JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT YPRES, Dimancbe Quatrième année. N° 31. 5 Aoüt 1866. 1 Paraissant le dimanche. PK1X IVABOMEMEXT POUR LA BELGIQUE S francs par an; 4 fr. 50 par semestre. Pour FEtranger, le port en sus. Un Numéro -. 25 Centimes. L'OPINION PRIX RES AilMOlCES ET DES RECLAMES i 10 Centimes la petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes» Le tout payable d'avanCe. Laissez dire, laissez-vous bISmer, mais publiez votre pensêe. On s'abonne a, Ypres, au bureau du Journal, chez Félix Lambin, imp.-lib., rue de Dixmude, 55. On traite d forfait pour les annonces souvent reproduites. Toules lettres ou envois d'aryent doivent étre adressés franco au bureau du journal. Ypres, s Aoüt iseo. La politique que les victoires de l'armée prussienne imposent I'Allemagne ne se trouve pas tout entière dans les préliminaires de paix posés a Nikolsbourg. Elle s'accuse et se compléte par d'autres faits qui ne doivent pas passer inaper^us devant le public, car ils indiquent seuls, dans toute leur étendue, les desseins politiques dont on poursuit a Berlin la realisation. Ce que M. de Bismarck accomplilen ce moment, au mi lieu de Feffroyable intimidation qui pèse sur I'Alle magne, c'est déja la constitution au nord, d'une vaste monarchie militaire, désormais compacte dans son terriloire, s'ouvrant sur la mer par les ports du Ha- novre, et faisant face au sud par la longue ligne du Mein. Ce qu'il prépare, c'est l'absorption compléte de I'Allemagne dans cette monarchie, et la reconstitu- tion, au profit de la couronne dont il est le ministre, d'un empire germanique dont la puissance d'action se serait accrue de tous les progrès de la civilisation mo derne et qui serait bientót amené par ses conditions géographiques el par ses ambitions, a exerccr sur l'Europe la plus redoutable suprématie. II résulte de ces sous-entendus de la politique prus sienne que les projets accomplis au grand jour ne constituent pas le véritable but des efforts que l'on a tentés, tandis que ce but apparait avec une incon testable évidence dans les plans que l'on désavoue. L'habileté de M. de Bismarck consisle a assurer le succès des ambitions qu'il ajourne, en executant de ces vastes desseins la portion necessaire pour amener dans l'avenir leur compléte realisation sans éveiller en Europe de sérieuses inquietudes et en France des susceptibilités trop legitimes pour être sans peril. Le gouvernement prussien s'attache done a faire ressor- tir par ses organes officiels la moderation de ses de- mandes après d'aussi soudaines et décisives victoires montrons, a notre tour, en quelques mots, ce qui se cache de prétent ions extrêmes sous cette apparente modération. Et d'abord, le Moniteur prussien déclare que le seul but du gouvernement est de donner a la Prusse, dans la repartition des territoires des Etats, une base mieux déterminée. Rien n'est, sans aucun doute, plus mo deste ni plus rassurant pour l'Europe qu'un tel lan- gage. Mais la presse officieuse, plus libre dans ses al lures, quoique non moins autorisée dans ses declara tions, la Gazette de VAllemayne du Nord, la Gazette nationale, la Cotrespondance provinciale, revendique pour la politique de M. de Bismarck, l'honneur de pre parer el d'accomplir dés maintenant l'oeuvre d'unité dont la pensee a été depuis sept ans le lien du Natio nal verein, et que le hardi ministre du roi Cuillaume a fait sortir des stériles débals des associations popu lates pour, la faire entrer dans les conseils actifs de son pays et de son souverain. Devant ces affirmations contradictoires, qui pourrait hèsiter a reconnaïtre ófi est la sincérité Le Moniteur prussien est écrit pour les cours étrangères et les chancelleries les organes officieux répondent a l'orgueil de la nation, dont ils ont pnur têche d'affermir, d'exalter et de diriger le patriotisme. En second lieu, les représenlants de la Prusse ne comprennent dans les préliminaires dont l'Autrichea subi la dictée Nikolsbourg qu'un plan général d'or- ganisation de I'Allemagne du Nord; il s'agit pour la Prusse d'organiser fortement ses pays au-dessus du cours du Mein et, pendant que ces actes se signent, les agents du cabinet de Berlin, les membres du parti de Gotha, tous ceux qui, dans le sud, se sont associés au rêve d'une patrie germanique absorbant dans son unité les souverainetés détruites des divers Etats, tous les politiques que le mouvement italien entraine dans une dangereuse imitation, font circuler, comme dans le grand-duchè de Bade, des pétitions annexion- nistes, pour lesquelles ils recueillent les signatures de ceux qui sont las de la pratique 'paisibie des libertés publiques sous une domination éclairée. Cette tactique, qui apparait, ici, dans les jonrnaux, lé dans les tentatives de manifestations publiques, se poursuit dans les négociations elles-mêmes. Avant Couverture des hostilités et pendant la guerre, la Prusse n'a pas eu assez d'accusations contre l'asser- vissement des Etats secondaires qui avaient aliéné, disait-elle, leur indépendance dans les mains de l'em- pereur Francois Joseph, et qui, après avoir fait de la politique autrichienne leur politique, allaient faire de leur armée une