JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPltES, Dimancbe Quatrième année. N°41. Octobre 1866.
Le tout payable d'avance.
Paraissant le dimanche.
X MOS EECTEER8.
PH1X U'ABOIKEIIIENT
POUR LA BELGIQUE
8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre.
Pour l'Etranger, Ie port en sus.
Un Numéro 25 Centimes.
PRIX RES AitWOXCES
ET DES RECLAMES
10 Centimes la petite ligne.
Corps du Journal, 30 centimes.
Laissez dire, laissez-vous bl&mer, raais publiez votre pensée.
On s'ahonne a Ypres, au bureau du Journal, chez Félix Lambin, imp.-lib.,
rue de Dixmude, 55.
On traite a, forfait pour les annonces souvent reproduites. Toules lettres
ou envois d'aryent doivent étre adressés franco au bureau du journal.
II nous est parvenu, a différentes reprises, des
plaintes nombreuses au sujet de la distribution tar
dive de notre journal dans les communes rurales de
l'arrondissement. ïoutes les réclamations que nous
avons adressées de ce chef a l'administration des
Postes étant demeurées sans résultat, il ne nous reste
plus qu'u recourir a l'intervenlion de la justice, qui
aura a décider si le privilége dont l'administration des
Pustes jouiten Belgique s'etend jusqu'a lui permettre
desupprimer, en fait, les journaux qui lui déplaisent
en négligeant, sciemment ou non, d'en assurer la dis
tribution régulière.
Ypres, 13 Octobre ïsee.
La presse beige s'est vivement émue des attaques
du Pays. Paree qu'il a plu a un journaliste obscur,
écrivant dans un journal sans credit, de recommen-
cer, après M. de Bonald et le Congrès de Malines, Ie
vieux procés du despotisme contre la liberté de la
presse, voila tous nos grands journaux en branie
comme s'ils étaient menacés de quelque grave dan
ger.
Soit dit sans offense pour nos confrères, cela ne
nous semble ni raisonnable ni politique. Dieu merci,
la liberté de la presse n'en est plus, chez nous, a de
voir exhiber ses titres sur les requisitions du premier
venu, et le moindre tort de ceux qui rnettent tant
d'ardeur a la defendre est de faire croire qu'elle a be-
soin d'être dèfendue.
Ce qui me fait aimer les versdisait Alfred de
Musset, e'est que les imbéciles n'en savent pas faire
et que les méchants les dètestent. La liberté de la
presse n'a pas d'autres détracteurs les imbéciles la
haïssent, paree qu'elle est une puissance et qu'ils n'y
psuvent prétendre; les méchants l'exècrent paree
que c'esl une lumière et que toute lumière leur fait
peur. Ni les uns ni les autres ne nous semblent assez
redoutables pour expliquer l'émotion que manifestent
nos grands journaux. Tel est également, parait-il, le
sentiment de la presse libérale francaise, car pas un
seul journal de Paris, a noire counaissance, n'a dai-
gné entrer en discussion avec le Pays. Le Siècle seul
lui a répondu parquelques mots de dédain L'exemple
était bon a suivre et il eut été fort a souhaiter que nos
confrères s'en fussent inspirés au lieu de prendre au
sérieux, comme ils l'ont fait, les doléances hypocrites
du Journal de l'Empire.
Dien s'amuse
11 n'y a qu'un journal dévot, un journal en commu
nication directe et constante avec le ciel, qui pül nous
apprendre une nouvelle de cette importance. Dieu
s'amuse Victor Hugo n'aurait pas osé aller jusque-
la. II nous avait montré un roi s'amusant, lui aussi,
et la simple logique aurait pu nous conduire a cette
conclusion que les rois étant l'image de Dieu sur la
terre, ne s'amusent ici-bas que paree que Dieu s'amuse
la-haut. Mais on ne songe jamais a lout, et la logique
humaine a d'impardonnables faiblessesnous savons
aujourd'hui seulement d'une fafon positive que Dieu
s'amuse.
S'amuser, e'est fortbien. Mais comment, avec qui,
avecquoi Dieu s'amuse t-il? Le Monde nous transmet
a eet égard des informations très-précises. Dieu s'a
muse a confondro une pauvre humanité qui n'en peut
mais le Tout-Puissant accable le fajble, et, comme il
faut bien s'amuser un peu, même quand on est Dieu,
c'est-a-dire quand on est la suprème justice et la su
prème bonté, Dieu s'amuse a nous envoyer la maladie
des potnmes de terre, la maladie de la vigne, celle des
vers a soie, le choléra, les sauterelles, les inonda-
tions, etc., etc. Ce sont jeux de prince, disait-on au
trefois quand une province était ravagée par la guerre,
quand l'impót, arbitrairement percu, ruinait des po
pulations entières. Maintenant nous avons les jeux de
la divinité un grand désastre eclate, e'est Dieu qui
s'amuse a le faire éclater pour nous confondre.
Mais, voyons, raisonnons un peu, si toulefois il est
possible de raisonnei' avec des gens qui ont des argu
ments de cette force a leur disposition.
Pourquoi Dieu s'amuserait-il a nous confondre
Supposez le plus grand esprit, la plus vaste intelli
gence que nous puissious imagiuer, un Newton doublé
d'un Pascal et d'un Voltaire quel plaisir eet homme
si supérieur aux autres hommes pourrait-il trouver a
confondre un pauvre paysan ignorant Et non-seule-
ment a le confondre en lui faisant tout le mal imagi
nable. Cet homme serait évidemment un monstre.
