L'Ülité du Disiueiio.
Le mot d'ordre est lancé. L'infaillibilité cléricale a
parlé. La guerre sainte est allumée contre les jour-
naux libératres, ces foyers de pestilence el d'immon-
dices. Le moment est bien choisi d'ailleurs, pendant
la quinzaine dePaques, quaod lant d'ames naïves vont
conter leurs secrets a des gens qui ne paieront certes
pas de réciprocité en confiant les leurs.
Tant de fois l'on nous avait appelés jésuites
ou suppóts de sacristie que nous espérions bien
trouver grace auprès de ceux qui la frèqueatent, II
n'en est rien. A l'encontre de beaucoup dq gros que
nous conoaissons, qui adorent Dieu el le diahle et sé
font bien venir de tous deux, nous ne coaten tons
personae, probablement paree que nous avons pour
système de juger avecimpartialilé et de dire a chacun
ses vérités. Done 1 'Opinion est comprise dans la nou
velle Saint-Bar thél emy.
L'un des plus fougeux sectaires acharnés a notre
perte est un certain vicaire de Sl-Jacqnes, homme
peut-être fortcélèbre dans un certain monde, a nous
fortinconnu; il a nom, dit-on, De BPierre I'Ber-
mite prêchant la croisade brandissait le glaive et la
croix, les populations se soulevaient d'enthousiasme
plus modeste, I'eslimable vicaire ne brandit que le
goupillon et la calotte aussi fait-il le plus complet
fiasco.
II a beau promettre a sa clientèle le ciet ou 1'enfer,
selon qu'elle lira ou ne lira pas PO/rinion.'Cettegéné-
rosité facile, qui démontre d'elle-mème combien il est
désintéressé dans la question, ne conquiert personne.
Les lettres de change de ce ba.nquier de la Providence
s'escomptent difficilement dans Ie monde des fidèles
on craint de les voir protester a l'échéance Valeurs
de petite Bourse dont cbacun se defie I
Ge qui excite au plus haut degré l'ire du chatouil-
leur vicaire, e'est 1'histoire que nous avons publiée
des miracles de la bienheureuse Marguerite. Jalousie
de métier peut-être. Eh 1 mon Dieu, si M. De B
a fait des prodiges, que ne nous le dit-ii? Volontiers
nous leur donnerons la publicité de nos colonnes,
comme tout ce qui peut piquer la curiosité a quel-
que litre que ce soit.
D'ailleurs, fait par madame Ste-Marguerite ou par
M. le vicaire de SUJacques, un miracle n'en est pas
moins un miracle devant le surnaturel notre pré-
férence se tait; nous nous prosternons.
Loin de nous la pensee de nous plaindre des atta
ques de M. le vicaire; bien au contraire, nous le re-
mercions cordialement de la réclame que son saint
confessionnal veut bien nous faire. Nous avons la
conviction que I'Esprit-Saint, qui ne peut manquer
de parler par sa bouche, inspirera ses pénitents et
que nous y gagnerons de nouvelles sympathies.
En vérité, il s'agit bien de cela, et comme l'on
s'apercoit vite que nous ne sommes que des mondains I
Parler de sympathie, quand il y a des Ames a sauver
se réjouir lorsqu'il faudrait se vêtir d'un cilice et se
couvrir de cendres, ah 1 c'esl A faire dresser les che-
veux sur des têtes. chauves Qu'avez-vous fait inal-
heureux Journal d'Ypresl Pauvre brebis égarée, vos
pères nourriciers avaient donné le plus précieux de
leur sang mieux que cela, ils avaient délié les cor
dons de leur bourse pour vous mettre au monde, et a
peine avez-vous recu un souffle de vie que vous reniez
la voix de vos pasteurs I
M. De Bdefend de lire 1 'Opinion', non-seule-
ment vos rédacteurs nous lisent, taais il nous résu-
mentetnous commentent, ilsonlpoussè la perversité
jusqu'a opprouver quelques-uns de nos articles 1
Voila un des signes du temps, comme dit un prédi-
cateur célèbre, l'esprit malin du siècle pénètre par-
tout; les sanctuaires mêmes ne sont pas a I'abri de
ses incursions.
Que faire cependant? Le cas est embarrassant.
Permettez-nous en bons confrères de hasarder un
petit conseilmaischut! la tout doucement et
entre nous.
Que vous ne puissiez plus nous lire, cela est évi
dent. Après le jugement porté par M. De B. il
n'y faut pas songer, si vous ne voulez pas qu'il vous
en cuise.
11 y a cependant un moyen de tout concilier
Faites-vous lire VOpinion par un abonné. De cette
facon, vous recueillerez tous les benefices de voire
adresse et cesera l'autre qui portera Ja peine du péché.
