aux élections du mois de juin, nous perdons douze
voix et nous n'avons plus que 6 voix de majorité que
l'annulation des élections de Bruges vienl bienlót ré-
duire a deux. Deux voixQuelle lecon 1 II est vrai
qu'en 1863, la Chambre avait voté enfin le projet de
loi sur les bourses d'etude, Mais le Progrèsqui vient
de faire triompher la candidature de M. Mazeman, qui
l'a volé au Sénat, ne soutiendra pas, pensons-nous,
que l'opinion publique fut hostile a celte réforme. Le
succès de son candidat protesierait trop elairement
contre une semblable assertion.
Rèduit, par la mort de M. Cumont et par Ia retraite
de la droite, a ne plus pouvoir réunir la Chambre en
n< mbre utile, le cabinet, après avoir remis sa démis-
sion entre les mains du Roi, se decide a tenter un
nouvel effortet prononce la dissolution de la Chambre.
Cette fois, la question est nettement posée entre les
deux partis les insolents défis du Congrès de Ma
lines, l'attitude révolulionnaire de la droite, l'Ency-
clique de Pie IX et le Syllabus sont le terrain sur le-
quel la lutte s'engage avec une ardeur qui rappeile
l'enthousiasme de 1857, et le corps electoral que le
journal doctrinaire accuse de s'effrayer des moindres
inquiétudes que l'on pourrait susciter rnêtne a tort,
au parti clerical, le corps electoral renvoie la Cham
bre une majorité libérale de douze voix 64 con
tre 52.
En 1866, de nou velles élections ont lieu et sur quoi
portent-elles? Sur la rèvélation foudroyante des abus
scandaleux commis par le clergé dans l'administra-
tion des bourses d'etudes. Si l'asserlion du Progrès est
fondée, e'en est fait, sans doute, de la majorité con-
quise en 1864, car le clergé, accuse de dilapidations,
jette feu et Hammes et pèse, de toutes ses forces,
sur le joug qui, au dire du journal doctrinaire,
asservit a sa puissance la majorité du pays. Eh bien,
non, la majorité libérale ne périt pas; elle augmentè,
au contraire, et de douze voix, elle est, tout d'un
coup, portée a vingt72 contre 52.
Si tout cela est incontestable, et nous défions Ie
Progrès d'y contredire, n'est-ce pas une pitoyable
excuse l'inaclion du ministère que de soutenir,
comme le fait le journal de la coterie a qu'a mojns de
prétendre administrer le pays despotiquement et
contrairement a ses aspirations, le ministère doit
altendre, pour mettre la main a l'ceuvre, que les
o réformes désirables soient connues et adoptees par
le peuple et que celui-ci lui envoie une majorité
assez libérale pour les voter
Le pays, nous l'avons prouvé, a marché avec le
ministère chaque fois que celui-ci a fait montre de
vigueurlorsque le pays l'a abandonné, c'est qu'il
s'abandonnail lui-même. Quant au reproche que le
Progrès lui adresse d'envoyer a la Chambre une ma
jorité qui ne serait pas sulfisamment libérale, que le
journal doctrinaire nous permette de trouver ce re
proche passablement scandaleux dans la bouche d'un
journal qui vient a l'instant même d'imposer a noire
arrondissement la candidature d'un homme que M. le
commissaire Carton proclamait, il y a huit ans, un
candidat de pis-aller et pas libéral du tout.
bre, et de la Chambre a l'Hötel-de-Ville. C'est la
qu'après l'invasion de la Chambre par le peuple, La-
marline el ses collègues du gouvernement provisoire
vinrent chercher la consécration de leur pouvoir, et
c'est la que ce gouvernement improvise au milieu de
la tempète tint jusqu'au bout ses delibérations. On
voit alors se réveiller la vieille fatalité qui hanie l'en-
ceinle du forum parisien, el la lutte s'engage pres-
qu'aussitót entre la démocratie libérale et ceux qui
n'invoquenl la souveraineté de la nation que pour lui
imposer leurs propres volontés. lis ont toutes les pre
tentions dictaloriales des tribuns de l'ancienne Com
mune, mais elles sont déguisèes sous des théories
économiques et humanitaires qui leur en cachent a
eux-mêrnes la portée funeste. lis obtiennent la pro
clamation immediate de la Republique, sauf ratifica
tion par le peuple, du gouvernement provisoire qui
s'était d'abord engagé a ne rien prejuger a eet egard
avant d'avoir consulté la nationce triomphe une fois
remporlé, ils s'eflbrcent de lui arracher la substitu
tion du drapeau rouge au drapeau tricolore. Mais ici
les hommes honnétes et courageux que le peuple s'est
donnés pour chefs osent résister a ses entrainements.
