JOURNAL D'TPRES DE L'ARRONDISSEMENT YPRES, Hi manche Quatrième année. N° 50. 10 Bécembre 1866. Paraissant le dimanche. t PK1X D'ABOISEilEHT POUR LA BELGIQUE 8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre. Pour l'Etranger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes. I'BBl.V U»ES Ai%!»OI»CES ET DES RECLAMES 10 Centimes la petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes. Le tout payable d'avance. Laissez dire, laissez-vous blêmer, mais publiez voire pensée. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journals chez Félix Lambin, imp.-lib., rue de Dixmude, 55. On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toules lettres ou envois d'aryent doivent être adressés franco au bureau du journal. Les écoles d'adultes. II n'est pas que Manlius et Mirabeau a qui il a été donné de mesurer la coiirte distance qui sépare la Roche Tarpéienne du Capitole. M. le ministre de l'in- térieur vient de faire, a son tour, une cruelle épreuve de la fragilité des amours populaires. Qui ne se rappelle l'enthousiasme avec lequel fut accueilli, il y a trois mois a peine, l'arrêté royal in- stituant les écoles d'aduites 1 Pendant quinze jours, la presse libérale ne tarït pas d'éloges sur la coura- geuse initiative du ministre a qui la Belgique devait cette admirable conception. Peu s'en fallut, tel était I'engouement. que l'un ou l'autre représentant ne proposêt de lui décerner une récompense nationale. Depuis la loi qui a aboli les octrois, on n'avail plus vu rien de semblable. Helas, combien sont changeants les destins et les flotsl Ce même arrêté royal que l'opinion libérale sa- luait naguère avec des cris de joie, elle le fletrit au- jourd'hui comme un acte de honteuse condescendance envers le parti clerical, et son idoledela veille, aban- donnee par ses propres collègues du ministère, ne rencontre plus pour défenseurs, que MM. Dumortier, de Theux et l'abbé de Haerne I II ne lui manquait plus, pour combler la mesure de son infortune, que ie coup de pied de M. Bouvier elle 1'a recu. Notre enseignement primaire nous a loujours paru trop imparfait, trop incomplet, pour que I'on puisse fonder de bien arandes espérances sur les écoles d'a duites, qui u'en sont que le complement.. II y avail la néanmoins le germe d'une idéé a laquelle nous avons applaudi, comme tout le monde Mais ce que nous n'eussions jamais imaginé, quoique le ministère nous ait habitué a bien des choses, c'est qu'il pht se trou- ver, dans un cabinet iibéral, un hommeassez oublieux de ses devoirs envers son parti el envers son propre passé, pour inlroduire, dans l'organisalion des écoles nouvelles, le principe odieux el universellement dé- testé de la loi de 1842. Quoi, depuis vingt ans, le libé ralisme beige a i iscrit sur son drapeau, comme un de ses dogmes fondameniaux, la secularisation de l'enseignementdepuis 20 ans, il combat pour arra- cher de la loi de 1842 le principe qui consacre ('in tervention du cierge dans les écoles primaires.et c'est un ministre Iibéral, un ancien membre du Congrès de 4846 qui, sans necessitè, sans autre but que decom- plaire a des adversaires dont il tient a se ménager l'appui dans la lutte éleclorale de 1868, ose tenter la réédification de ce principe abhorré en l'appliquant a un enseignement nouveau, manifestement étranger a la loi de 1842 L'opinion libérale est done tombée bien bas dans l'eslime de M. le ministre de l'intérieur pour qu'il se permelte envers elle de pareilles audaces, ou bien serait-ce, peut-être, que se croyant menacé dans son propre parti, il cherche a étayer dans le camp de nos adversaires une candidature que ses anciens amis ne suffisent plus a maintenir debout M. le ministre a cependant essayé de justitier la lé- galité de sa mesure mais que nous importe, a nous, que cette mesure soit légale ou non II s'agit bien vraiment de savoir si la loi de 1842 lui donnait le droit strict de faire ce qu'il a fait I Ge que nous lui re- prochons, c'est d'avoir consacré une fois de plus un principe qui est la négation insolente 'de la foi libé rale, c'est d'avoir trahi les intéréts du libéralisme en ajoutanl un nouveau privilege a tous ceux dont le clergé catholique jouit déja, au détrimeut de la liberté de conscience. Voila ce que nous lui reprochons et ce dont il ne se justifiera jamais. Que si M. le ministre ne croyait pas pouvoir organiser l'enseignement des adultesen dehors d'une loi organique, pourquoi n'en proposait il pas une aux Chambres? Les Chambres l'eussent votée avec bonheur et, certes, sur les bancs de la gauche, personne ne se fut levé pour réclamer ['intervention du clergé dans le nouvel enseignement. M. le ministre pouvait faire cela, ii ne l'a pas voulu le paysjugera ou, plutót, il a jugé. La rédaction du Progrès, si compléte déja, s'est en- richie, depuis quelque temps, d'une nouvelle acqui sition dans la personne d'une sorte de Maitre Jacques, mi-cuisinier mi-pédagogue, dont la collaboration ne peut manquer de porter au pinacle la répulation de haut goüt que le journal doctrinaire s'est faite dans la presse. II y a des gens heureusemert doués notre homme est du nombre. Quelle