Je vous vois sourire, confrère. Peut-être trouvez-
vous le distinguo un peu... casuistique. Eh I songez
done que e'est pour la bonne cause. En y réüèchis-
sant, votre conscience et celle de M. De Bs'en
aceommoderont bien.
Le z Avril i§ea.
Grande et mémorable date! Dès le matin, les ac
cords harmonieux etamusants du carillon annon-
caient a l'univers ébahi la solennilé du jour. La ville
etait en liesse. Une énorme foule stationnait sur la
Grand'Place, avide de jouir du spectacle, haletante,
trépignant d'impatience. On aurait dit d'une ker-
messe. Nous n'avons jamais vu pareille émotion, si ce
n'est a Comines, lorsque le people émerveillé fait ir
ruption dans la rue aux cris les PompV l les PompV
Enfin, nous commencons a respirer un rou-
lement de tambour se fait entendre, suivi d'un gron-
dement sourd et sinistre qui ébranle le sol, pared a
plusieurs batteries d'artillerie. Un casque tuit au so
led, puis deux casques, puis trois casques, enfin beau-
coup de casques e'est notre beau corps de Pompiers
enlouré des porte-faix et porteurs d'eau, suivi de son
matériel de guerre, trainant ses pompes et portant
ses boyauxles canons d'Ypres et leurs diminu-
tifs.
Ce corps, que tant de localités nous envienl, qui a
rendu de si nombreux services et préservé en parti
culier notre belle église de St-Martin d'une catas
trophe, ce corps auquel les rares sinistres font d'heu-
reux loisirs, l'autorité communale a jugé convenable
de l'employer a laver les Halles. L'idée n'est peut-
être pas mauvaise, la toilette avant la visite de la
commission des monuments car depuis 1842 que
l'opération n'a pas été faite, Fé'difice doit s'être crotté
en tous cas elle est originaie. Mais un bon soldat ne
discute pas la consigne, il l'exécute et quelles qu'aient
pu être leurs réflexions intimes, les pompiers se sont
mis résolfunent a I'oeuvre, braquant leurs pompes,
déroulant leurs tuyaux, dressant les échelles, répan-
dant de l'eau avec le sérieux le plus sublime, tout
comme s'il s'était agi d'un véritable incendie.
On a beaucoup admiré l'agilité et l'audace de quel-
ques hommes qui grimpaient ('immense toit des Halles
avec la süreté du chat. Spectacle émouvant et ter
rible a la fois I Impossible de songer sans'frémir au
danger que courent certaines existences.
De leur cóté aussi, la plupart des pompes ont fait
leur devoir elles ont produit les effets les plus va-
riés. G'etait chose majestueuse de voir ces filets d'eau
s'étaler en nappes irisèes jusqu'a Ia crête des Halles
ou laver les chiffres du cadran, mi-hauteur de la
tour du Beffroi.
Une scène très-intéressante était la'descente dans
le sac. Expliquons-nous.
II s'agit d'un long tube en grosse toile qu'on se
figure un immense fourreau de parapluie dont l'un
des bouts serait fixé a l'une des fenêtres de l'étage et
dont l'autre serait maintenu a quelque distance du
sol. Cet ingénieux appareil sert a jeter par la fenêtre
ceux qui ne pourraient pas, en cas d'incendie, passer
par la porte les hommes y sont lancés comme des
ballots de marchandises. Nous nous demandons avec
anxiété quel sort ferait cet exercice a une dame en
crinoline?
La variété est le premier élément du succès, car
l'ennui nait de l'uniformité. Cet élément était sage-
ment prévua cóté des pompes imposantes et sé-
rieuses étaient les pompes drólatiques et comiques,
faites tout exprès on pourrait le croire du moins,
pour l'amusement de la foule. Aux premiers coups
de piston, l'une d'elles vit sa lance enlevée il faut
être juste, le dégat fut assez promplement réparé,
mais ce ne fut pas pour longtemps. Le boyau ne tarda
pas a crever de nouveau; pour la seconde fois cette
pompe malséante, au lieu d'asperger les Halles, sur-
prenait l'homme de service a la facon de Diafoirus
elle se trompait de monument. Gardons-nous toute-
fois de conclure de ce double accident que le matériel
est en mauvais état. Ce serait d'abord une conclusion
•peu èquitable, puisque quatre pompes ont convena-
blement fonctionné, ce serait de plus une conclusion
dangereuse, car les intéressés, suivant un haut et sé-
duisant exemple, pourraient réclamer cette fois de
notre audace 40,000 francs de dommages-intérêts.
Le bon Dieu la-haut est sous ce rapport bien plus a
son aise que nous. La distance qui le sépare des hu-
mains le met a I'abri des accusations en calomnie et
des démèlés de la justice. Et cependant ce terrible
journaliste ne se fait pas faute de foudroyer les abus.
