que ni ses affirmations, ni ses dénégations n'ont au-
cune valeur a nos yeux.
Si M. Carpentier ne renie pas son passé et si
ce passé offre des garanties snffisantes aux libé-
raux sincères, pourquoi ne publie-t-il pas une pro
fession de foi dans laquelle il expose nettement ses
principes, répudiant ouvertement Ie concours de
M. Yermeersch et les votes cléricaux? Si M. Carpen
tier avait débuté par la, il aurait eu notre plus cha-
leureux appui. Et loin de lui faire souscrire des pro
fessions de foi qu'il n'a pas faites, c'est précisement
ce silence calcule, desliné a contenter Ie monde, que
nous critiquons.
Nous avons écrit que la mènie majorilé cléricale qui
écarta M. Merghelynck de la Deputation elut M. Car
pentier. Le Progrès proclame que nous en imposons
sciemment. Pourquoi? Paree que M. Carpentier a été
élu mernbre de la Deputation en 1862 et que M. Mer->
ghelynck n'a étè remplacé qu'en 1864. Plaisant rai-
sonnement, en véritèl Qu'importe qu'un intervalle
de deux ans ait séparé la chute de l'un du triomphe
de l'autre, qu'importe que ces messieurs aient siégé
ensemble ou non dans la Deputation, qu'importe
rnême que, pendant eet intervalle, de nouvelles elec
tions aient amene quelques changements de personnes
au Conseil, ce qu'il est essentiel de constater c'est
qu'en 1862, eouiroe en 1864, la majorité était cléri
cale.
Or, si M. Ernest Merghelynck a été éümiué par une
majorité cléricale;
Et si M. Carpentier a été élu par une majorilé clé
ricale
Quelle est la conclusion
Puisque nous sommes sur ce chapitre, nous y ajou-
terons quelques détails.
C'était done en 1862. II y avait a élire plusieurs
membres a la Députation, entr'autres un pour l'ar-
rondissement de Courtrai et un membre dit flottanl,
c'est-a-dire pouvant être choisi indistinctement dans
lous les arrondissements de la province.
Les cléricaux de Courtrai jetèrent les yeux sur
M. Goethals et firenl des propositions a M. Carpentier
pour le siége flottant. Celui-ci tout d'abord n'accepta
pas, ii ne refusa pas non plus.
De leur cóté, les libéraux avaient résolu, dans une
réunion préparatoire a laquelle assistait M. Carpen
tier, que leurcandidat pour Courtrai, en opposition a
M. Goethals, serait M. Maes, de Menin, un libéral
èprouve. En cas de succès de celui-ci, M. Carpentier
serait le candidat pour le siége flottantmais en cas
d'insuccès, il était nettement stipulè que M. Maes res-
terait le candidat pour le second tour de scrutin et que
M. Carpentier se relirerait. Cette combinaison fut
adoptée par tous les libérauxles intéressés y adhé-
rèrent.
Arrive le jour de l'élection. M. Goethals est élu au
premier tour. Au second tour les cléricaux s'ècrièrent:
Nous ne voulous pas de Maes, nous votons tous
pour CarpentierI Relira-t-il sa candidature en ce
moment si critique pour le parti libéral? Non; con-
trairementa ses engagements, M. Carpentier ne souf-
fla mot, il fut élu!....
C'est alors que M. Ernest Merghelynck, au milieu
d'une apostrophe grossière, lui adressa ces paroles
ineffacables Vous rendrez compte de votre con
duite au libéralisme.
Après ces particularités que nul n'ignore, le Pro
grès est bien bon de ne pas savoir qu'il y ait eu
enlre MM. Merghelynck et Carpentier LA MOINDRE
MES1NTELL1GENCE. o II est vrai qu'il avoue deux
lignes plus bas qu'en 1862, il y a eu entr'eux di
vergence d'opinions et, a la suite, des explications
ASSEZ VIVES. Nous ne nous chargeons pas d'ac-
corder ces contradictions.
Comment la réconcilialion s'est-elle faite depuis.
L'uns'est-il rétraclé? L'autre a-t-il demandé grace?
Nous n'avons pas a seruter ces choses intimes. Nous
rions de toute cette cocuédie comme le public riait en
voyant ces messieurs grincer comme chien et chat.
Mais si faible est notre bonheur de rappeler l'incident
que nous n'aurions jamais songé a cette querelle, si le
Progrès ne faisait de ces misères le pivot de sa polé-
mique.
L'essenliel est de savoir que M. Carpentier est ar
rivé a la Députation, en dépit de ses engagements,
contre la volonlé des libéraux, avec le concours d'une
majorité cléricale.
