même isolé pour juger la nouvelle création de
l'administration communalè. Un nouveau champ de
tir est créé a grands frais, il est solennellement inau-
guré depuis peu de jours. Arrive l'excursion des
gardes civiques a Wimbledon. Vous croyez sans
doute, lecteur, que c'est Ie moment ou jamais d'uti-
liser Ie nouveau local, du moins Ie bon sens vous Ie
dit. Dotrompez-vousl'autorité, comme Sganarelle,
a change tout cela. G'est a la Piaine d'Amour que
s'exercent les excursionnistes, parce que la plus pe
tite distance a Wimbledon est de 137 mètres et que
notre tir n'en a pas 100 I Ainsi, loutes les fois qu'il
s'agira d'une excursion a I'etranger, on tirera a la
Piaine d'Amour et les nouvelles cibles seront inutiles
précisèmenl au moment oü l'on en aura le plus be-
soin. Est-ce assez risible?
II paralt cependant que Ie Progrès n'est pas tout a
fait insensible au reproche de mutisme que nous lui
avons adressé. II s'en defend en nous f.iisant remar-
quer qu'il rend compte des séances du Gonseil
communal, mais qu'il s'abstient autant que possible
de discuter les questions aü moment oü elles sont
soumises a ce collége, parce qu'il a une entière con-
fiance dans cette assembiée et qu'il n'entend, en au-
cune maniere, peser sur ses decisions. G'est trop de
modestie en veritel
Nous ferons remarquer a notre tour au Progrès
que précisèmenl Ie róle de la presse cousiste a éluci-
der les questions au moment ou elles se presentent a
l'examen des corps deliberants, que c'est ainsi que
lesjournaux comprennenl leur mission parlout et
qu'a moins de prètendre que l'universalite des con-
naissances et l'infaillibilité sont l'apanage des assem-
blées, les discussions de la presse peuvent êlre très-
utiles aux autorités même les plus intelligentes et les
plus zéiées.
Que le Progrès rabatte done un peu de son «en
tière confiance et qu'au lieu de chanter des hymnes
après coup, il apporte en temps utile sa part de lu-
mière aux propositions administratives, s'il tient a
prouver que l'intérêt gènèral t'emeut plus que la va-
nite de ses patrons. II faut, pour eonvaincre ['opinion
publique, d'autres arguments que cette phrase sté-
réotypèe L'entenle du Journal d'Ypres et de
['Opinionest toute naturelle,car leur but est Ie même:
la critique de tout ce qui se fait, pour en arriver au
renversement de tout ce qui existe. Cela prouve-
rait-il par hasard que le tir a la cibleest parfait?
Le 27 janvier 1848, moins d'un mois avant la Ré-
volution qui éclata en France comme un coup de ton-
nerre, M. deTocqueville, l'illustre auteur de la Démo
cratie en Amérique, prononcait a la Chambre des
dépuiés de France, un admirable discours dans le-
quel, avec cette précision remarquable et cette süreté
de vues vraiment prophetiques qu'il devait a ses
profondes études sur la démocratie moderne, il an-
noncait les grands événeinents qui allaient s'accom-
plir. Certains passages dece discours méritent d'être
médités par tous ceux qui out a coeur le developpe-
ment sincère de nos institutions et qui entrevoient
l'avenir de la Belgique représentative au-dela das
triomphes éphémères du jour. Nous nous faisoDs
un plaisir et presque un devoir de les reproduire
ici.
Après que'ques considerations générales sur Ie
malaise qui, depuis quelques années, a envahi les
esprits en France, I'orateur continue
Gette maladie, qu'il faut guérir a tout prix. et
qui, croyez-le bieu, nous enlèvera tous, tous, enten-.
dez-vous bien, si nous n'y prenons garde, c'est lie tat
dans Sequel se trouvent I'esprit public, les mceurs
publiques. Voila ou est la maladie, c'est sur ce point
que je veux attirer votre attention. Je crois que les
mceurs publiques, I'esprit public sont dans un elat
dangereux, je crois, de plus, que le gouvernement a
contribuéet contribue de la manière la plus grave a
accroltre ce péril. Voila ce qui m'a fait monter a la
tribune.
Si je jette, messieurs, un regard attenlif sur la
classe qui gouverne, sur la classe qui a des droits
politiques, et ensuite sur cede qui est gouvernee, ce
qui se passe dans I'une et dans I'autre m'effraye et
m'inquiète. Et pour parler d'abord de ce que j'ai ap-
pele la classe qui gouverne (Remarquez que je prends
ces mots dans leur acception la plus générale je ne
parle pas seulement de la classe moyenne, mais de
tous les citoyens, dans quelque position qu'ils soient,
qui possèdent et exi-rcent des droits politiques); je
dis done que ce qui existe dans la classe qui gou
verne m'inquiète et m'effraye. Ce que j'y vois, mes
sieurs, je puis I'exprimer par un mot les mceurs
publiques s'y altèrenl, elles y sont deja profondément
altéréeselles s'y altèrent de plus en plus tous les
joursde plus en plus aux opinions, aux sentiments,
aux idees communes, suceèdentdes intéréts particu-
liers, des visées particulieres, des points de vue em-
pruntés a la vie et a l'intérêt privés.
