résultat de faciliter l'accès de l'urne electo rale a la foule ignorante, esclave de la superstition et pieusement asservie au joug du clerge. Que demande aujonrd'hui M. Guillery? L'abaisse ment du cens, comme M. Dechamps, mais avec un correctif qui enlèveau système de ('ancien représen tant de Charleroi tous ses dangers. II ne sufïira pas, en effet, si la proposition Guillery est admise, que l'électeur paie le cens il faudra qu'il sache lire et écrire,c'est-è-jire que la garantie que la societeperd par l'abaissement du cens actuel, elle la reprendra, d'un un gouvernement fort dispense les simples citoyens de se mêler des aflaires publiques. L'état dé feu notre bon Boi, bien malade en ce moment, fournit un sujet naturel de causerie. On paria de l'éventualilé du dé- cés du monarque et des complications auxquelles eet evenement pouvait donner ouverture. Comme beau- coup de Francais, M. X. est infecte de chauvinisme a un degre Irès-intense. Pour lui done, le dècès de notre Roi devait étre le signal de l'annexion de la Belgique a la France. C'élait, a ses yeux, chose aussi simple qu'évidente. Comment done Est-ce que la France n'a pas droit a ses frontières naturelles! Est-ce que la Belgique n'est pas un coin détaché de la France, une pure expression géographique Ne lui plairait-il pas d'ailleurs d'être annexée Et quand cela ne lui plai- rait pas du tout, n'est-elle pas impuissante a l'ernpê- cher, la force du droit n'etant rien en présence du droit de la force Ainsi raisonna M. X.. d'après cer tains journaux de son pays, il est juste de l'ajouter. M. de V. ne l'interrompit pas beaucoup et se con- tenla de sourire de temps a autre, le nez dans son verre. La demonstration de M. X. achevée, il lui pro- posa de lever la séance pour aller vaquer a l'opéra- autre cóté, par l'obligation qu'elle impose au citoyen de faire preuve d'un certain degré de capacité. En d'autres termes, la proposition de M. Dechamps abou- tissait a la predominance des classes ignorantes de la société, tandis que celle de M. Guillery consacre la su- périorité de l'intelligeiice. Mais, insistent les organes du ministère, on n'est pas nécessairement intelligent paree qu'on sait lire et écrire. Non, sans doute, et personne ne s'avisera de pré- tendre que ces connaissances élémentaires constituent autre chose qu'une simple présomption. Mais le cens lui-même peut-il être envisagé comme une preuve irrécusable et infaillible de la capacité intellectuelle de l'électeur? Qui affirmera qu'un citoyen, par cela ieul qu'il paie a l'Etat 42 fr. 50 c. de contributions directes, doit être tenu pour capable de remplir convenable- ment le mandat électoral? Et, nous en appelons a VEcho du Parlement, s'il avait a faire choix d'un man- dataire pour une affaire de quelque importance, hé- siterait-il a préferer un homme sachant lire et écrire a un autre qui ne luiofifrirait d'autre garantie de capa cité qu'une quittance du receveur de contributions On exagère a plaisir les difïicultés d'exécution que presenterait la inise en pratique de la proposition de M. Guillery. Eh bien, soit, admettons qu'il soit extrê- mement difficile, impossible même, si l'on veut, de mettre en action les moyens de vérification indiqués par le représentant de Bruxelles. Mais, dans ce cas, c'est au gouvernement et non pas a nous, a en propo ser d'autres, et s'il n'en découvre pas, il faut, ou bien s'en tenir a ceux proposès par M. Guillery, tout iiri- parfaiis qu'on les trouve, ou bien décrêter le suffrage universe!. Que nos contradicteurs ne se récrient pas contre cetle conclusion nous la tenons pour rigoureusement déduilede leurs propres principes. Ne proclament-ils pas que tous les citoyens intelligents ont un droit égal a parliciper, par leur vóte, au gouvernement de leur tion du bornage. Ils partirent, et soudain les idéés de M. X., d'une légèrete toute fran^aise, changèrent de cours et d'objet. II songea que sa propriéte pourrait bien convenir a M. de VElle etait quasi enclavée dans ses terres, dont jadis elle avail probablement fait partie. M. de V.... devait quelque peu tenir a arron- dir son domaine el surtout a en régulariser les limites. II était immensèmeni riche le prix n'ètait qu'un dé tail. Decidement, il v avait la occasion de faire une bonne affaire. Eh! M. le comte, dit-il chemin fai- sanl. si je pouvais supposer que ce vous serail chose agreable, je vous proposerais, au lieu de borner, d'acheter ma peiite propriéte? Elle vous conviendrait assez bien, ce me semble Engagée dans votre do maine, dont elle rompt la régularité de plan, on di- rait même qu'elle en forme une parlie jadis délachée. Pour le prix, nous nous enlendrions en bons voisins. II est vrai que ces quelques arpenls m'ont coüté assez gros, et que quelques amateurs in'en ont déja offert un joli denier mais la, franchement, M. le comte, je prefère vous la vendrequ'a tout autre. M. de V.... s'inclina en manière de remerciment et dissimula, sous ce salut, un de ces sourires qu'il avait noyés

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L’Opinion (1863-1873) | 1866 | | pagina 1