Le Dieu que l'on nous représente aujourd'hui s'a
musant a confondre la race humaine en lui envoyant
des fléaux épouvantables, toujours pour s'amuser,
serait bien autrement monstrueux encore, il serait
le génie du mal. Voila pourtant l'idee ridicule et
odieuse que les feuilles cléricales nous donnent de la
divinité. On voudrait prêcher l'athéïsme qu'on ne s'y
prendrait pas autrement. L'Eglise a eloigné d'elle, par
ses abus invétórós, d'innombrables populations qui
peuplent l'aneieii et le nouveau monde. Ce resultat
n'esl pas suffisant, parait-il, et voici que les journaux
catholiques entreprennent de détruire Dieu lui-même.
A leur aise Mieux vaut encore ne pas croire que de
croire en un Dieu barbare dont l'amusement consiste
a confondre les hommes en les fustigeant a grands
coups de fléaux.
A quoi bon travaiiler, étudier sans relêche a quoi
bon penétrer les secrets de la nature, défendre le droit
opprirné, la justice méconnue ou violée? a quoi bon
cette niarche incessante de l'humanité vers la perfec
tion relative? a quoi bon répandre l'instruction?Dieu,
eu s'amusant et pour Ie seul plaisir de nous confondre,
va paralyser tous nos efforts. Ah 1 vous voulez, misè-
rables humains, vous affranchir de l'ignorance et de
la misère, vous aspirez vers la liberté l'egalité vous
est chère, vous tentez d'appliquer dans vos institu
tions le principe de la fraternité. Vite un fléau, deux,
trois fléaux! Je suis le Dieu tout-puissant, el je veux
vous confondre et je veux m'amuser mieux encore que
ne s'amusaient autrefois mes chers fils Néron et Ti-
bère que les fleuves débordent a l'instant, que le
choléra décime ces populations laborieuses et inoffen-
sives, que les sauterelles ravagent ces champs si pé-
niblement ensemencés, Dieu s'amuse
Si saint Augustin vivait aujourd'hui, lui qui croyait
si aisément a l'absurde, il aurait peine a croire que
les défenseurs actuels de sa doctrine poussent l'absur-
dité jusque-la.
Nous ne sommes pas les avocats du bon Dieu, qui
d'ailleurs n'a pas besoin d'être défendu. Mais il nous
parait regrettable que l'on pervertisse ainsi le sens de
certains lecteurs en imaginant un Dieu de fantaisie,
un Dieu méchant, colère, vindicatif, prenant plaisir a
faire le mal, a tourmenter de pauvres diables pour
qui la vie est déja un fardeau assez lourd. Si Dieu
s'occupe des affaires humaines, il doit regretter de
nous avoir créés si impuissants et si faibles. A cette
impuissance et a cette faiblesse que les efforts succes-
sifs des générations tendent a amoindrir, n'ajoutons
que des idéés fausses et absurdes. Que Dieu nous
aide, cela est assurément très-désirable, mais com-
mencons par nous aider nous-mêmes. N'attendons
rien que de notre initiative, et surtout chassons de
nos esprits cette idéé d'un Dieu qui, pour nous con
fondre, s'amuse a rendre nos pommes de terre ma-
lades ou a nous envoyer le choléra.
Simples reflexions.
Moins de trois semaines nous séparent des élections
communales et les électeurs en sont encore a se de-
mander s'il y aura des siéges vacants ou non.
II nous semble que ceux qui dirigent ['Association
libérale ont un grand devoir de délicatesse a remplir
et, n'y eüt-il que ce seul motif, il est indispensable
de réunir l'assemblée au plus tót.
II leur sied mal a ces hommes de se montrer si
avares d'un secret qui est bien un peu aussi sans
doule celui du public, le premier et le principal inté
ressé.
L'incertitude dans laquelle on laisse celui-ci sur la
véritable situation dénote un sans gêne fort blêmable
et de la plus grande inconvenance.
Nous n'avons pas a discuter ici tous les bruits qui
ont eu cours, ni les projets que l'on a prêtés tour a
tour, a tort ou a raison, a quelques-uns des conseil-
lers communaux dont le mandat expire.
Nous ne nous occuperons pour le moment que d'un
cas spécial et determine.
Chacun sail qu'une sérieuse indisposition éloigne
depuis plusieurs mois l'un de nos échevins de l'Hótel-
de-Ville; son siege reste vide et son absence donne a
ses deux collègues du Collége un lourd surcroit de
besogne.
Nous faisons les vceux les plus sincères pour le
rétablissement de la santé de ['honorable échevin.
Mais a supposer que ce rétablissement füt radical et
d'une promptitude a stupéfier la science, encore cha
cun comprendra-t-il aisément que la convalescence,
les dangers d'une rechüte souvent plus dangereuse
que la maladie même exigeront les plus longs et les
plus sérieux ménagements. Le travail intellectuel est
ce qu'un medecin prudent et sage interdit en premier
lieu au sortir de toute maladie, a plus forte raison
quand ce travail est accompagoe de tous les soucis,
de tous les tracas, de toutes les irritations de la vie
publique.