"VlLLE d'YpRBS. Conseil communal. Séance publique du Samedi 17 mars 1866 Présents MM. P. Beke, bourgmestreP. Bourgois, L. Merghelynck, échevinsTh. Vandenboogaerde, Gb. Vandebroucke, Ed. Cardinael, Aug. Deghelcke, G. Be- cuwe, Ch. Lannoy, L. Vanalleynnes, L. Vanheule, Aug. Beaucourt, F. Messiaen, Aug. Brunfaut, conseil- lers. Absent M. P. Boedt, conseilier. M. le bourgmestre lit lui-même Ie proeès-verbal M. Ie secrétaire est enrhumé. )l semble y avoir quel- que lacune dans le texle de ce document, car l'hono- rable magistrat perd le fil de sa lecture et éprouve même quelque peine a s'y retrouver. Cette lecture nous apprend que le Conseil, réuni en comité secret pour la nomination de Ia commission directrice de l'exposition artistique, a jugé que cette exposition était inopportune en 1866 et l'a remise a l'année prochaine. Après quelques observations de M. Vanalleynnes et la réponse qu'on dirait stéreotypée de M. le bourg mestre la question est aV étude, l'assembleeapprouve le procés-verbal. Elle prend ensuite communication d'une lettre du département des travaux publics qui refuse d'intervenir dans les frais du nouveau tracé du canal. Nous consacrons un article spéciale a l'exa- men de cette importante question, qui est renvoyée aux deux premières commissions. Le Conseil est appelé a approuver, un peu tardive- tnent, nous sembie-t-il, puisque les travaux sont depuis longtemps commencés le procés-verbal d'adjudicalioti de la démolition de la porte de Lille et de l'élargissement de la route. Le sieur Dondeyne, de Vlainertinghe, a été déclaré adjudicataire avec un ra- bais de 4 p. 0/0 sur les prix du devis. M le bourgmestre confirme la nouvelle déja donnée par I 'Opinion de ['intervention du gouvernement pour rnoitié dans le coüt de ces travaux M. Vanheule detnande s'i! s'agit du coüt réel ou du devis'? M. le bourgmestre répon 1 que c'est la m'oitié du devis qui s'èiève a 23,000 fr., soit done 11,500 fr., com me nous l'avons annoncé. Le troisième objet a l'ordredu jour est une demande des Hospices a l'effet d'etre aulorisé a recevoir une som me de fr.. 1.549-90, produit de la cession de terrains incorporés dans le nouveau pavè de Zuyd- schote a Luzerne. La partie cédée a une contenance de 17 a. 70 c. et les Hospices ont traité a ['amiable sur le pied de 6,000 fr. I'hectare. A l'amiable? Par quelle étrange contradiction l'ad- ministration charitable est-elle si accommodante pour les routes, tandis qu'elle l'etait si peu pour le canal II semblerait pourtanl qu'un même principe devrait la guider toujours. Le Conseil émet un avis favorable sur cette de- mande. Vient en quatrième lieu l'examen d'un projet de vented'immeubles par les Hospices. Le rapport est présenté par M. Becuwe. II s'agit, corame on sait, de trois maisons sises rue des Bécolletsrue S.-Jac ques et rue du Lombard. El los ont eté estimèes par trois experts aux prix de 5,500 fr 4,400 fr.3,700 fr. pour la première 5,500 fr. 5,300 fr.4,200 fr. pour la seconde; 6,000 fr., 5,100 fr., 4,500 fr. pour la troisième. Nous avons énuméré, dans le compte-rendu de la précédente séance,les motifsinvoqués paries Hospices en faveur de l'aüénation de ces immeubles; la com mission, par l'organe de son rapporteur, se ral lie a ces motifs et ie Conseil adopte les conclusions du rapport. MM. Vandenboogaerde et Vandenbrouck s'abstiennent. M. Vanheule demande qu'il soit fait réserve, avant la vente, d'une pierre et de quelques inscriptions qui rappellent l'origme de l'institution dite de la Bourse La séance est levée sans huis-closül Chronique des Conférences. II y a quelques mois M. Sainte-Beuve appeiait M. Deschanel 1 'apostolos- des Conférences et rendait hommage a son esprit si fin et si dèlicat en mêmë temps qu'è*sa paroie spirituelle el charmanteM. Des chanel est en elfel un des apötres les plus distinguès du mouvement des Conferences en Belgique et en France il y a quinze ans que pour la première fois i' se faisait entendre a Bruxelles et qu'il conviait, a Ia stupéfaction de bien des