DE L'ARKONDISSEMENT
V PRES. Dimanche
Cinquième année. N' 14.
Paraissant le dimanche.
PU1X OIlBOIVEMËMT
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Ypres, Avril «so».
La Chambre a tepoussé. a une forte majorité, la
motion d'ajournement présentée par MM. Dumorliér
et Wasseige. Le ministère s'est opposé a la motion,
mais mollement et par pur acquit de conscience. On
apercoit clairement, au langage de M. Frère-Orban,
qu'il n'aurait pas demandé mieux que d'avoir la main
forcée par la majorité; celle-ci, deson cóté, se serait
décidèe sans grande difliculté, pensons-nous, a -voter
I'ajournement, pour peu que Ie ministère en eftt ma
nifesté Ie désir. Mais ni 1'un ni I'autre n'a vouln assu-
mer la responsabilité de l'initiative, et plutót que d'en
courir les risques, tous deux se sont unis pour reje-
ter, de commun accord, une proposition qu'ils eussent
volontiers votée par acclamations, n'était la peur du
qu'en dira-t-on.
Nous n'éprouvons nulle envie de nous réjouir de
nette resolution. L'attitude de la Chambre, en nous
enlevant toute espérance de voir trioinpher l'idée
d'une rêforme vraiment dêmocratique, nous laisse
absolument indifférent au résultat de la discussion.
Que Ie projet ministeriel soit ou non adopté, la rê
forme 'eSt ajournée et, ajournement pour ajourne-
ment, mieux valait peut-être la proposition de Mes
sieurs Dumortier et Wasseige que celle du gouverne
ment.
La proposition de AI. tioillery.
Savoir lire et écrire ne sufEt pas pour exercer le
droit électoral. Tel est l'argument que nous entendons
opposer sans cesse aux partisans de l'amendemenl
de M. GüÖ'lery.
II est certain que l'hornme qui ne saurait absolu-
tment que lire ét écrire et dont l'intelligence serait
fermée a toute autre connaissance, ferait un assez
médiocre élecleur. Mais ce que nous prétendons, c'est
que l'homme qui, arrivé a l'êge de la majorité, pos-
sède encore ces connaissances préliminaires, ést un
homme dont l'intelligence a travaillé et qui donne a
la société toules les garanties desirables destruc
tion.
Dans leidiscours qu'il a prononcé le 30 mars der
nier, a la Chambre des représentants, M. le ministre
de l'Intérieur a constaté que sur 50 enfants qui
quitlent l'école primaire a l'époque de leur pre-
o mière communion, il y en a a peine trois ou quatre
qui, a l'êge de 18 ou 20 ans, sachenl encore con ve
il nablement lire et écrire. Les autres, ajoutait
M le ministre, ont appris un métier ou sont allés
travailier alle terre en peu de tempsils ont oublié
tout ce qu'ils avaient appris a l'école.
Sioette triste statislique est exacte, il en résulte
que la lecture et l'ecriture sont des connaissances qui
se perdent bientöl par le non-usage el que si ceux
qui les ont acquises dans leur jeunessé les possèdent
encore a l'êge de raisom c'est qu'ils les ont assidü-
menl cultivêes. Or, lés partisans de l'amendement de
M. Guillery ne disent pas aulremhose jamais il ne
deur est venu a la penSée de soutenir que, par cela
seul qu'il sait lire et écrire, l'homme doit être néces-
sairement et absolument tenu pour instruit el intelli
gent; ce qu'ils aflirment, et M. Ie ministre de l'Inté
rieur vientde corroborer leur affirmation, c'est que,
par la même que pour conserver ces connaissauces
élémentaires, il a dü en faire un usage fréquent et
continu, eet hornme donne a la société des garanties
de capacité et d'instruction au moins égales a celles
que le régime électoral actuel trouve dans le eens.
On peut critiquer la proposition de M. Guillery,
mais c'est bien pour le moins qu'on ne la dénature
pas.
Barrières et barrières.
Le ministère a la pretention d'opposer une barrière
infranchissable au suffrage universe!. Voici dans quels
termes M. d'Elhougne s'exprimait, dans la séance du
12 mars 1847, au sujét des barrières de la loi en ma-
tière électorale
Je crois, messieurs, disail l'honorable représen-
lant de Gand, que c'est une chose désirable et heu-
reuse, et c'est chez moi une conviction déja vieille,
que ('extension des droits politiques a un plus grand
nombre d'electeurs, qua'nd cette extension est la
consecration et la consequence d'un progrès intel-
n lectuel et moral bien constaté. Je crois qu'a ces
brusques et profonds remaniements que l'on voit
i) quelqnefois s'opérer dans leS Etats constitution-
nels et qui sont de véritables revolutions légales,
il est préférable de substituer des réformes pru-
dentes, des réformes partielles, successives et sa-
gemenl amenées. De la soète, en effet, on ouvre
t aux non-électeurs la perspective de l'avenir; de la
sorte, on les convie a la conquête pacifique des
droits politiques; on leur prouve qu'au fur et
mesure que par leur instruction, par leur mora-
lité, par leur travail, par leur économie, ils se rap-
prochent des limites de la loi, eile aussi, abaisse les
barrières et vient au-devanl d'eux.
