JOURNAL D'YPRES DR L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche Quatrième année. N° 48. 2 Décembre 1866.
Paraissant le dimanche.
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Ypres, i« Décembre 18«8.
Yous allez trop loin, nous dit-on parfois; lescatho-
liques d'aujourd'hui ne sont plus ce qu'ils ètaient ja-
dis. Le gouvernement des prêtres leur inspire autant
d'horreur qu'a vous-même et c'est faire injure a leurs
sentiments bien connus que de les accuser de prêter
les mains a la restauration de la puissance temporede
de l'Eglise. Les catholiques réclament pour l'Eglise
des privileges, une situation peut-êlre incompatibles
avec l'esprit des institutions modernes combattez
ces pretentions, c'est voire droit et votre devoir, mais
respectez vos adversaires et cessez de leur attribuer
des vues qu'ils désavouent énergiquement et que
rien ne vous autorise a leur supposer.
Nous nedemanderions pas mieux,certes,qued'être
convaincusdenos torts; mais le pouvons nous, quand
noys^-^pyons les journaux cléricaux les plus autorisés
a'fficher, presque chaque jour, des prètentions qui,
si elles ètaient admises, nous ramèneraient tout droit
au bon vieux temps des auto-da fe? Le pouvons-nous,
quand, hier encore, a propos d'une condamnation pro-
noneee par le tribunal d'Anvers contre un témoin qui
avait refusè de prêter sermenten invoquant la Divi-
nite, le Uien Public, IVgaue avoué de l'evêque de
Gand, langait l'analhème a la liberte religieuse et re-
vendiquail puur l'Eg'ise le gouvernement absolu des
consciences'? Nos lecleurs conriaissent le fait: assigné
a l'effet de deposer dans nous ne savons quelle affaire
correctionnelle, un temoin s'est vu condamner par le
tribunal d'Anvers a cent francs d'amende et subsi-
diairement a quinze jours de prison pour avoir refusé
d'invoquer la Divinitè en tèmoignage de la sincérite
de sa déposition. Certes, ce citoven usait d'un droit
parfailement legitime le Bien Public lui-même en
convient sans trop de difücultè Que la liberté
d'opinion la liberte de conscience protègent le soli—
daire et i'athée, nous ne le nions pas, dit le journal
de M. I'èvêquede Gand mais nous contestons la
bonté intrinsèque de ces liberies précisément a
cause de cette liberté accordée au mal. Nous main-
tenons, du reste, ajoute-t-il, que beaucoup de li-
i) béraux pensent a eet égard comme nous. En ad-
metlant la distinction du bien et du mal, ils admet
tent encore que le bien doit être protégé et le mal
réprimé. lis different seulement avec nous et entro
eux sur le point précis oü doivent commencer cette
protection d'une part et cette repression de l'au-
tre.
Le Bien Public serait bien embarrassé, pensons-
nous, d'indiquer les liboraux auxquels il prêle si
commodément une semblable profession de foi. Ges
libéraux-la ne se trouverit que dans ses rangs et ja
mais, quant a uous, nous les tiendrons pour nótres.
Que les cléricaux different entre eux d'opinion quant
au «pointprécisoüdoit commencer la répression» des
croyances mauvaises, c'est affaire a eux le libera
lisme n'a point de pareils soucis. 11 ne distingue point
entre les mauvaises et les bonnes croyances; toules
sont également libres a ses yeux et jouissent au même
litre de la protection de la loi. Sur ce point fondamen-
tal, il n'y a, il ne peut y avoir, parmi nous, qu'une
seule opinion la moindre dissidence constituerait
une héresie au premier chef,
Mais suivons, dans ses conséquences, la théorie du
Bien Public et voyons oü el le aboulit en dernière ana
lyse. Le biendit-il, doit être protégé et le mal doit
être réprimé. Evidemment, le bien, pour le journal
gantois, c'est la doctrine catholique, aposlolique et
romaine, hors laquetle il n'y a point de salutle mal,
ce sont les croyances qui s'écartent de l'enseignement
de la seule Eglise véritable, ce sont les hérésies.
Voici done un premier point acquis abstraction
faite du point précis oü doit commencer la répres
sion, le Bien public pose en principe que les
croyances catholiques ont seules droit a la protection
de la loi et que toutes les autres doivent être répri-
mées. St-Dominique el Torquemada n'auraient pas
mieux dit.
Le bien et le mal ainsi dèfinis, a qu'elle autorité
sera confié le soin de discerher les doctrines qui
doivent être protégées de celles qui doivent être ré-
primèes? Le Bien Public n'admattra pas, sans doute,
que ce soin soit dévolu a ('autorité civile; il soutien
dra, et avec.raison, que le pouvoir civil etant abso-
lument incompetent en matière de croyances reli-
gieuses. c'est a l'autorite eccièsiastique seule qq'ap-
parlient le droit de statuer sur des questions de cette
nature. Tout au plus nous concedera-t-il que le pou
voir civil pourrait être chargé de l'exécution des
sentences prononcêes par la juridiction ecclesiastique,
bien enlendu que, dans aucun cas, il ne serait admis
a faire opposition.