hommes pratiques, les dames a assister a sa lecon. Depuis lors les dames ne se sont point montrées les moins assidues aux con ferences ni les moins dévouées a cette oeuvre libérale. M. Deschanel avait entrepris, dans son entretien du 13 mars, de rechercher, dans l'union complexe del'êmeet du corps, l'influence qu'exerce le corps sur les ceuvres de l'esprit; sujet vaste et ardu, qui touche aux plus hautes questions de métaphysique, prête a l'observation le champ le plus étendu, et qui est fait pour tenter la sagacité d'un critique aussi éminent que l'est M. Deschanel. L ame humaine est soumise a l'influence du corps celui-ci est soumis, a son tour, a d'innombrables in fluences extérieures auxquelles il lui est impossible de se déroberdémêler, au milieu de toutes ces ac tions physiques, les plus énergiques d'entre celles-ci et retrouver leur empreinte dans l'ceuvre de l'artiste, c'est une des functions essentielles de la critique. Le climat, le pays, la race, Ie sexe, l'age, le tempéra ment, la santé, le caractère se reflètent dans l'ceuvre et c'est merveille comme M. Deschanel les y relrouve. Les proportions de ce compte-rendu ne nous per- mettent point de suivre ce délicieux causeur pas a pas dans son entretien, nous nous bornerons a ren- voyer nos lecleurs a un livre fort atlrayant, oü M. Deschanel a donnéau sujet, qu'il a esquissé dans sa lecon, tous les développements qu'il comporte. Ce volume, édite en 1864, chez Ilachette, a pour litre Phijsiologie des écrivains et de< artistes ou Essai de critique naturelle. Ceux qui ont entendu la parole séduisante de M. Deschanel retrouveront sa mauière dans son livre, vraie conference dans un fauteuil oü l'élégante sim- plicité de la forme Ie dispute a la solidilé du fond. Nous ne résistons point cependant au plaisir de détacher de cette conférence quelques-unes des pages ravissanles que M. Deschanel a citées et nous sommes persuadé que nos lecteurs nous en saurons gró on est toujours friand de jolies choses. Marivaux disaila Le style a un sexe et l'on re- connaitrait les femmes a une phrase. Une phrase 1 c'est forti dit M. Deschanel. Met- tons une demi page el presque toujours cela suflira. Un exemple Mme de Brissac avait aujourd'hui la colique. Elle était au lil, belle et coiffee.... a coiffer tout le monde. Je voudrais que vous eussiez vu l'usage qu'elle fai sait de ses douleurs, et de ses yeux Et des cris, et des bras, et des mains qui tralnaient sur la cou verture! Et les situations 1 Et la compassion qu'elle voulait qu'on eül Chamarrée de tendresse et d'ad- miration, je regardais cette pièce, et je la trouvais si belle, que mon attention a dü paraltre un saisisse- ment dont je crois qu'on me saura fort bon gré. Second exemple Je vis hier une chose, chez Mademoiselle, qui me fit plaisir. Mme de Gesvres arrive, belle, char mante et de bonne grêceMm° d'Arpajon était au- dessus de moije pense que la duchesse (de Gesvres) s'altendait que je lui dusse offrir ma place ma foi 1 je lui devais une incivilité de l'aulre jour, je la lui payai comptant et ne branlai pas. Mademoiselle était au lit Mmo de Gesvres a done été contrainte de se meltre au-dessous de 1'estrade cela est fêcheux. On apporte a boire a Mademoiselle, il faut donner la serviette; je vois Mme de Gesvres qui dégante sa main maigreje pousse 11°" d'Arpajon elle m'en- tend el se dégante et, d'une très-bonne grace, avance un pas, coupe la duchesse et prend et donne la ser viette 1 La duchesse de Gesvres en a eu toute la honte elle était montée sur 1'estrade, et elle avait ötè ses gants, et lout cela pour voir donner la ser viette de plus prés par Mmo d'Arpajon I Ma fille, je suis mechante cela m'a rèjouie, c'est bien employé 1 a-t-on jamais vu"? accourir pour óter a Mme d'Arpa jon, qui est dans la ruelle, un petit honneur qui lui revient tout naturellement 1 Mm° de Puisieux s'en est épanoui la rate; Mademoiselle n'osait lever les yeux el moi j'avais une mine.... qui ne vaiait risn. II n'y a qu'une femme qui puisse écrire ainsi, et