JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEIENT
YPRE8, Dimanche
Cinquième année. N° 18.
5 Mai 1867.
Paraissant le dimanche.
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d'en avertir nos abonnés, qui s'expliqm rout ainsi fort aisé-
ment Ia difference de la quittance qui va leur être présentée
avec celles qu'ils ontpayées anlérieurement.
Ee serment.
Nous voici revenus au beau temps de l'Inquisition.
Oui, vraiment, nous y sommes, car qu'est-ce autre
chose qu'une sentence du Saint-Office, eet arrêt de la
Cour de Liéiie qui vient de condamner a l'amende uu
citoyen dorit le seul crime était de ne pas croire en
Dieu? Ce citoyen, Torquemada l'eüt livré au bficher.
Nos magistrals d'aujourd'hui se contentent de lui in-
fliger une amende de 10 francs. A la rigueur du chÊi-
timent prés, nulie difference entre les deux justices
toules deux partent du méme principe pour aboutir
aux mêmes consequences.
Car e'est uniquement, qu'on le sache bien, pour
avoir refusé d'nflirmer l'existence de la d: vinite que le
témoin Maurice Michel a été condamné. Maurice Mi
chel, appelè a déposer dgvant ie tribunal correction-
nel de Namur, n'avait pas conteste a ce tribunal le
droit d'exiger de lui une affirmation solennelle de la
veracitè de son létnoignage il s'etait bornè a refuser
de prendre Dieu a temoin et c'esl ce refus seul qui lui
a valu sa condemnation.
II y a done, en lielgique, une loi qui oblige les ci
toyens a croire en Dieu et la iiberte de conscience,
sous ce rapport, n'estpas sans limites. C'est la Cour
de Liége qui l'affirme, en s'appuyant pour soutenir
celte enorinité, sur Partiele 127 de la Constitution qui
maintient le serment dans notre législation.
Soit; mais alors, qu'on ne vienne plus nous dire
que l'Etat est laïque. Si l'Etat oblige les citoyens a
professer une religion, c'est bien le moins qu'il en ait
une lui-même, car dé quel droit nous imposerait-il
l'obligation de croire a quelque chose, si lui-même ne
croil a rien
L'Etat croyant, l'Etat religieux, telle est la consé-
quence fata e, ineluctable des principes proclamés par
la Cour de L ége. Nous defións tous les jurisconsultes
du Bien Public et de la Paix d'echapper a ce di-
lemme ou bien l'Etat est purement laïque el, dans
ce cas, il n'a aucune qualité pour obliger les citoyens
professer une croyance religieuse quelconque, ou
bien, s'il faut lui reconnoitre ce droit de coaction, il
doit se proclamer lui-même croyaut, reiigieux et ces
ser d'èlre laïque.
La Paix ne recule pas devant cette consequence.
Nous serions loin de desapprouver, dit-elle, une
loi qui chasserait des cornices les gens jmmoraux,
méme ceux qui nient ouvertemenl Dieu. A la
bonne heure, voila qui s'appelle parler net.Mais pour-
quoi s'arrêter en cheminSi l'athéisme est hors la
loi, il ne faut pas se borner a exclure les athees des
cornices electoraux, il faut les declarer indigues d'oc-
cuper aucune function publique, poursuivre en jus
tice les ecrivains qui toni profession d'athéisme et pro
clamer, une fois pour toutes, que les libertés consti-
tulionnelles n'existent que pour les citoyens croyant
en Di'eu. Au moins, si l'on est fèroce, on aura été
logique.
Voila cependant oü nous en sommes, après trenle-
six années de pratique de notre libérale Constitution 1
Que nous comprenons moins la liberté qu'au temps
oü MM. Vilain XIIII et De Haerne défendaient la
tribune nationale les St-Simoniens menaces d'ostra-
cismeet réclamaient ponr toules les opinions le droit
de se prodoire au grand jour I On ne redoutait pas
alors la propagation des idees anti-sociales, on avait
foi dans la liberté. Aujourd'hui, on a peur et l'on ne
songe pias qu'a la rogner autant qu'on peut. Oui, les
temps sonl bien changès, et les hommes aussi.
Ea réforine electorale.
L'affaire est faite 61 voix contre 45 viennent de
déclarer solennellement, Ia face du pays, que la
réforme proposée par le gouvernement est, sous tous
les rapports, une oeuvre d'une perfection rare et
qu'on ne pouvait nous donner rien de plus, sous peine
de meUre en péril toutes nos institutions les plus
précieuses.
Un seul membre s'esl abstenu. App'elé a motiver
son abstention, M. Vanhumbetk s'est exprimè dans
ces teru.es
J'ai eu l'occasion de déclarer a plusiéurs reprises
dans la discussion, que je ne considerais comme
réforme sérieuse et utile que cel le qui aurail pour
resuhat d'initier a la vie politique l'élile de nos
classes ouvrières.
J'ai fait des tentatives pour donner cette exten-
sion au projet du gouvernement. De mes proposi-
tions, les unes ont pu pareitre trop radicales; mais
d'autres, fortnulées en ordre subsidiaire, étaieut
cei taiuement modérées.