Peut-êlre cependant eussent-ils été vaincus dans ce
combat sans l'ascendant merveilleux, sans exemple,
qu'un grand poëte pril alors sur la foule. L'empire
L'Impartial de Bruges publie, dans son numéro du
19 juin dernier, une correspondance datée d'Ypres,
dont nous extrayons le passage suivant qui concerne
spécialement l'attitude prise par I 'Opinion dans la
derniêre lutte électorale.
Les libéraux ont assuré pour longtetnps leur
préponderance dans l'arrondissement d'Ypres. Notre
succès est d'autant plus glorieux que nous avions a
lutter contre deux categories d'adversaires. Non-seu-
lement nous avous vu nos éternels ennemis les prê-
tres et les nobles se liguer, s'épuiser en efforts pour
renverser M. Mazeman de son siége au Senal, mais
de plus les radicaux ont travaillé a outrance pour at-
teindre ce même résultat.
Ce n'est pas qu'ils aient été jusqu'a soutenir ou-
vertement le candidat clérical. Non joignant 1'hypo-
crisie a la malveillance ils out pris le dehors d'une
feinte moderation. II ne s'agit pas d'éliminer M. Ma
zeman, ont-ils dit, mais seulementde lui donner une
bonne lecon en même temps qu'au ministère. II faut
apprendre a vivre a nos doctrinaires. Que le nombre
des suffrages du sénaleur Yprois soit réduit a la stride
majorité et il comprendra qu'il doit modifier sa ligne
de conduite. Done que les vrais libéraux s'abstiennent.
Les vrais libéraux ont suivi ce conseil et com-
bien y a t il eu d'abstentions"?
Douze, dont quatre représentaienl notoirement
des gens qui n'apparliennent a aucun parti et pra-
tiquent I'indifference politique la plus absolue, cette
faute que la Grèce ancienne punissait a juste titre du
bannissement
Ainsi c'est a huit que se réduit le nombre des
vrais libéraux dans notre arrondissement.
Quoi qu'il en soit, l'indignation est générale
contre la ligne de conduite suivie par les radicaux
dans cette élection. II est évident, en effet, que si leur
tactique n'avait pas été déjouée par Ie bon sens du
corps electoral, elle aurait assure Ie triomphe du can
didat clérical.
Nous en sommes bien fêchés pour I 'Impartial, dont
la bonne foi aura, sans doute, été surprise, peu fami-
liarisé qu'il est avec les roueries de nos doctrinaires
yprois, mais la correspondance qu'il a si légèrement
accueillie n'est, d'un bout a I'autre, qu'un tissu de
grossières contre-verites, pour ne pas dire d'impu-
dents mensonges.
Non, il n'est pas vrai, comme l'affirme le corres-
pondant de I 'Impartial, que, joignant I'hypocrisie a
la malveillance, nous ayons prétendu qu'il ne
s'agissait pas d'éliminer M. Mazeman mais uni-
quement de réduire le nombre des suffrages du
sénateur yprois a la stride majorité afin°de lui
faire comprendre qu'il doit modifier sa ligne de
conduite. Nous avons, au contraire, combaltu,
de touies nos forces, la candidature de M. Mazeman et
nous avons adjure les élecleurs, au nom de la mora-
lité politique, au nom du salut de la cause libérale
d'éliminer du Senat, en s'abstenant de prendre part
au vote, un homme que ses origines nous rendaient
suspect et dont la reelection devait contribuer, selon
nous, a maintet/ir le ministère dans les voies d'une
politique que nous considérons comme desastreuss
pour 1'avenir du libéralisme.
exercé par Lamartine dans ces circonstances critiques
est sans analogie dans l'histoire. II semblait tenir de
la magie et de la fascination. C'était Orphée lui même
apaisant et charmant tour a tour le lion populaire. II
opposa au drapeau rouge qui n'avait jamais fait que
le tour du Champ-de-Mars, trainé dans le sang du
peuple, le drapeau tricolore qui avait fait le tour du
monde, et le drapeau rouge recula. Le généreux
décret qui abolissait la peine de mort en matière po
litique vint prouver, en même temps, que le nouveau
gouvernement de l'Hótel-de-Ville avait a cceur de ré-
pudier les traditions de la Commune de Paris; mais
ces traditions ne se tinrent pas pour vaiucues et s'ef-
forcèrent plus d'une fois de repi endre la place. De ces
tentatives et de l'effroi qu'elles repandirent chez les
classes conservatrices naquit en partie la réaction peu
raisonnée qui devait nous rejeter si loin en arrière
Prenez-y garde, s'écriait Lamartine le 17 mars en
presence d'un de ces essais d'usurpation, les 18 bru-
maire du peuple pourraient amener les 18 brumaire
du despotisme! Avertissemepts inutiles Le 16
avr.l 1848 vit se renouveler une tentative de dictature
populaire qut echoua comme les precédentes, mais
qu on ne put vamcre qu'en tournant les forces de la
Revolution contre la Revolution elle-même. La reunion
de 1 Assemblee nationale semblait faite pour trancher
L'hnparlial peut ne pas êlre de notre avis. Nous
acceptons volontiers la contradiction, et s'il nous dé-
monlre que nous avons eu tort, nous ne serons pas
les derniers a passer condamnation sur notre con
duite. Mais, étant donné que telle était notre opinion
sur la candidature de M. Mazeman, I'Impartial con-
viendra qu'a moins de prêeher la coalition avec le
parti clérical, nous ne pouvions que nous abstenir.