existence encombrée que la siertne! Le vertige vous prend rien que d'y penser! Songez done vingt moutards a débarbouiller chaque matin, des moniagnes de tartines a beurrer, puis le pol-au-feu qui ne vous laisse pas de trève sans compter les lègumes a éplucher, la vaisselle a laver, le linge qu'il faul blanchir, les soins discrets du dor- toir et cent autres devant lesquels l'esprit et le nez reculent effrayés. Est-ce tout? Non pas. Notre homme partage avec le Pape le privilége de cumuier Ie spiri- tuei et le tempore!. II n'échappe aux soucis de ses fonctions culinaires que pour se trouver aux prises avec des préoccupations qui, pour être d'un ordre plus relevé, n'en sont pas moins asujétissanles. Ce n'est pas assez que d'écumer le pot et de présider aux soins de propreté que réclament les vingt ou trente moutards corfiés a sa garde, il lui faut encore trouver le temps de les initier a la science et de rassasier leurs appétits intellectuels, aussi exigeants, pour le moins, que leurs appétits physiques. Doceo pueros gramma- ticam, disait Lhomond, mais H en parlait bien a son aise. II eut fait beau voir qu'entre deux lecons on l'eüt obligé a surveiller l'élaboration d'une soupe aux na- vets ou d'une choucroute I Notre homme, cependant, suffit a lout et trouve encore du temps de reste pour agrémenter de sa prose les plates-bandes du Progrès, qui s'en pour- lêche jusqu'aux oreilles. Nous n'avons pas le droit et nous ne nous sentons nulle envie de discuter les gouts du Progrès. A parler franc, il nous aurait beaucoup élouné qu'il n'eut pas accueilli avec empressement une collaboration qui s'harmonise si bien, par le fond et par la forme, avec le ton de sa rédaction ordinaire. Quant nous, nous n'avons qu'un vceu a exprimer et il est tout en faveur des pensionnaires du collaborateur du Progrès c'est que ce monsieur soit plus habile a manier la lêche- frite que la plume et que ses sauces vailleul mieux que sa prose. Oil est le vide? Si nous regrettons la détermination de notre confrère de ne pas renoncer a la lutte, c'est pour 1 ''Opinion elle-même qui ne fera par la qu'élendre encore le vide effrayant qui se forme autour d'elle Telles sont les paroles sentencieuses que nous li sons dans un des derniers numéros du Progrès. Elles nous ont suggéré l'idée de revenir un instant sur nos dernières élections communales et de recher- cher, au moyen du résultat acquis, de quel cóté se fait ce vide effrayant. Inutile de s'occuper encore des élections de la ville d'Yprestout a été dit sur ce sujet. 11 demeure avéré, pour quiconque veut être de bonne foi, que Ia majo- rité des voix obtenues par les candidats, même les plus favorisés, de l'Association, est considérablement amoindrie que l'opposition, si elle avait été orga- nisée, faisait entrer au Conseil un ou deux de ses membres que toutes les influences accumulées et les plus hautes interventions n'ont pu empêcher la solennelle protestation d'un grand nombre d'élec- teurs. Ce fait déja signifioatif par lui même doit faire ré- fléchir doublement lorsqu'on songe qu'il se produit dans une localité ou toutes les administrations obéis- sent a ['impulsion d'une seule familie, oü tous les res sorts sont concentrés pour ainsi dire dans une seule main, toutes les ressources mises a la disposition d'un but unique. Unitè de vues, unité d'intérêts, unité de but, unité de direction, quels immenses éléments de succès! Et cependant, malgré tant d'avantages réunis, malgré toutes les démarches faites et des efforts répétés, le résultat n'a pas répondu a l'atlenie. Avec l'instinct que donne l'esprit de conservation, on a senti bien vile tout ce que cette victoire avait d'insolite et d'inquiétant pour l'avenir. Après quel- ques saturnales obligées pour rassasier les frères et amis et des déclamations soltes et stériles sur une prétendue coalition que I'on a été impuissant a prou- ver, le silence s'est fait promptement dans les colonnes des organes doctrinaires ils avaient héte de se sou- straire aux réflexions que la comparaison des chiffres suggérait; leur triomphe, comme !a robe de Nessus, leur brülait les chairs. Une autre parlicularite bien digne de remarque, c'est le froi.l glacial qui accueillit la proclamation du scrutin a l'Hötel de-Ville. Les rares applaudissements de quelques serviles ne trouvèrent aucun écho dans la nombreuse assistance et ce fut a peine si le soir notre ville, qui n'est pourtant pas avare de lampions, se fit remarquer par quelques rares illuminations. L'élection de quelques-uns était un deuil public et le bourgeois, Ie détaillant auquel on avait le matin im- posé un vote contre sa conscience, protestait le soir contre la pression qu'on lui avait fait subir au nom de ses intéréts. Cette attitude morne el silencieuse, si peu dans les habitudes de noire bourgeoisie le jour d'une éleclion, a dü frapper les patrons du Progrès comme tout le monde Et peut-être est-ce a eel incident que nous devons d'avoir vu ce journal remplir si mal les pro- messes de son programme. ..klBü .tJP—ifc I

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L’Opinion (1863-1873) | 1866 | | pagina 1