JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimancbe
Quatriènie année. N° 24.
Paraissant le dimanche.
LES GUEUX DANS LA WEST-FLANDRE
D'liBOKRElIENT
POUR LA BELGIQUE
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Ypres, 19 Jain is««.
La majorité parlementaire renforcée de huit voix a
la Chambre, de quatre voix au Sènat; le parti catho-
lique, humilié, confondu et rejeté plus loin que ja
mais du pouvoir, tel est le résultat de la grande lutte
électorale qui vient de finir. Libéraux et catholiques
s'accordent a reconnaitre qu'a aucune époque de sou
existence, le ministère ne s'est trouvé a la lête d'une
majorité aussi considérable et aussi parfaitement ho-
mogène.
Si nous n'avions a tenir compte que du triomplje
de nos convictions personnelles, peut-être aurions-
nous plus de raisons de nous afïliger que de nous
réjouir du nouvel appoint que le scrutin du 12 juin
vient d'apporier a la politique ministèrielje. Avec
une majorité moindre, le cabinet eut été obligé, en-
vers le libéralisme progressif, a bien des concessions
dont il se croira dispensé, aujöurd'hui qu'il dispose
d'une douzaine de voix acquises d'avance tous ses
projets. Pour ne parler que de la réforme électorale,
il est clair que touies chances en faveur de la propo
sition de M. Guillery ont disparu et que le système
du gouvernement passera comme une lettre a la
posle.
Mais, dans la situation grave oü se trouve le pays,
a la veille d'une conflagration européenne qui peut,
d'un jour a l'autre, mettre en pèril notre nalionalité,
nous serions coupables et ['opinion publique nous
flétrirait avec justice, si nous mettions un seul instant
dans la balance nos sentiments personnels sur cer-
taines questions de politique intérieure et les intéréts
supérieurs que les circonstances viennent de créer
au pays.
Nous le disions, il y a huit jours, nous le répélons
ÉTUDES IIISTORIQUES
Sur les troubles qui ensanglanlèrent au XVI<-, siècle
les chalellenies d' Ypres et de Fumes.
L'histoire n'est pas un tribunal
it liuis-clos fille de la vérité, elle
aime et cherche la lumière.
(Aüiiin.—Hist de Henri Fill.)
(Suite. Voir notre n° du 13 mai dernier.)
Chapitre IV.
Les impóts du 100», du 20s et du 10» denier. Indignation
générale. Résistance des (fiats des Provinces. Obsti-
nation de d'Albe. Arnnistie. Prise de la Brille.
D'Atbe met fin a ses exigences.
Les Gueux de nierManoeuvres de GuillaumexPOrange
en Allemagne. Organisation des flottilles bataves.
Exploits des Gueux de mer. Mesures prises pour la
défense des cötes. Encore les gueux sauvages. Exter
mination de ces bandes. -■ Propagation du protestantisme
dans les Pays-Bas, et particulièremenl danslesFlandr.es.
Impuissance des magistrats catholiques. Décret de la
liberté de conscience. Confiscation des biens ecclésias-
tiques.
L'oxécrable politique du gouverneur général allait
enfin porter ses fruits.
Le 26 mars 1569 (V. S les États Généraux avaient
été convoqués a Bruxelles, pour recevoir communi-
Reproduction interdite.
aujöurd'hui le parti liberal est seul en position de
faire face aux événements qui menacent la Belgique,
et si les cléricaux veulenl y réfléchir saus prévention,
en laissant de cöté leurs griefs et leurs rancunes, nous
sommees convaincus qu'ils seront de notre avis. Mais
il ne sufïit pas que le libéralisme soit au pouvoir dans
des conditions qui lui rendent le gouvernement diffi
cile il faut qu'il s'appuie sur une majorité parlemen
taire unie, considérable, telle qu'il n'ait rieu a redou-
ter des entreprises de ses adversaires et que ses
decisions portent loujours l'empreinte d'une consé-
cration nationale incontestable.
Le pays a admirablement compris cette nécessité.
Ni les clameurs du parti clérical, ni ses injures, ni
ses appels passionnés a des croyauces religieuses qui
lui sont chères, n'ont pu le détournerdu but qu'une
sorted'intuition instinctiveindiquaita son patriotisme.
Honneur a luiLe scrutin du 12 juin restera dans
ses annales comme un témoignage éternel de son in
telligence et de sa sagacité politique.
L'épiscopat entasse depuis quelques mois mala-
dresses sur maladresses. Son mandement sur la loi
des bourses, lancé la veille des élections, devait pro-
duire un immense effet. Mais il préfère, dans l'impa-
tience de sa haine, frapper ses adversaires en plein
Parlementil donne ainsi a M. Bara l'occasion de ré-
véler au pays les innombrables turpitudes commises
par MM. les administrateurs spéciaux. Et d'une.