armée autrichienne. Mais la victoire obtenue, lorsqu'il s'est agi de traiter avec I'Autriche plus encore demoralisée que vaincue, on a isolé ces Etats de cette même alliance, on a refuse de les com- prendre, et dans les bases de l'armistice et dans les préliminaires de la paix, de fagon a ce que, terrifiés de eet abandon, réduits leur propre faiblesse, sans chef, sans lien comnrun dans ce désordre des trans formations accomplies par la guerre, ils tombent a la merci de la force et s'inclinent devant le vain- queur. Enfin, le dernier trait et le- plus caractéristique peut-être de la politique de M. de Bismarck, c'est la brusque rupture des liens du Zollverein qui unis- saienl comme dans un faisceau ['industrie allemande, et qui l'avaient vivifièe en donnant pour marché aux produits particuliers de chacun des Etats I'Allemagne tout entière. Aujourd'hui, dans le négoce comme dans la politique, on veut concentrer dans le Nord toute l'activité et toute la puissance, afin qu'il ne tarde pas a n'y avoir plus qu'une armée allemande, l'armée prussienne; qu'un commerce allemand, le commerce prussien et que par eet irrésistible attrait de Faction et de la vie, les Etats restés en dehors de la Confédération qui s'organise sous l'autorité de la Prusse cherchent d'eux-mêmes a élargir le cercle de cette domination pour y pénétrer et s'y asservir a leur tour. Ces faits ont la clarté de l'évidence et ils aug> mentent, suivant nous, d'une manière terrible, de vant le sentiment public de I'Allemagne et devant l'Europe, la responsabilité des resolutions suprêmes auxquelles I'Autriche a cédé après une seule défaite. Si les préliminaires signés a Nikolsbourg étaient con- firmés par une paix definitive, ce ne seraient pas seulement la Prusse agrandie, les Etats du Sud isolés et I'Autriche annulée dans les conseils de l'Eu rope; mais ce serait I'Allemagne livrée avec toutes ses forces politiques, militaires et économiques, a une domination nouvelle et a une des plus redoutables, par ses tendances, que l'histoire ait connues. La Correspondance provinciale, de Berlin, l'un des organes par lesquels M. de Bismarck aime parler au public, nous apporte une nouvelle edition des préli minaires de Nikolsbourg. Elle ajoute peu de chose ce qu'on saVait déja mais elle precise, d'une manière très-remarquable et avec une singulière insistance, Ie caractère absolument discrétionnaire que la domina tion de la Prusse va exercer dans le Nord de I'Alle magne. On sait déja que le roi de Saxe doit, l'inter- vention de la France et a la condescendance amicale du roi Guillaume, la consolation de conserver sa cou ronne et l'intégrité de soa territoiremais lui-même ne sait probablement pas encore, a l'heure qu'il est, quels droits demeureront attachés a son litre et ses functions, car la position de la Saxe dans la Confó- d dération du Nord et vis-a-vis de la Prusse, de- meure réservée a des décisions ultérieures, c'est-è-dire au pur arbitraire prussien. Le roi Jean continuera d'être appelè roi par un nombre délerminé d'hommes appelés sujets; mais, pour le reste, il de- vra s'en rapporter a la bonne amitié de son frère de Prusse. Quant aux autres pays occupés militaire- ment, qui sont le Hanovre, la Hesse-Electorale, une partie de Hesse-Darmsladt, le duché de Nassau et Francfort, le roi Guillaume s'est réservé la faculté de leur appliquer le droit absolu de la guerre, c'est-è- dire la confiscation de ['existence politique. II n'est pas ici question de consulter les populations. Le Ha novre et les autres Etats qui sont placés dans la même situation subsisteront ou ne subsisteront pas, selon qu'il plaira au roi de Prusse et a son ministre. C'est pis encore que si leur anéantissement avait été stipulé dans les préliminaires. On aurait ainsi au moins eu l'air de s'occuper d'eux et de les compter pour quelque chose. II n'y a pas de sort plus degra dant que de dépendre ainsi du caprice ou de l'intérêt d'un homme, et nous ne croyons pas que l'histoire moderne offre un exemple d'un pareii triomphe de l'arbitraire. Et eet arbitraire est du luxe. La frénésie unitaire des Allemands permet de croire, en effet, que si les populations des Etats vaincus étaient appe- lées voter, elles se prononceraient pour la Prusse avec fanatisme; mais on ne veut pas les consulter, et on ne les consultera pas, paree qu'on ne veut rien avoir de commun avec le droit moderne dans le triomphe de la Prusse, on veut faire voir au monde le triomphe du droit divin. Les vainqueurs de Sadowa répudient tout commerce avec la démocratie. Cela fait partie de leurs grandes visèes, et leur patriotisme ne peul se contenter a moins. La Correspondance prussienne se demande si toutes les souverainetés actuellement renversées demeure ront supprimées et morles. Elle pense qu'un sourire condesceudanl du roi de Prusse pourra bien rappelef a la vie l'une ou l'autre d'entre elles, mais ce serait un acte purement gracieux de la couronne de Prusse, d et il y faudrait regarder a deux fois. En somtne, la Correspondance eslime que tous les pays ci-dessus mentionnés seront purement et simplement

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L’Opinion (1863-1873) | 1866 | | pagina 1