JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENI YPSiES, Bimanche Cinquièrae année. IV0 11. 17 Mars 1867. Paraissant le dimanche. X, PltlX D'AKOISEIIEIT POUR LA BELGIQUE 8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre. Pour FEtranger, le port en sus. Un Numéro 25 Centimes. I*RIX l»ES AillOSCEü ET DES RECLAMES fO Centimes It petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes. Le tout payable d'avance. Laissez dire, laissez-vous blttmer, mais publiez voire pensée. On s'abonne a Ypres, au bureau du Journalchez Félix Lambin, imp.-lib., rue de Oixmude, 59. On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toules lettres ou envois d'aryent doivent être adressés franco au bureau du journal. Ypres, Mars is«>. A en iuger par les injures dont Ie Progrès nous gra- tifie chaque semaine, il semblerait que nous sommes divisés sur les principes fondainentaux de notre poli tique intérieure et qu'un abime nous sépare. Rien n'est moius vrai cepsndant, et quoi qu'il nous en coCite d'admettre en notre compagnie l'organe mal embouché de notre petite coterie, force nous est de reconnoitre que nous appartenons au même parti et que nous portons tous deux les mêmes couleurs Le Progrès cherche a accréditer l'opinion contraire. Ses injures n'ont pas d'aulre but que de nous desi gner au mépris des libéraux comme des homines sans principes et chercbant a satisfaire. sous le voile du li béralisme, nous ne savons quelles rancunes person- relies nóes de l'envie ou des mécomptes de l'ambition decue. Malheureusement pour les frères et amisle succes du stratagèrne n'a pas répondu a leur attente etdéja, pour peu qu'ils sachent lire dans l'avenir, ils doivent entrevoir le jour oü le public, editie sur leurs vues et revenu de son engouement, leur infligera le chaliment qu'ils méritent. Oui, vrainient, ce qui nous divise le moins, ce sont les principes. Leur programme est le nótre, le nótre est le leur, et si ce n'était pas trop présumer du Pro grès que de lui demander de nous répondre sans se mettre en colère, nous lui porterions volontiers Ie défi d'indiquer une seule question sur laquelle, lui et nous, nous differions d'opinion en principe. Comme nous, il proclame la separation de l'Eglise et de l'Etat et Findépendance absoiue du pou.voir civil, corollaire oblige de cette separation. Comme nous, il vent que notre legislation soit mise en rapport avec ce dogme fondamental de la société politique moderne et que les privileges dont le clergè a joui jusqu'a présent, au dé triment de l'égalitè civile et de la liberté de conscience, disparaissent. Comme nous, il reclame l'affranchisse- menl de l'enseignement du contróle épiscopal et la secularisation de la bienfaisance publique. Comme nous, il entend faire a intelligence une large part dans le gouvernement du pays et se déclare prêt a se rallier a une réforme electorale qui donne satisfaction a des droits jusqu'ici méconrius. Comme nous,-il pro- fesse le plus prófond respect pour toules les libertés consacrées par la Constitution et affirme bien haut que ces libertés sont de l'essence même des gouverne- ments fondés sur la volonté nationale, Bref, en prin cipe, le Progrès et nous, nous sommes d'accord sur tous les poiuts. D'oü vient, cependant, que nous nous entendions si rarementavec le journaille la coterie? La raison en est toute simplenous voulons faire de la Constitution une oeuvre vivante et Its patrons du Progrès veulent l'embaumer. Nous voulons qu'elle marche, qu'elle respire a pleins poumons, et nos doctrinaires la vou- draient enrouler dans des bandelettes pour l'empêcher de se mouvoir, craignant sans doute qu'elle ne se brise au moindre effort. S'il est arrivé au lecteur de s'arrêter, en flénanl, devaut la vitrine de quelque cordonnier élégant de la capitaie, il a dü remarquer, précieuseinent préserve sous un cylindre de verre, l'unou l'autrechef-d'oeuvre de chaussure, artisteinent travaïllé, admirable de forme et d'elegance, réunissant, en un mot, toutes les perfections imaginables. Le chef-d'oeuvre n'a qu'un défaut, c'est que l'étoffe en est si fragile que le pied qui tenterait d'en prendre possession la ferait infailli- blement craquer a toutes les coutures. Pour nos doctrinairesla Constitution n'est pas autre chose, lis l'exaltent sur tous les tons, ils ne laisseut paséchapper une occasion de I'exhiber a ['ad miration des nations étrangèresmais malheur a vous, si vous prètendez vous en servir; ils ont si peu de confiance dans sa solidité, ils sont tellement pénetrés de l'idée que vous allez la faire craquer, qu'au moindre mouvement que vous voudrez lui imprimer, ils vous traiteront de démolisseurs, de révolutionnaires et vous signaleront au mépris public comme un être dangereux, capable des plus noirs forfaits. Vous vous dites, par exemple, que la Constitution proclamant la liberté de la presse, vous pourriez dé- velopper, dans un journal a vous, des idéés utiles a votre pays. Prenez garde, car si l'on ne peut pas vous en empêcher directement, on a eu soin de serrer si bien les mailles par oü votre pensée doit passer, que vous risquez fort, au moindre écart de votre plume, de payer