Le feu Roi, harcelé par le haul clergè a propos de la
loi des bourses et se fiant a la loyauté de M. I'arche-
vêque de Malines, écrit a ce dernier une lettre parli-
culièredans !aquelle,toutenexprimant sa répugnance
personnelle a sanctionner cette loi, il expose les rai-
cation d'un nouveau système d'impóts, de l'invention
du terrible dictuteur. D'Albe sentait le besoin de reu-
dre les provinces beiges indépendantes du trésor es-
pagnol, en les forcant a entretenir, de leurs propres
deniers, l'armée et l'administraliou que leuroctroyait
Philippe 11.
II s'agissait de faire payer une fois, et immédiate-
rnenl, la cenlième partie de la valeur de toutes les
propriétés mobilières et immobilières; puis, d'ètablir
un droit permanent, sur le produit de toutes les ven-
tes 10 pour cent sur les meubles, et 5 pour cent
sur les immeubles.
Ces projets monstrueux, qui, s'ils venaient a se
réaliser, allaienl inévitablement avoir pour résultat
la ruine commerciale du pays, soulevèrent une indi
gnation générale et donnèrent naissance a une en
tente catholico-réformée, bien aulrement a craindre
pour la monarchie de droit divin que la gueuserie.
Cela devait être. Les catholiquesadversaires
acharnés des protestants, n'avaienl que peu de chose
a perdre, et beaucoup a gagner en luttant contre la
réforme, car ils avaient derrière eux, un gouverne
ment qui partageait leur manière de voir, et se trou-
vait par cela même dans la nécessité de les soutenir
et de les ménager.
Les nouveaux impóts changeaienl tout cela. Frap-
pés comme leurs antagonistes, les catholiques fini-
sons constitutionnelles qui ne lui permettent pas de
s'en dispenser.
Avec un peu de sagacité, M. l'archevêque eöC dü
comprendre que la publication de cette lettre, d'une
nature évidemmenl confidentielle, allait soulever
contre lui l'indignation des honnêtes gens. Point du
tout. M. le cardinal n'entend pas plus aux questions
de prudence qu'aux questions de loyauté et il publie
la lettre. Et de deux.
L'épiscopat fait la guerre au parti libéral au nom
de la religion en péril. Nul doute que ce ne soit le
meilleur terrain pour lui. Mais voila que des élections
ont lieu a Anvers, et sur qui jetie-t-il les yeux pour
défendre le catholicisme menacé? Sur M. Gerrits qui
nie carrément la divinité du Christ et qui se fait une
gloire d'etre un libre-penseur. De quoi les gens sensés
concluent que MM. les évêques jouent la comédie et
que les intéréts du ciel ne sont nullement engagés
dans la lutte. Et de trois.
Et Messieurs du haut clergé s'étonnent d'être bat-
tus? Vraiment. c'est pousser trop loin la naïveté, pour
des èlèves de Loyola.
L''Echo du Parlement est dans le ravissement. Ge
qui le charme surtout, dans le trioraphe du minis
tère, c'est que ce triomphe est pur de tout al
liage.
Si nous comprenons bien ce que le journal offi-
cieux veut dire, il faut entendre par la que le libéra
lisme doctrinaire ne doil sa victoire qu'a lui-même et
point du tout au concours des libéraux avancés ou,
pour parler son langage, des radicaux.
II nous en coüte d'enlever cette douce illusion a
\'Echo, mais force nous est bien de lui faire toucher
rent par comprendre que leurs luttes religieuses ser-
vaient parfaitement les projets et justifiaient même,
dans une certaine mesure, la tyrannie du ministre
espagnol, qui se moquait d'eux. Trop faibles pour
réagir seuls contre le despotisme devant lequel ils
s'étaient nagnères mis a genoux, ils donnèrent la
main aux protestants pour combattre l'ennemi com-
mun et sauver leur fortune du naufrage.
Ces populations mercantiles, dit Grotius, que n'a-
vaient pu émouvoir les supplices des bourgeois livrés
aux dammes, des seigneurs massacrés, el qui étaient
restées tranquilles spectatrices de l'anéantissement
des lois et de l'indèpendauce nationale, s'insurgèrent
au premier bruit d'une augmentation d'impóts.
Paroles sévèresinais nèanmoins parfaitement
justes
C'est une trisle lecon pour l'humanHé, que la con
duite de ce peuple, excité par l'intolérance religieuse
a se délruire lui-même, ensanglantant ses foyers et
égorgeaut ses frères, au uom d'uu Dieu de paix, afin
de mériter, par ce moyen, la bieuveiliance d'un prince
etranger, despote cruel, eutourè de vils flalteurs et de
moines stupides et fanatiques.
Lecon el spectacle plus tristes encore, que ce même
peuple decu dans ses espérances el oblige au lende-
main d'une lutte fratricide de s'appuyer sur les
bras de ses adversaires, pour précipiter la cbule du