Par sa conduite, il a infligé un grave échec moral
au parti qui l'avail envoyé au Conseil.
Ce n'est pas nous qui le disons. C'était l'avis de
M. Ernest Merghelynck en 1862. Ce l'est encore au-
jourd'hui sans doute
Le Progrès cache soigneusement ces choses. Est-ce
la crainte de ne pouvoir les excuser Ou bien son li
béralisme de 1866 est-il en contradiction flagrante
avec celui de M. Ernest Merghelynck en 1862?
N'importe le mobile de son silence. L'homme qui a
causé par son ambition pareille défaite a son parti et
qui, pour assouvir de plus en plus cette ambition, se
prépare a renouveler sa faute par un nouveau com
promis, eet homme n'est pas digne des suffrages de
ceux qui mettent Ie succès de leur opinion au-dessus
des calculs égoïstes d'une coterie. 11 ne suffit pas pour
le blanchir de prendre quelques votes libéraux épar-
pillés dans une longue carrière et d'en faire un pië
destal, ces votes sont la conséquence naturelle du
système de bascule adopté. Les votes cléricaux les
compensent d'ailleurs dans une large proportion.
C'est dans les luttes de principes que l'ön juge les
hommes politiques.
Et afin de prouver avec plus d'évidence encore que
l'élection de M. Carpentier a la Députation a été bel
et bien une lutte de principes, nous extrayons, avant
de terminer, les phrases saillantes d'un article publié
ie 6 juillet 1862 par la Patrie, organe de l'évêché de
Bruges. On verra quelle joie causa a nos adversaires
l'élection de M. Carpentier comme membre de la Dé
putation permanente.
Les conservateurs ont triomphé, dit la Patrie.
Au premier tour, M. Gustave Goethals l'ernpor-
taitEt plus loin Les hommes d'ordre, fidèles
a leur parole, votèrent pour M. Carpentier, il passa
grace a leurs votes... ].a défaite libérale était com
pléte el nous avions deux membres de la Députation
contre lesquels avaient voté les exclusifs.
Nous voudrions pouvoir reproduire l'article de la
Patrie tout entier; il est curieux d'un bout a l'autre.
Les extraits que nous en donnons ne sont-ils pas
assez clairs
Le passé et le present.
Le mandat de conseiller provincial fut confié pour
la première fois par le canton de Messines a M. Car
pentier, le 27 mai 1853. Entre les circonstances qui
accompagnèrent l'élection alors et celles d'aujourd'hui
il y a une grande analogie.
En 1850, comme en 1866, absence compléte de po-
lémique entre le Progrès et le Propagateur, alors or
gane du parti clérical.
En 1850, comme en 1866, intervention de M. Ver-
meersch, au profit de M. Carpentier, qu'il soutieni
de son influence.
Avant 1850 le canton de Messines était représenté
par M. Glorie, de Neuve-Eglise, qui se retire pour
des motifs de santé et par M. Deneckere, bourgmestre
de Messines. Ce dernier sollicitail le renouvellement
de son mandat. Quatre autres candidatures se pro-
duisaient en outre; c'etaient celles de MM. Tertzweil,
secrétaire communal de Voormezeele, Bahague, an
cien bourgmestre do Warnêton, Ricquier, receveur
communal a Warnêton, depuis bourgmestre de cette
ville, et Jacques Carpentier, avocat a Ypres. Les
chances des deux premiers diminuèrent rapidement
el ta lutte se concenlra sur MM. Ricquier, Carpentier
et Deneckere. Le Progrès ne souffle mot Le jour de
l'élection arrive. Sur 228 volants, M. Carpentier ob-
tient 124 voix, M. Ricquier 115; M. Deneckere est
èliminé avec 86 voix.
Le Progrès n'a pas encore parlé.
Mais il s'était fait adresser pretendüraent de Mes
sines une lettre en date du 21 il en publia une se
conde datée du 28, lendemain de l'election. Ces let
tres soi-disant messinoises font l'effet a ceux qui les
lisent attentivement de n'élre jamais sorties des bu
reaux de la rue au Beurre La première est peu expli-
cite. Elle se contente de dire que M. Ch. DeNeckere,
qui a rempli son mandat a la satisfaction des elec-
leurs qui l'ont èlu aux derniers cornices, reste natu-
rellemeol sur les rangs, et ajoute t La lutte ne
devaut pas s'etablir sur le terrain des opinions poli
tiques, je m'abstiendrai de discuter les litres de cha-
cuu des candidals. Prudente réserve en presence
d'une situation prevue, preparée peul-être! La lettre
du 28 exprime des regrets et le sentiment de vif
dèplaisir avec lequel un grand nombre d'elecleurs ont
vu l'elimination de M De Neckere qui, par ses ser
vices anterieurs el la manière distinguee dont il avait
rempli son mandat, ne meritait certes pas quelque
chose qui ressemble a de i'ingratilude.