Nous nous sommes abstenus et nous avons engagé le
corps électoral a en faire autant. Oü est la malveil
lance, oü est I'hypocrisie dont nous accuse son cor
respondent Nous en fesons juge Vlrnparlial lui-
même.
Le véridique correspondent ajoute, en ricanant, que
douze électeurs seulement ont répondu a notre appel.
Qu'en sait-il? En 1864, sur 2,159 électeurs inscrits,
2,034 ont pris part au vote. Électeurs absents 425.
En 1867, le nombre des électeurs inscrits est de 2,241
Pour rester dans les inêmes proportions, le scrutin
aurait dü constater la presence de 2,111 électeurs.
Or, il n'y a eu que 2,069 bulletins deposés dans
I'urne, dont 17 bulletins blancs. Déficit net sur l'élec-
lion de 1864 59 suffrages.
Passe pour 59 dira peut-être le correspondant vé
ridique, c'est encore bien peu de chose en regard de
nos 219 voix de majorité. II est vraiMais il nous sou-
vient du temps oü la coterie n'affichait pas lant de
dédain superbe et se trouvait fort heureuse de triom
pher avec une majorité de dix ou douze voix ramas-
sées on ne sait oü, mais qui venaient fort a point pour
arranger ses petites affaires. Ce temps-la reviendra
bientót, au train dont vont les choses, et c'est préci-
sémenl poür en empêcher le retour que nous avions
engagé le corps électoral de noire arrondissement
s'affranchir, une fois pour toutes, du joug de la coterie
yproise. Le corps électoral en a jugé autrement Que
sa volonté soit faite nous avons fait noire devoir et il
ne nous reste plus qu'a souhaiter que I'avenir ne jus-
tifie point nos tristes prévisions.
Si VImpartial veut nous encroire, nous lui donne-
rons le conseil, en bon confrère, de ne pas s'engager
plus avant dans la polémique électorale de noire ar
rondissement. II n'a rien a y gaguer pour lui-même
et le moindre tort qu'il puisse faire a sa bonne renom-
mée, en ouvrant ses colonnes a des correspondances
du genre de celles qu'il vient de publier, serait d'en
porter la responsalóilité devant l'opinion publique.
Impartial a mieux a faire, d'ailleurs, que de s'eri-
ger en arbitre de noire conduite et de nos opinions.
Pour peu qu'il en ait en vie, il trouvera, sans sortir de
chez lui, ample matière a discussion, et tout d'abord,
pour lui épargner I'ennui de la recherche, nous dési-
gnerons a son attention la fameuse circulaire oü IL4s-
sociation libérale de Bruges fait un mérite au minis
tère d'avoir favorisé Ie développement des couvents
en Belgique, circulaire qui a fait pouffer de rire toute
la presse liberale el qui n'a pas peu coniribuè, croyons-
nous, a l'échec de M. Boyaval. Quand on a dans I'oeil
une pareille poutre, il est bon, il est prudent de s'eti
débarrasser d'abord, avant de chercher un brin de
paille dans I'oeil de son voisin.
On lit dans le Progrès du 16 juin
On aurait grand'peine aujourd'hui a trouver en
la question et pour imposer une trêve aux partis,
puisque cette Assemblee était l'expression même de
cette souveraineté populaire devant laquelle tous les
partis s'inolinaientmais la journée du 15 mai vint
bientêt montrer que cette democratie absolutiste ne
reconnaissait en réalité que sa propre omnipotence.
Elle reussita s'emparer de l'Hótel-de-Ville, mais elle
n'y régna qu'une heure et se vit désavouee par la
plupart de ses chefs. La dictature de la Commune de
Paris était decidément démontrée impossibleelle n'a
vait plus de raison d'être dans un temps oü la nation
possedait tant de moyens directs et indirects de faire
connaltre ses vceux et prévaloir ses volontés. Les
journées de juin, qu'une politique sage et conciliante
eüt peut-êlre prévenues, achevèrent la dófaite d'un
parti qui tirait désormais sa force des souffrances trop
reelies des classes populaires plutót que de leur adhé-
sion a des théories convaincues d'impuissance mais
elles opèrèrent a la facon de ces remèdes terribles
qui emportent le malade en même temps que la ma-
ladie On échappa a la dictature dèrnagogique, mais
ce fut pour tomber bientót après sous la dictature mi
litaire.
(La fin au prochain n").