1
JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEIENT
YPIIE8, Oimanche
Cinquième année. 43.
27 Octobre 1867.
PUIX O'ABO.ISEMEST
POUR LA BELGIQUE
8 francs par an-4 fr. 50 par semestre.
Pour l'Etranger, le port en sus.
Un Numéro 25 Centimes,
PRIX RES AilNOlCES
ET DES RECLAMES
10 Centimes It petite ligne.
Corps du Journal, 30 centimes.
Le tout payable d'avancb.
Paraissant le dimanche.
Laissez dire, laissez-vous blèmer, mais publiez voire pensée.
On s'abonne a, Ypres, au bureau du Journal, chez Félix Lambin, imp.-lib.,
rue de Oixmude, 59.
On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres
ou envois d'argent doivent étre adressés franco aw bureau du journal.
Ypres, «5 Octobre s«os.
Nous ne nous sentons nulleenvie d'ouvrir, avec
le Progrès, une nouvelle polémique au sujet de la
réforme électorale. Le journal de la coterie trouve
pour le mieux qu'il n'y ait a'électeurs, en Bel-
gique, que ceux qui votent pour lui et ses amis;
il condamne toute réforme, ri'importe laquelle,
qui pourrait troubler la douce sêcuritè dont il
jouit sous l'abri du régime actuel. C'est tout
simple.
Mais si nous reconnaissons au Progrès le droit
de se déclarer satisfait de ce qui existe et de dé-
fendre, de toutes ses forces, les priviléges auxquels
ses patrons doivent leur puissance, nous lui con-
testons celui de dénaturer les opinions de ses
adversaires et de leur prèter des vues, des inten
tions contre lesquelles ils n'ont pas cessé de pro
tester, depuis que la question de la réforme élec
torale est entrée dans les préoccupations du pays.
C'est lè, qu'il nous permette de le lui dire, un
procédé de discussion peu honnête et qui pourrait
faire douter de sa sincérité, si la sincérité du
Progrès pouvait étre douteuse pour personne.
Que le Progrès reproche aux partisans du suf
frage universel de vouloir substituer la puissance
du nombre a la souveraineté légitime de l'ir.telli-
gence, son argument n'aura que le tort de com-
battre des moulins vent, attendu qu'a part un
très-petit nombre d'adbérents sans influence dans
le pays, le suffrage universel ne rencontre chez
nous aucune sympathie. Mais lorsque, générali-
sant ce reproche, le journal doctrinaire prétend
l'appliquer indistinctement a tous ceux qui ré-
clament une large extension du droit électoral,
il prouve, ou bien qu'il est absolument étranger
aux choses dont il a la prétention de raisonner
ou bien qu'il juge lui-même sa cause trop mauvaise
pour que la bonne foi suffise a la faire triom-
pher.
Quelle est la base du régime électoral actuel
L'argent. Est électeur qui a de l'argent. Est
exclus du droit de suffrage qui n'en a pas. Or,
sans nier que l'argent ait le droit d'intervenir dans
le règlement des affaires publiques, on peut pré-
tendre, pensons-nous, sans passer pour un anar
chiste et un révolutionnaire, qu'il y a dans la so-
ciété des intéréts tout aussi respectables, tout
aussi considérables que l'argent et qu'il serait
utile, par exemple, que l'intelligence, éclairée
par l'instruction, ait son petit mot dire dans le
gouvernement du pays. Or, les partisans de
1'extension du droit de suffrage ne réclament pas
autre chose, et ceux qui s'y opposent sunt
ment les patrons du Progrès, qui nous accusent
cependant de vouloir que la parlie intelligente
et instruite de la nation ne puisse pas avoir la
moindre influence sur les destinées du pays.
Nous demandons que tout citoyen sachant lire
et écrire soit électeur. Est-ce dire qu'a nos yeux,
ces connaissances élémentaires établissent, d'une
manière certaine, que celui qui les possède réunit
toutes les conditions voulues pour faire un êlec—
teur-modèle Jamais prétention aussi absurde
n'est venue l'esprit de personne. Ces connais
sances ne sont évidemment qu'une prèsomption,
pas autre chose, une prèsomption de la même
nature et tout aussi fondée, pour le moins, que
celle que la loi actuelle tire aujourd'hui de la
possession du cens.