Cependant ni anx unes ni aux autres on n'a fait
l'honneur de les discuier sérieusement. De nos dé-
bats a surgi enlin le projet tel que vous le connais-
sez, ayant, a nos yeux, comme caractère dominant,
l'insignifiance.
Un projet réduit ces proportions, selon moi, ne
méritait ni l'excës d'honueur d'un vote d'approba-
tion, ni l'indignitè d'un vote negatif. Je me suis
done abstenu.
lnsignifiant, le mot était dur. M. le ministre a
voulu le relever sur-le-champ et montrer qu'il était
peu mérité.
J'ai voulu, a-t-il répondu a M. Vanhumbeek, me
rendre compte du nombre d'electeurs que le projet
adopté par la Chambre devait donner, a ne cousi-
derer que le eens. Eh bien, messieurs, en De tenant
compte que de la condition du eens, il doublerait
et au-dela le nombre des électeurs. Le nombre
s actuel des électeurs serait porté a prés de 500
mille 1
M. Ie ministre peut avoir raisou, mais il oublie de
nous faire connaitre a quel chiffre la condition des
trois annees d'etudes moyennes réduit en realité les
500 mille électeurs qu'il fait sonner si haut. Or, il
resulte de ealculs bases sur la population actuelle des
écoles moyennes, que le projet adopté par la Chambre
n'aecroitra pas méme de a p. c. le nombre actuel des
électeurs comuiuuaux et qoe, quant aux electeurs
legislanfs, le resuhat sera plus msignitiant encore,
car c'esl a peine si deux ou irois cents citoyens de
plus seront inscrits sur les listes electorales pour les
Chambres. Mais ces chiffres n'ètaient pas bons a citer
et l'orateur a pris soiu de n'en point parler.
II ne nons reste plus qu'un vceu former, c'est
que le Sénat refuse la part de complicité qu'on veut
lui faire dans cette mystification.
Nous croyons devoir livrer a l'appréciation de l'opi-
nion publique un acte posé par le département de
l'intérieur et qu'on croirait impossible sous une admi
nistration libérale et sous l'égide d'une Constitution
qui consacre pour chaque citoyen le droit de s'abste-
nir de participer aux cérémonies d'un culte quel
conque. Nous aurions dèja entretenu nos lecteurs de
cette déplorable affaire, si nous n'avions pensé que
des interpellations énergiques auraient été adressées
ce sujet au gouvernement dés la rentrée des Cham
bres. Encore une illusion perduel Nous avons été
dècus dans notre attente aucun de nos représen-
tants ne s'est jusqu'a présent levé pour protester
contre la conduite inqualifiable de M. le ministre de
l'intérieur. Cette coupable indifference des manda-
taires du pays ne rend que plus impérieux le devoir
de la presse, vraiment indépendante.
Voici les fails dans toute leur cruditéils pour-
raient a la rigueur se passer de commentaires.
Dans le courant de l'année 1865, M. Lagage, nou-
vellement nommé instituteur a Nimy-Maizières, recut
du curé de cette commune l'ordre de surveiller, le
dimanche, ses élèves a l'église et de les conduire a la
procession. M. Lagage, fort de son droit, refusa, avec
raison, d'obéir a cette injonction. Invoquer un droit
constitutionnel est, paralt-il, un crime irreinissible
dans les spheres gouvernementales lorsqu'on est insti
tuteur communal, et quand on remplit ces modestes
mais utiles fonctions on doit renoncer ses droits de
citoyen d'un pays fibre. C'est du moins I'opinion que
professe l'inspection ecclésiastique du canton de Mons,
et en cela elle est conséquente avec ses principes,
mais qui le croirait? l'intolérance a trouvé dans l'in
spection laïque un appui solide et a vu ses prélentions
approuvées par M. Vandenpeereboom, ministre de
l'intérieur.
Les obsessions de tout genre, les vexations indignes
dont M. Lagage avait été l'objet, aussi bien de la part
des inspecteurs ecclésiastiques que des inspecteurs
iaïques, ayant été rendues publiques par YOrgane de
Mons, eet honorable instituteur, victime de l'intolé
rance cléricale et de la coupable condescendance de
l'autoritè civile, fut accuse par M. Courtois, inspec
teur provincial laïque, d'être l'auteur de l'article pu-
blié par YOrgane de Mons. M. Lagage n'eut pas de
peine a se disculper d'un fait qui, après tout, était
parfaitemeot légal. M. Massart, bourgmeslre de Nimy-
Maizières, iudigné des procédés que l'on employait a
l'égard de l'insiituteur communal, déclara être l'au
teur de l'article incriminè. L'innocence de M. t.agage
était done evidente. Nïmportel II fal.ait une victime;
il fallait que l'autoritè civile courbat humblemeut
l'échine sous le goupillon clerical et M. Vandenpeere
boom, ce liberal a tous orins, infligea a M. Lagage un
bldme trés sévère pour avoir manqué de loyauté, mé-
connu les régies de la subordination et avoir livré les
conseils qui lui avaient été donnés dans son propre
intérét a la critique d'un journal de Mons.