JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT YPUES, liimaoche Paraissant le dimanche. PK1X B'IBOSIEMEST POUR LA BELGIQUE 8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre. Pour I'Etranger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes. PRIX RES ASBO.ICES ET DES RECLAMES 10 Centimes la petite ligne. Corps du Journal. 30 centimes. Le tout payable d'avance. Laissez dire, laissez-vous bièmer, mais publiez votre pensée. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journalchez Félix I ambin, imp.-lib., On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toules lettres rue de Dixmude, 55. ou envois d'aryent doivent etre adressés franco au bureau du journal. La contrainte par corps. La Chambre des reprêsentants s'apprête a rejeter le projet de loi abolissant la contrainte par corns. La presse libérale jette les hauts oris, I'opinion publique proteste et s'indigne peine perdue rien n'y fera et, cette fois comme dans la question de la peine de mort, M. le ministrede la justice en restera pour I'honneur de 1'avoir entrepris. Ceci n'a rien qui nous étonne. Nous savons depuis longtemps a quoi nous en tenir sur les sentiments soi-disant libéraux de la majorité parlementaire, et les dispositions qu'elie manifeste a l'égard de la con trainte par corps ne nous ont rien appris, sous ce rapport, que nous ne sussions dojè parfaitetnent. Qu'esperer d'une majorité qui a souffert que le gou vernement beige s'associót a l'entreprise liberticide de Napoléon III sur la République mexicaine Quelle confiance peuvent mériter ces libéraux qui redouteot, l'extension du droit de suffrage comme un malheur pour la liberté, ces amis de l'egalité qui creent des juridictions exceptionnelles pour les ministres, ces partisans du progrès qui votent le maintien de la peine de mort, ces défetiseurs des droits de la rai- son qui n'osent arracher la jeunesse de nos écoles a l'enseignement retrograde du clergé? Les Jósuites, a dit Victor Hugo, sont la ntaladie de l'Eglise Quand la Belgique comprendra-t-elle que les doctrinaires sont la roaiadie du libéralisme Pour maintenir la contrainte par corps, on invoque les intéréts du commerce. Mais que sont ces intéréts, si respectables qu'on les imagine, a cóté des droits de l'humanité et de la justice? Si le commerce n'est pas suöisamment protégé contre la fraude, si la legislation qui punit i'escroquerie, l'abus de confiance, le faux et la banqueroute renferme des lacunes par oü la mauvaise foi peut échapper a la repression pénale, que i'on donue au commerce des protections plus com petes et plus efficaces, tout Ie monde y applaudira. Mais la protection que nous lui devons ne peut aller jusqu'a nous permettre de tolerer plus longtemps le maintien de cette iniquitó scandaleuse qui s'appelle la contrainte par corps. II y a autre chose dans le monde que le commerce, il y a la justice, il y a la con science humaine, qui ne peuvent souffrir d'atteinte sans un danger social bien autrement grave que celui dont nous menacent les partisans de I'emprisonne- ment pour dettes. La contrainte par corps, et c'est par ce cöte sur- tout qu'elie constitue une revoltante iniquite legisla tive, n'admet aucune distinction entre I'homme que des evenements en dehors des prévisions humaines ont mis dans l'impossibiiite de s'acquitter et celui qui a abusé du crédit et de la confiance de ses conci- loyenselle ne fait nulle difference entre le malheu- reuxet le fripon. Eussiez-vous le plus honnête homme du monde et quand même vous etabliriez que votre ruine est le résultal d'une catastrophe que nulle pre- voyance ne pouvait empêoher, elie vous frappe et permet a votre creancier d'achever votre malheur en vous deshouorant. Eh bien, nous le demandons a tous ceux que n'aveugle pas un sordide interêt, est-il pos sible qu'une législation qui consncre une aussi nion- strueuse injustice soit maintenue? Eüt-il prouvé que cette législation est utile au crédit et aux, relations commerciales, cette considération sorait-elle assez puissanle a leurs yeux pour triompher de la ré- pulsion qu'une telle iniquité soulève dans toutes Ies consciences honnêtes On a proposé de rendre la contrainte par corps fa cultative en laissant au juge, dans chaque cas parti culier, Ie soin d'apprécier s'il y a lieu ou non d'appli- quer ce mode d'exécution. Cette innovation ferait dis- paraitre dans la pratique, nous n'en disconvenons pas, bien des rigueurs injustes; mais il faul recon- naitre aussi que du jour oü elle serait admise, la con trainte par corps aurait perdu sa meilleure raison d'être. En effet, s'il est vrai qu'elie soit une garantie indispensable d'exactitude et de ponclualitè dans l'exécution des engagements commerciaux, il faut que Ie créancier puisse compter sur cette garautie au mo ment même du eontrat et que Ie débiteur ait la cer titude qu'il ne pourra échapper a I'emprisonneir.ent s'il manque a ses obligations. La contrainte par corps ne serait qu'une garantie fort incertaine si le juge avait la faculté de la prononcer ou de ne pas la pro- noncer selon qu'il Ie jugerait convenable et sansêtre astreint a aucune régie. Pour le créancier elle ne se rait plus un motif de confiance et, pour