Entre la politique de M. d'Elhougne et celle du mi
nistère, les hommes d'ordre n'auront pas de peine a
se prononcer. C'est la résistance qui, de tout temps,
a perdu les gouvernements. L'hisloire ne mentionne
pas une seule révolutïon causée par des concessions
intelligentes et faites a temps.
Le grec Lucieü avait prévu Ie gouvernement repré-
sentatif et il s'en explique dans son dialogue de Jupi
ter tragiqueavec une liberie que nous nous garde-
rions bien d'imiter. Nous allons le citer, en avertis-
sant cependanl nos lecteurs qu'il n'a pas osé deviner
que le talent, Ie génie tie seraient comptés pour rién;
il leur assigne le premier rang après Dor et I'argent.
Ce n'est pas constitutionnel. Mais Lucien vivaitavant
le gouvernement représentalif, et il y a de ces
choses .qu'on n'invente pas.
Jupiter eonvoque les Chambres; il fait inviter
tous les dieux a s'assembler pour délibérer sur un
sujet important. -- Jupiter dit a Mercure o Placez-
les se'on Ie mérite de la malière dont ils sont formés
d'abord les dieux d'or, ensuite Ceux d'argent, ceux
d'ivoire, ceux d'airain, puis ceux de bois. Parmi
ceux qui sont de la même matière, vous donnerez
les premières places ceux qui sont les miéux
sculptés.
Mercure. Vos ordres seront exécutés. II y a ce-
pendant un embarras dois-je placer un dieu d'or,
grossièrement travaillé, avant les dieux d'airain faits
par Myson et a\-ant ceux de pierre, qui sont l'ouvrage
de Phidias et d'Alcamène? Ne devons-nous pas plu
tót donner la preference a I'excellence du travail
Jupiter. Cela serait mieux, en effet; cepen-
dant, tout bien consideré, placez toujours les dieux
d'or les premiers.
Mercure. J'entends; vous voulez que, dans la
distribution des places, on préfère les richesses au
mérite. Allons, messieurs les dieux d'or, placez-
vous.
Oh! oh 1 Jupiter, remarquez-vous que les premiers
siéges vont être remplis par les dieux barbares! Vous
voyez que ceux des Grecs sont beaux et bien faits,
mais presque tous de pierre ou de cuivre, ou tout
au plus d'ivoire, beaucoup même son! de bois.
Cet Apis, au contraire, cet Anubis, ce Mithras, sont
de bel et bon or, bien lourds et bien massifs.
Neptune. En veritè, Mercure, est-il juste de pla
cer avant moi cet Anubis, cet Egyptien a tête de
chien
Mercure. Sans doute, Neptune. Lysippe ne vous
a fait que de cuivre, ce chien est du plus précieux
desmétaux; il faut, s'il vous plait, que ce morceau
d'or prenne place avant vous.
Venus. Mercure, je dois même a ce litre avoir
une des premières places d'abord, je suis belle,
ensuite Homère m'appelle souvent dorée
Mercure. C'est uneflatterie de poëte. Vous êtes
tout simplement de marbre de Paros et accessoire-
ment le chef-d'oeuvre de Praxitèle; contentez vous de
la place qui vous est assignee. Tenez, voici aussi
Apolion qui réclame; eh bienl il n'en sera pas moins
assis au dernier rang; il avait une couronne d'or, il
est vrai, et des cordes d'or a sa lyre: mais les voleurs
les lui ont enlevées. Mais, Jupiter, je ne puis plus
suffire pour apaiser ce tumulteentendez-vous le
bruit qu'ils font et comme ils demandent leur portion
de nectar et d'ambroisie, etc., etc.
On vient d'afficher au bureau des Postes, a Ypres,
un tableau indiquant les heures d'expedilion des cor-
respondances pour les diverses localités de i'intèrieur
du pays et pour l'étranger,, dans lequel on remarque
cette singuliere anomalie que les expeditions se font
pour toutes les destinations en géneral par chacun
des trains qui .passent a notre station, a cette seule
exception prés, que les correspondances pour Bruges
et pour Osteride ne sont pas expediees par le train de
8 h. 57, qui doit arriver a Bruges a 12 h. 5 et qui
correspond a Courtrai avec un train arrivant a
Bruxelles a 12 h. 43. De manière que, de deux
lettres remises a notre bureau de pös;o a 8 h du
matin, l'urié pour la capitale et I'autre pour le chef-
lieu de notre province, la première peut être distri-
buee au commencement de l'apres midi, assez a temps
pour que le coréespondant puisse repondre par le
courrier partant de Bruxelles 6 h. dusoir; tandis