Mon intention n'est point de forcer la Chambre
a s'appesantir, plus qu'il n'est necessaire, sur ces
tristes détailsje me bornerai a m'adresser a mes
adversaires eux-mêmes, a mes collègues de la majo-
rilé ministérielle. Je les prie de faire pour leur propre
usage une sorte de revue stalistique des colléges
èlectoraux qui les ont énvoyés dans cette Giiambre
qu'ils composent une première catégorie de ceux qui
ne votent pour eux que par suite, non pas d'opinions
politiques, mais de sentiments d'amitiè particulière et
de bon voisinage. Dans une seconde catégorie, qu'ils
mettent ceux qui votent pour eux, non pas dans un
point de vue d'intérêt public ou d'intérêt géneral,
mais dans un point de vue d'intérêt purement local.
A cette seconde catégorie, qu'ils en ajoutent enfin
une troisième composee de ceux qui votent pour eux,
pour des motifs d'intérêt purement individuels, et je
leur demande si ce qui reste est très-nombreuxje
leur demande si ceux qui votent, par un sentiment
public desintéressé, par suite d'opinions, de passions
publiques, si ceux la forment la majorité desélecleurs
qui leur ont conferé le mandat de depute; je m'assure
qu'ils decouvriront aisement le contraire. Je me per-
metirai de leur demander encore si, a leur connais-
sance, depuis cinq ans, dix ans, quinze ans, Ie nom-
bre de ceux qui votent pour eux par suite d'intérêts
persoonels ou particuliers, ne crolt pas sans cesse?
Qu'ils me disent enfin si, autour d'eux, sous leurs
yeux, il ne s'ètablit pas peu a peu, dans l'opinion
publique, une sorte de tolerance singulière pour les
faits dont je parle; si peu a peu il ne se fait pas une
sorte de morale vulgaire el basse suivant laquelle
l'homme qui possède des droits politiques se doit a
lui-même, doit ses enfanls, a sa femme, a ses pa
rents, da faire un usage personnel de ces droits dans
leur intèrêtsi cela ne s'elève pas graduellement jus-
qn'a devenir une espèce de devoir de père de familie
si cette morale nouvelle, inconnue dans les grands
temps de notre histoire, inconnue au commencement
de notre révolution, ne se developpe pas de plus en
plus, et n'eiivahit pas chaque jour les esprits. Je le
leur demande?
Or, qu'est-ce que tout cela, sinon une dégradation
successive et profonde, une dèpravation de plus en
plus compléte des mceurs publiques
El si, passant de Ia vie publique a la vieprivée,je
considère ce qui se passe; si je fais attention a tout
ce dont vous avez ètè temoins, particulièrement de
puis un an, a tous ces scandales éclatants, a tous ces
crimes, a toutes ces fautes, a tous ces delits, a tous
ces vices extraordinaires que chaque circonstance a
semblé faire apparaitre de toutes parts, que chaque
instance judiciaire révèle; si je fais attention a tout
cela, n'oi-je pas lieu d^être effravé? n'ai-je pas raison
de dire que ce ne sonl pas seulement chez nous les
mee tl Cs publiques qui s'altèrent, mais que ce sont les
mceurs privées qui se dèpravent? Dinégalions au
centre.)
Et remarquez-le, je ne dis pas ceci a un point
de vue de moraliste, je le dis a un point de vue poli
tique; savez-vous quelle est la cause générale, effi
ciënte, profonde, qui fail que les moeurs privées se
dèpravent? G'est que les moeurs publiques s'altèrent.
G'esl parce que la morale ne règne pas dans les actes
principaux de la vie, qu'elle ne descend pas dans les
moindres. C'est parce que l'intérêt a remplacè dans la
vie publique les sentiments désintéresses que l'inté
rêt fait la loi dans la vie privée.
B On a dit qu'il y avaitdeux morales une morale
politique et une morale de la vie privée. Certes, si
ce qui se passe parmi nous est tel que je le vois, ja
mais ia faussete d'une telle maxime n'a été prouvée
d'une manière plus éclatante et plus malheureuse
que de nos jours. Oui. je le crois, je crois qu'il se
passé dans nos moeurs privées quelque chose qui est
de nature a inquièter, a alarmer les bons citoyens, et
je crois que ce qui se passé dans nos moeurs privées
tient en grande partie a ce qui arrive dans nos mceurs
publiques. Dénégations au centre.)