Qu'on veuille bien retnarquer que nous ne discu-
tons pas la doctrine du journal de M. l'evêque de
Gand et que nous nous bornons a en déduire les
conséquences logiques. Oü ces conséquences nous
conduisent-eiles? On le voit directement au gouver
nement des prêtres, a l'asservissement de la liberté
de conscience et du pouvoir civil, c'est-a-dire au
moyen-age, de sanglante memoire.
Reste a determiner le point precis oü doit com
mencer la répression. Un grand nombre de catho
liques, nous le reconnaissons volontiers, seraient dis
poses a user, a eet égard, d'une large to'érance ils
ne sont pas tellement etrangers aux idéés du siècle
qu'ils n'éprouvent une horreur très-vive a l'idèe de
reclamer l'appui du bras séculier en faveur de leurs
croyances la violence leur répugne, nous en sommes
convaincus. Mais qu'importent ces répugnances indi-
viduelles, si vivos et si nombreuses qu'elles puissent
être? Pouvons nous douter que, sur un signe de
Rome, eiles se tairaient toules pour faire place a cette
obeissance inerte et passive que l'Eglise a rangee
parmi les premieres vertus de ses enfanls? Que le
fameux Diex el volt retentisse sur les hauteurs du
Vatican, et nous verrons tous ces timides apötres de
la tolerance se ranger sous la banniere sacreeet mar
cher, a travers le sang et la flatnme, a la conquête de
l'unité de la foi catholique. II n'y a done pas a tenir
couipte des sentiments personnels des catholiques
beiges la verite est qu'il n'y a, dans le monde,qu'un
seul catholique, et ce catholique, c'est le Pape ou,
pour mieux dire, la Papaute.
Les sentiments de la Papauté a l'egard de la liberté
de conscience sont connus; elle les a exposés dans
plusieurs occasions solennelles et notamment dans le
Syllabus. Rome ne reconnalt point la liberté de con
science comme un droit; elle la lolère, vu le malheur
des temps, comme un mal qu'elle se sent momenta-
nement impuissanlea réprimer. Mais,loin de repousser
['intervention du bras séculier, elle l'appelle, au con
traire, de tous ses voeux et condamne comme une héré»
sie la doctrine de ceux qui contestent a l'Eglise le droit
de la réclamer.Ce droit,l'Eglise veut bien n'en pas user
actuellement, et vraiment elle a d'excellentes raisons
pour cela mais que ses doctrines prévalent dans le
monde, qu'elles parviennent i) s'emparer de la majo-
rité des esprits et a pénétr'er dans les conseiis des
peuples, elles ne tarderont pas a sortir du domaine de
la theorie pour eutrer dans la pratique du gouverne
ment,et alors, que les catholiques progressistesy répu-
ghentou non, ils auront a exécuter les ordres venus
de Rome et la tolerance aura vu son dernier jour. La
question du point précis sera résolue.
Nous ne calomnions done point nos adversaires et
nous u'allons point trop loin quand nous les accusons
de prêter les mains a la restauration du régime théo-
cratique du moyen-êge. Aveugles ou complices, ils
sont egalement dangereux pour la liberte du monde.
La lettre de 51. Angnste Bcaucourt.
II y aurail bien des choses a dire sur ce nouvel
écbantillon du style épistolaire de M. Beaucourt, si
l'on voulait s'arrêter a tous les détails. L'honorable
conseiller reconnaitra sans doute lui-même en reli—
sant son second chef-d'oeuvre qu'il a eu tort, disons
plus, qu'il a été maladroit, en protestant si vivement
contre les imperfections signalees dans son ortho-
graphe. A la verité, on ne rencontre plus, dans cette
seconde production, de ces fautes grossières, pardon-
nables tout au plus a un commer.cant de t'ècole pri
maire, mais nous pensons qu'il faut faire bien plus
honneur de cette perfection relative au correcteur de
l'imprimerie qu'aux connaissances de M. Beaucourt.
Une recornmandation toute spéciale aura été faite et
l'imprimeur est devenn le Mentor chargé de guider
M. le conseiller communal a travers les écueils de la
langue frai caise.
S'il est facile pourtant de changer quelques lettres,
il n'en est pas de même pour des phrases entières.
Aussi quiconque entend nolre illustre écrivain s'éle-
ver contre une feuille qui se croit le droit deposer
l'organe de I'opinion, dénonoer la persistance et la
mauvaise foi avec laquetle certains hommes se tar-
guent de professer des opinions libérales, celui-la,
disons-nous, reste pleinemenl convaincu, rnalgré des
protestations intéressées, que telle ou telle lettre de
l'alphabet a pu insolemmenl usurper la place de telle
autre. Ces accidents doivent être assez frequents sous
la plume de M. Beaucourt pour decourager toutes les
corrections. On a beau ornementer certains.... styles
de reliques, le bout de l'oreille passé quand même.
Conseillons toutefois a l'aimable homme qui menace
de nous répondre... par Ie silence du mépris, d'utili-
ser ses loisirs. Qu'il reprenne le chemin de l'école, il