Ne I'avons-nous pas vu lundi encore, rien que pour
un boyau crevé, grondant de sa voix de tonnerre et
assaillant nos pompiers de ses plus gros projectiles
Cependant, au milieu de cette débêcle occasionnée
par la colère céleste, un homme que n'effraient Di la
foudre, ni l'éclair, ni les grelons, ni l'eau, reste de-
bout, inébranlable dans sa résolution.
Justum et tenacem propositi virum.
Eri vain, le ciel redouble de fureur, en vain tout
fuit autour de lui et les pompiers eux mêmes, déser-
tant leur élément, cherchent un abri, seul il reste,
defiant les tempêtes.
Si fractus illabatur orbis
Impavidum ferient ruince.
Cet homme, ce Titan, e'est notre bourgmestre.
A cóté de lui, l'un de ses échevins, cacbé sous le
sabre de Joseph Prudhomme, était a peine percep
tible, timide et frileuse belette a cóté d'un lion ru-
gissant.
On avait dèja remarqué l'honorable magistrat at
tendant gravement ses Sapeurs-Pompiers. Longtemps
avant leur arrivée, il arpentait la Place d'un pas ré-
gulièrement saccadé, plongó dans une méditation pro-
fonde qu'irilerrompait a de rares intervalles une bril-
lante oeillade laucée sur le théêtre du combat. Tel un
général d'armée inspectant son terrain et dressant ses
plans la veilie d'une bataille, tel aussi Jean Bart prés
de faire sauter la Sainle-Barbe. II fallait le voir sur-
tout au plus fort de l'action, s'elancer d'une pompe a
l'autre, voyant tout, inspectant tout, promenant un
oeil exercé et scrutateur des canons au but et du but
aux canons.
il sembte que ce soit
ün sergent de bataille allant en cliaque endroit,
Faire avancer ses gens et béter la victoire.
Quelle promptitude dans les mouvements Quelle
sürete dans le coup-d'oeil 1 Ah! sotte mouche va 1 ce
n'est pas toi qui a mis Ie coche dans la plaine 1
Combien une cité a le droit d'être fiére lorsqu'elle
se sent vivre et remuer dans la personne de ses illus-
tres chefs. Aussi les hommes de la garde firent-ils des
efforts prodigieux pour contenir l'explosion de l'ad-
miration publique. Pas de doute non plus que s'il était
permis, dans une circonstance aussi solennelle, aux
représentants de l'autorité de donner libre cours a
leur enthousiasme, M. le bourgmestre a son tour se
serait écrié, enfiammé du feu sacró
Moi aussi je veux mourir pompierSon pillore
anch'io.
On a remarqué que M. le ministre de l'intérieur,
qui était en ville, n'a pas paru a la fête et l'on regret-
tait généralement l'absence du second échevin, M. Léo
pold Merghelynek.
Sous la date du 14 mars, M. le gouverneur de la
Flandre occidentale vienl d'envoyer la circulaire sui-
vanteaux administrations communalesdela province
Messieurs,
Malgré les mesures prises en vertu de la loi du 7
du muis dernier, une nouvelle irruption du typhus
vient d'avoir lieu a peu prés simultnnèment dans
trois communes de la province d'Auvers, a Anvers
même, a Merxem et A St-Amand.
On a remarqué que dans la plupart des cas, la
maladie s'est développée chez les animaux achetés
récemment a des marchands et on est autorisé a
croire que Ia contagion vient des Pays-Bas, soit par
voie directe par ['importation frauduleuse de bétail,
soit par voie indirecte au moyen de la transmission
de la matière infectante par les marchands ou par
leurs étables.
La difference notable entre le prix du bétail en
Hollande et en Belgique a servi d'appót a la fraude,
elilest probable que e'est en voulant s'assurer ce
bénéfice illicite par l'introduction clandestine de bé
tail faite avant la loi du 7 février, que de nouveaux
élements de contagion ont été importés dans la pro
vince d'Auvers.
Veuillez signaler ces faits aux propriétaires de bé
tail de votre ressort et les rendre attentifs aux dan
gers qu'ils encourraient en achetant des besliaux qui
proviennent de localités dont l'état sanitaire est sus
pect. II imporle qu'en ce moment, ils s'entourent des
précautions les plus minutieuses dans ces achats.
Cette prudence est d'autant plus nécessaire que j'épi-
zootie actuelle suit une marche plus insidieuse dans
son développement et qu'on la voit fréquemment
apparaltre, après un moisetmême six semaines, chez
des animaux dont l'état de santé ne semblait pouvoir
donner lieu a aucun soupcon.
Ce qui augmente le danger de ce trafic, e'est que
ceux qui l'exploitent, ont soin de couvrir leurs spécu-
lations les moins licites, de garanties apparentes de>