Lorsque j'arrive a rechercher dans les différents
temps, dans les differentes époques, cheï les diffe
rents peuples, quelle etait la cause efficace qui a
amene la ruine des classes qui gouvernaient, je vois
bien tel événement, tel homine, telle cause acciden-
telle ou superficielle; mais croyez que la cause réelle,
la cause efficace qui fait perdre aux hommes le pou-
voir, c'est qu'ils sont devenus indignes de le porter.
Nouvelle sensation.)
Songez, messieurs, a l'ancienne monarchie; elle
était plus forte que vous, plus forte par son origine
elle s'appuyait mieux que vous sur d'anciens usages,
sur de vieilles moeurs, sur d'antiques croyances; elle
était plus forte que vous, et cependant elle est tombée
dans la poussière. Et pourquoi est-elle tombée
Croycz-vous que ce soit par tel accident particulier
Pensez-vous que ce soit le fait de tel homine, le defi
cit, le serment du jeu de paume, Lafayette, Mirabeau?
Non, messieurs il y a une cause plus profonde et
plus vraie, et cette cause c'est que la classe qui gou-
vernait alors etait devenue, par son indifference, par
son égoïsme, par ses vices, incapable et indigne de
gouverner. Très-bienTrès-bient)
a Je parle ici sans amertume, je vous parle, je
crois, même sans esprit de parti; j'altaque des hom
mes contre lesquels je n'ai pas de colère mais, enfin,
je suis obligé de dire a mon pays ce qui est ma con
viction profonde et arrêtée. Eh bien I ma conviction
profonde et arrêtée, c'est que les moeurs publiques
se degradent, c'est que la degradation des moeurs pu
bliques vous amènera, dans un temps court, prochain
peut-être, a des révolulions nouvelles. Est-ce done
que la vie des rois tient a des fils plus fermes et plus
difficiles a briser que celle des autres hommes est-ce
que vous avez, a l'heure oü nous sommes, ia certi
tude d'un lendemain? est-ce que vous savez ce qui
peut arriver en France d'ici a un an, a un mois, a un
jour peut-être Vous l'ignorez; mais ce que vous
savez, c'est que la tempête est l'horizon, c'est
qu'elle marche vers vous; vous laisserez-vous pré-
venir par elle? Interruption au centre.)
Les hommes que M. de Tocqueville adjurait dans
eet admirable langage, fis s'appelaient Gu zot, Duchê-
tel, Hebert, Mold, Salvandy, Montalivet. C'etaient des
doctrinaires, comme aujourd'hni MM. Frère, Rogier,
Vandenpeereboom, Tesch, de Brouck :re et Pirmez.
On sail oü les doctrinaires francais ont conduit la
France. Dieu sait oü nous mène le gouvernement des
doctrinaires beiges.
Le Progrès copiant VEcho du Parlement, a propos
du journal la Liberie qui cesse de paraitre, dit
Quand ils ont tant d'esprit, les enfants vivent
peu.
Nous nous expliqnons mainlenant pourquoi !e
burgrave yprois en est arrivé a Ia vingt-septième
année de son existence. Ghez lui la lame n'use pas
le fourreau.
I! y a unanimité pour ainsi dire dans la presse libé
rale réclamer du ministère ('inauguration d'une
politique plus vigoureuse et plus progressiste. Après
I'Indépendance, Ie Journal de Bruges, Ie Journal de
Charleroi1'Impartialetc., voici qu'ii son tour l'Or-
gane de Mons elève la voix pour engager nos amis
politiques a ue pas se dissimuler la portée de l'echec
du 11 juin et a rechercher les causes de notre defaite.
Au lieu d'allures timides et embarrassées, dit la feuille
montoise, au lieu de meltre au service de nos adver
saires des influences dont ils tirent profil avec leur
habiletè ordinaire, réclamons de nos gouvernants
une politique plus ferme, plus accentuèe, plus con-
forme aux intéréts de noire parti. La est pour
nous Ie succes.
Une autre feudle libérale, VOrgane de Namur, de
mande a que le ministère accomplisse sa mission
politique et sociale, en execatant son programme
sans faiblesse comme sans forfanterie.
Le Précurseur d'Anvers trouvequela situation exige
non-seulement de la vigueur et de Ia fermeté, mais
encore l'union des diverses nuances du libéralisme et
la représentation équitable des divers groupes de ce
parti. Et ce journal ajoute G'est une coalition,
dira-t-on oui, mais une coalition loyale, honnête,
pure de toule transaction et homogène, puisqu'elle
i) est composée exclusivement d'élèments lïberaux.
L'heure est venue de la faire et nous avons la con-
viction qu'elle se fera. v
On voit que les vieux que nous exprimions après
les èlections du 11, sont ceux de la plupart des feuilks
libèrales du pays. {Economie?)