votre imprudence de votre fortune ou de voire liberté. Appelez-vous les meetings a votre aide Cherchez- vous a provoquer, par de grandes manifestations col lectives, un mouvement de l'opinion publique en fa veur de l'idée que vous avez a coeur de faire triom- pher? Prenez garde encore, car vos intentions seront méconnues et il ne dépendra pas des embaumeurs que votre nom soit cloué au pilori. Demandez-vous au ministère de conformer sa po litique aux principes qui l'ont porie au pouvoir vous êtes un mauvais citoyen, un faux liberal, un radical, un homme ingouvernable, un brouillon. Osez-vous dire que le moment vous paratt venu de lever ('ostracisme electoral qui, depuis 86 ans, éloigne du scrutin les classes instruites de la société? Mêmes accusations, mêmes injures. Estimez-vous heureux si l'on n'insinue pas que vous avez fait al liance avec te parti clerical ou, pis encore, avec les annexionnistes du Pays et de la Palris. Les embaumeurs, fort heureusementcomptent leurs derniers jours de domination en Belgique. En dépit de tous leurs efforts pour arrêter l'essor de l'opinion publique, la lumière commence a se faire dans les esprits et l'on apercoit de jour en jour plus clairement les dangers de cette politique opiacée dont ils ont saturé le pays depuis dix ans. La Belgique ne veut pas dormir, elle veut marcher et vivre. 11 ne lui suffit pas d'avoir inscrit dans sa Constitution ces ad- mirables libertés que les nations voisines nous en- vient.et dont elle estjustemerit fiere; ces libertés, elle veut les mettre en mouvement et leur demander la solution des questions qui interessent sa prospérité. Une Constitution sous verre est une belle chose, mais une bonne chaussure vaut mieux tel est son avis et le nótre. Dans son audience de vendredile Tribunal de 1r° instance d'Ypres a prononcé dans Faction en dommages-intérêts intentée par la Société d'exploi tation de chemins de fer. contre le journal Opi nion. II a déclaré la partie demanderesse non re- cevable ni fondée et l'a condamnée a tous les dépens. Nous donnerons le texte du jugement dans notre prochain numéro. lie ministère etson programme. La ville de Gand marche en ce moment en tête du libéralisme beige. Après la remarquable discussion sur la loi de 1842 qui a eu lieu a ('Association, discus sion dont nous avons publié le compte-rendu, le Con- seil communal a son tour a décidé, dans sa séance du 11 de ce mois, qu'il enverrait une petition la legis lature pour la prier de s'occuper sans retard de l'exa- men de la loi sur Ie temporel des cultes. Cette propo sition, faite par M. Albert Colson, après une inter pellation de M. Laurent, a été adoptée a l'unanimité, sauf les abstentions de MM. le bourgmestre etde Maere, représentants. Nous assistons depuis que'que temps a un spectacle étrange. Temporel du culte, réformeélectorale, milice, révision de la loi de 1842, le ministère s'efforce de tout enterrer, ameliorations poliliques et sociales et, il faut 1'avouer, il est admirablement seconde dans cette tóche impolitique par la plupart de nos représentants. Les associations, celles du moins qui ne sont pas aux mains des meneurs, envoient petitions sur petitions, sans succès. La docilitè et Ie mutisme tendent a s'élever a la hauteur d'une institution et nous en sommes arri ves a ce point que fórsqu'une fois en passant laCbam- bre prend quelquedécision contraire a I'avisde MM. les ministres, et par.ce que récemment la majorite, prise d'un scrupule subit et dans le but de lenir enfin une promesse depuis longtemps faite et fréqueinment élu- dee, fixe le jour de la discussion de la reforme élec torale, aussilót les scribes aux gages du ministère jettent les hauls cris et Ie Progrès entr'autres, dans Ie langage exquis qui le distingue, ecrit que cléricaux el avancés se sont coahsés pour faire niche au-minis - tére. Out I Encore une coalition trouvée par le com pere, et dire qu'il n'en est pas plus fior pour cela et que sa modestie ne songe même pas a prendre un brevet d'invention 1 11 oublie une chose pourtant, c'est que dans la ma jorite qui a fixe au 19 mars la discussion de la réforme e ectorate, se trouvail des amis très-devoues au mi nistère. Comment concilier cette parlicularité avec la phrase du rogrès? Ce journal veut il douner le change a ses locteursou bien est-ou a ses yeux un avance, un ra dical, un homme de sac et de corde par cela même qu'on se permet de ne pas accepter toujours le mot U'ordre de MM. les ministres? II tiendra a honneur sans doute de nuus edifier sur ce point intéres- suut. Jusque-la, en voyant Ie ministère s'opposer a la réforme electoralequ'il a proposee iui-même, releguer dans t'oubii le temporel des cultes, etouffer en un'inut dans les cartons toutes les promesses poliliques de son programme, meriterd'aulre part, avecie blame de ses amis, les eloges et l'appui des cléricaux, coiume dans la creation des ecoles d'adultes, nous ne pou- vons nous empêcher de penser et de dire, en em- ployant Ie mot du Progrès, que c'est bien lui, minis tère, qui veut faire nicbe au pays liberal.

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L’Opinion (1863-1873) | 1867 | | pagina 1