le débiteur, elle cesserail d'être un motif de ponotualité. Pour être efficace, pour atteindre son but, la con trainte par corps doit done rester obligatoire, c'est-è- dire qu'elie n'est utile qu'a la condition d'être im morele. Mais est-il bien vrai que cette pénalité rende des services si importants au commerce Nous n'en sommes rien moins que convaincus. Quand un com- mercant est embarrassé dans ses affaires, ce n'est pas la peur de la prison pour dettes qui le domine, c'est la crainte de voir sa signature protestée, paree que ce protét, c'est la perle de son crédit, e'est-a-dire la ruine et le deshonncur. La faiilile est pour tous les debiteurs un moyen extréme dont les consequences sont si graves que la plupart d'entr'eux font tous les sacrifices possibles pour l'éviter. L'épouvantail du commerce, c'est la faillite et non la contrainte par corps. Sous i'empire de la législation actuelle, la déclara- lion de faillite affranchit le débiteur de la contrainte par corps et cela n'est que juste, puisque le debiteur failli se trouvant dessaisi de I'administration de ses biens, I'incarceration de sa personne n'aurait plus aucune raison d'être. Quel sera cependant Ie résultat de cette disposition C'est que ie commercaut honnête que des circonstances désastreuses auront précipité dans-la misère, consentira a subir Ies souffrances et les privations de la prison plutót que d'encourir le déshouneur d'une faillite, tandis qu'un autre, moins scrupuleux, s'empressera de déposer son bilan pour racheter sa liberte. C'est-a-dire que, dans le fait, la garantie que I'on a voulu preudre contre Ies com- mercants de mauvaise foi n'atteint le plus souvent que Ies commercants qui auraient droit a toute I'in- dulgence de la loi. Si la contrainte par corps ne frappait que Ies com mercants, nous pourrions peut-être en prendre notre parti, convaincus que nous sommes que la plupart s'y soustrayenl en declarant leur faillite et que, par conséquent, elie ne fait pas grand mal. Mais elle frappe aussi le particulier non-négociant a raison des lettres de change qu'il a souscrites. Celui-ci n'a au- cun moyen d'y échapper, la loi le livre a !a discretion de son créancier qui pourra Ie aétenir pendant trois, quatre et même cinq années, sans avoir de compte a rendre a personne. Le debiteur aura bien la ressource de la cession de biens, mais ce mode de liberation off're tant de difficultés dans la pratique, que, de 1830 a 1850, sur un nombre de 2,700 détenus, huit seulemeDt ont pu y recourir, en sorte que I'on peut le considérer comme tout a fait illusoire. Pourquoi, cependant, cette difference entre Ie né- gociant et le simple particulier? N'est-il pas vrai que la loi devrait se montrer bien moins rigoureuse en- vers celui-ci qu'envers celui-la? Mais ce n'est pas tout. Nous affirmons, et personne ne nous dèmentira, qu'en Belgique le particulier non-négociant ne se de cide a recourir a la lettre de change que lorsqu'il a épuisé tous les autres rnoyens de credit, e'est-a-dire lorsqu'il se trouve dans un état de gêne qui avoisine l'insolvabilité. Cela est si vrai que la plupart des mai- sonsde banquedu pays refusent l'escomptedes lettres de change portaut la signature de non-négociants et nous crayons bien qu'il en est de même ailleurs. Ceci posé, nous nous demandons a quel titre le créancier d'une lettre de change souscrile par un non-négociant peut réclainer centre celui-ci la con trainte par corps. II a connu la gêne de cet homme; pourquoi a-t-il consenti a (raiter avec lui, et, s'il a voulu courir le risque, de quel droit viendra-t-il de- mander plus tard a la sociélè de punir son débiteur de la privation de la liberté? Ah, nous comprenions cette protection accordée au créancier du temps oü la loi lui fesait un crime de dépasser un certain taux d'intérêt. Le créancier pou vait dire alors a la société Vous êles inlervenue entre mon débiteur et moi, vous m'avez empêché de couvrir mon risque comme j'eusse pu Ie faire si j'a- vais été entièrement libre. Vous avez voulu protéger mon débiteur, il n'est que juste que vous me proté- giez aussi en me permettant de l'incarcérer s'il ne paie pas. Ce raisonnement avait quelque chose de plausible et nous admettons que I'on s'y arrêtat. Au- jourd'hui, il n'en est plus de même la société ne se mêle plus de protéger le débiteur, elle l'abandonne a la rapacité de I'homme qui conseut a lui prêler de l'argenlcelui-ci peut stipuler telle prime d'assurance qu'il juge en rapport avec le risque qu'il s'apprête a courir. Dés lors, ia garantie spéciale de la contrainte par corps cesse de lui appartenir, il n'a plus droit qu'aux garanties communes a tous les créanciers. II est profondément regrettable que des considéra- tious d'une pareille gravité n'aient point trouvé grAce devant la majorité et qu'aprós s'être montree si em- pressée a décréter la liberté du prêt a iutérêt, il faille la trouver si rebelle a une rèforme qui en est le cor- rollaire obligé. L'opinion publique tire de la des dé- ductions qui ne sont rien moins que flatleuses pour nos législateurs. Nous voulons croire qu'elie a tort et

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L’Opinion (1863-1873) | 1867 | | pagina 1