N'est-il pas étrange qu'un avocat d'Ypres, ami de
M. le commissaire d'arrondissement, élimine a son
profit M. le bourgmestre de Messines? A qui faut-il
imputer ce résultat. Ecoutez, la lettre du Progrès va
vous l'apprendre Je me hate d'ajouter, dit-elle,
que, les circonstances particulières de cette élimina-
tion bien examinées, il n'y a pour le public messinois
plus aucun doute que ce qui y a contribué en grande
partie sont les machinations de certain parti. La
rnême lettre dit plus loin n A l'approche des élec-
tions pro\\ac\a\es,unélecteurinfluentdeNeuve-Eglise,
ce n'était autre que M. Vermeersch, pour des
motifs que nous n'avons pas a dëméler ici, fa i tau nom
de quelques électeurs, a M. Carpentier, l'offre d'une
candidature en remplacement de M. Glorie.
Ainsi, d'après la lettre du Progrès, c'est M. Ver
meersch qui offre la candidature a M. Carpentier; ce
lui-ci est èlu en grande partie par les machinations
de certain parti.
Voici qui est digne de remarque.
En 1850, M. Vermeersch est le parrain politique de
M. Carpentier; les cléricaux le baptisentl
En 1862, M. Carpentier oublie ses engagements,
trahit ses amis pour un siége a la Députation perma
nente. Les cléricaux triomphent; le parti liberal est
vaincu, humilié; mais M. Carpentier aura son habit
bi odé. Les cléricaux l'ont confirmé l
En 1866, M Vermeersch devient encore le soutien
de M. Carpentier qui, exercé par une pratique de seize
années, a trouvé le moyen cette fois d'obtenir le con
cours des cléricaux, lout en conservant la protection
d'une administration libérale.
Ohl vous avez bien raison de le dire, Progrès,
M. Carpentier ne renie rien de son passé!
Correspondance.
Nous recevons de Messines la lettre suivante que
nous publions textueilement a titre de renseigne-
ment
Messines, le 25 mai 1866.
A M. l'éditeur de /'Opinion.
Monsieur,
Moi je ne m'occupe pas de politique que pour voter
et je le fais d'après mes idéés, sans en rien dire
personne. Ca n'empêche pas qu'on a des yeux pour
voir et on voit beaucoup de choses ici depuis quel
ques jours.
Jamais je n'ai vu intervenir les petils intéréts dans
une election comme cette fois. C'est triste de voir
notre ville se séparer du reste du canton. Nous som
mes isolés ei faibles en nombrecar Messines compte
beaucoup moins d'electeurs que d'autres endroits du
canton. En acceptant M. Carpentier nous restons
seuls. Oa ne votera pas a Neuve-Eglise pour lui
comme les Messinois ne voteront pas pour M. Ver
meersch. On fait tous les efforts, on répand toutes
sortes de bruits; malgré cela il est fort probable que
M. Carpentier ne sera pas choisi. II ne rencontre de
sympathie presque nulle part hors d'iciici même la
sympathie n'existe pas chez tous.
On a répandu le bruit que M. Vermeersch se désis-
terail de sa candidature, on Ié dira sans doute encore
le dernier jour pour faire changer des électeurs; si on
ledit, n'en croyezrien, Monsieur. C'est un truc pour
faire changer des électeurs.
J'ai étè en voyage cette sernaine et on m'a dit posi-
tivement que si M. Carpentier était élu, il ne resterait
pas de la Députation. Ceux de Courtrai veulent un
avocat Lagae. Tout cè ne serait pas arrivé si les Mes
sinois avaient eu le bon esprit de choisir quelqu'un
parmi les leurs.
Je crois que ces renseignements très-exacts inté-
resseront vos lecteurs, Monsieur, et je vous salue.
Un électeur de Messines.
L'honneur et la probité politiques.
Dans son numéro de jeudi le Progrès, espèrant
donner le change a l'opinion publique, signale a ('in
dignation de ses lecteurs un de nos articulets, intitule
Ine Statue.-Notre confrère essaie de détourner de lui -
même el de ses manoeuvres l'attention du parti libe
ral, si profondemenl blessé par l'appui donne par nos
hommes politiques a un pretendu libéral modéré et a
ur, président de St-Vincent-de-Pau!e.
Pour frapper un grand coup electoral, il nous me
nace d'une action en justice paree qu'il n'est pas
permis d'accuser un homme de n'avoir ni probité
v ni honneur, par la seulè raison qu'il est un adver-