encore n'y ena-t-il qu'une qui le puisse faire; vous avez noinmé Mm° De Sevignè. Si vous dites a M. Deschanel que Mme De Sévigné fait exception, qu'il faut mettre 1'incomparable mar quise hors la loi, que c'est Mme De Sevignè que 1'on reconnalt et non la femme, vous ne l'embarrasserez guère il a toujours a I'appui de ce qu'il avance tout un cortége de preuvesil vous fournira un nouvel exemple. Mme Henriette d'Angleterre est morte on a fait l'autopsie de son corps. On lit a ce sujet dans des Mémoires On questionna fort les médecins sur son corps, qu'ils dirent être effroyable, que rien au monde n'e- tait si contrefait et si vilain. J'avoue que ce sujet me déplut, et qu'il me sembia qu'on ne devait point dire comme les gens étaient fails. On savait qu'elle était bossue, c'élait assez. Le joli coup de griffe, n'est-ce pas? Doutez-vous qu'il parte d'une main féminine? II est signe Made moiselle de Montpensier. Vous avez reconrin le sexe dans ces lignes, dans les vers suivants vous retrou- verez le caractère lout entier de l'écrivain Marquise, si mon visage A quelques traits un peu vieux, Souvenez-vous qu'a mon age Vous ne vaudrez guère mieux. Le temps aux plus belles choses Se plait a faire un affront Et saura faner vos roses Comme il a ridè mon front. Le même cours des planètes Règle nos jours et nos nuits s On m'a vu ce que vous étes, Vous serez ce que je suis. Cependant j'ai quelques charmes Qui sont assez éclatants, Pour n'avoir pas trop d'alarmes De ces ravages du temps. Vous en avez qu'on adore; Mais ceux que vous mépriséz Pourraient bien durer encore Quand ceux-la seront usès. lis pourront sauver la gloire Des yeux qui me semblent doux, Et, dans mille ans, faire croire Ce qu'il me plaira de vous. Chez cette race nouvelle, Oü j'aurai quelque crédit, Vous ne passerez pour belle Qu'aulant que je l'aurai dit. Pensez-y, belle marquise Quoiqu'un grison fasse effroi II vaut bien qu'on le courtise Quand il est fait comme moi. N'est-ce point la le souflle héroïque de ['auteur du Cid el n'est-on pas tenté de s'écrier -. Grand Corneille, bravo 1 M. Deschanel montre de même qu'il est possible de reconnaitre dans Ie style la profession de l'écri vain et non-seulement la sienne, mais encore celle de son père et de sa mère; il cite a eet égard dans son livre d'ingénieux exetnples quelques-uns mais fort rares un peu trop ingénienx cependant. Nous avouons que nous n'aurions jamais découvert dans la méthode de Socrate que ce sage homme comme dit Montaigne était Ie fils d'une sage- femme. Mais M. Deschanel ne s'égare que bien exception- nellement ses demonstrations sont d'ordinaire écla- tantes. Une seule preuve encore avant de finir lisez les lignes que voici Ce même jour, 3 mai, sur les dix heures du soir, j'eus le malheur de perdre mon père.... J'en appris la triste nouvelle en revenant du coucher du roi, qui se purgeait le lendemain. La nuit fut donnée aux justes sentiments de la nature. Le lendemain, j'allai de bon matin trouver Bontemps, puis le due de Beau- villiers, qui était en anuée et dont le père avait étè ami du mien. M. de Beauvilliers me témoignait mille bontès chez les princes, dont il était gouverneur, et me promit de dnnander au roi les gouvernements de mon père en ouvranl son rideau. II les obtint sur le champ. Bontemps, fort attache a mon père, accou- rut me le dire a la tribune, oü j'atlendaispuis vint M. de Bauvilliers lui-même, qui me dit de me trouver a trois heures dans la galerie, oü il me ferait appeler et entrer par les cabinets, a Tissue du diner du roi.... Qui a écrit cela Vous avez deviné Ie cour- tisan, le mêle de la courtisane. C'est, en ef- ffet, M Ie due de Saint-Simon, ce rageur secret, comme l'appelle excellemment M. Deschanel, celui dont le Regent faisait le portrait en deux mots Deux charbons sur une omelette. Nous renoncons a regret a reproduire tous les charmants détails que M, Deschanel a encbassés dans' I

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L’Opinion (1863-1873) | 1866 | | pagina 3