L'objection que nous oppose le Progrès, en ce
qui concerne la lecture et l'écriture, s'applique
également, et avec plus de force peut-être, la
possession du cens, base du système en vigueur.
Qu'on en juge plutót par le rapprochement de
l'une et de l'autre
Tout en payant fr. 42
32 c. d'impóts, disons-
nous, on peut étre in-
culte et ne pas posséder
le sentiment du devoir,
qui est la base de la
moralité. II ne serait
pas difficile de rencon-
trer des personnes très-
recommandablesqui
tout en payant fr. 42
32 c. d'impótn'a"-
raient pas la conscience
de la responsabilité, con-
séquence directe du droit
de suffrage.
Tout en sachant
lire et écrire, dit le
Progrès, on peut étre
inculte et ne pas pos-
séder le sentiment du
devoir, qui est la base
de la moralité. II ne
serait pas difficile de
rencontrer des per-
sorines trés - recom-
mandables qui, tout
en sachant lire et
écrire, n'auraient pas
la conscience de la
responsabilité, consé-
quence directe du
droit de suffrage.
Nous n'insisterons pas, car, en vérité, ce serait
peine perdue que de chercher a convertir le jour
nal doctrinaire. Un dernier mot cependant Le
Progrès affirme qu'avec Ie système que nous pré-
conisous, on trouverait, ce sont ses propres ex
pressions, un nombre formidable d'électeurs a la
discrétion de I'Eucyciique et du Syllabus,
S'il en était ainsi, s'il était vrai que, dans notre
pays, la grande majorité des citoyens sachant
lire et écrire apparlient au clergé, nous ne voyons
pas trop de quel droit le Progrès prétendrait
imposer cette majorité la loi de la miuorité.
Mais, heureusement pour Ie libéralisme, il n'en
est rieu, et quand nous réclamons pour tous les
citoyens sachant lire et,écrire le droit de prendre
part au gouvernement des affaires publiques, loin
de redouter que la liberté ait a craindre de cette
innovation, nous sommes convaincus, au contraire,
que ses intéréts s'accorderaient parfaitement avec
ceux de la justice.
Pourquoi done Ie Progrès ne veut-il pas de cette
réforme Eh, mon Dieu, nous l'avons dit le
Progrès se trouve très bien du régime actuel.
Avec ce régime, qui restreint le droit électoral
un petit nombre de privilégiés, il n'a pas grande
peine prendre pour maintenir sa position. Les
influences dont ses patrons disposent y sufBsent
pleinement. Le jour oü le nombre des électeurs
serait triplé ou quadruplé, il faudrait discuter.
Aujourd'hui, on peut se contenter d'intriguer, et
c'est infiniment plus commode et plus sur.
Une correspondance de Bruxelles, reproduite
par YOrgane de Courtrai, s'exprime comme suit
M. Vandenpeereboom est, parait-il, rentré en
gréce auprès de ses collègues du ministère. On sait
que la circulaire publiée par lui au sujet des écoles
d'adultes a été une des causes principales de cette
mésintelligence. M. Vandenpeereboom, qui tient. énor-
mément a son portefeuille, n'altend qu'une interpella
tion a la Chambre pour expliquer les motifs de sa
conduite et faire, au besoin, amende honorable. On
cherche en haul lieu le moyen de revenir sur la dé-
cision du ministère, assimilant les écoles d'adultes aux
écoles primaires; ce moyen n'est pas encore trouvé
jusqu'a présent ou pour mieux dire on ne s'y est pas
coi-nplétement arrêté.
Pour faire soriir honorablement M. A. Vanden
peereboom de l'impasse oü il s'est si étourdiment en-
gagé, on a imaginéde faire une nouvelle classification
de l'enseignement.
Nous avons aujourd'hui l'enseignement du lor, 2me
et3°degré; nous aurons a l'avenir l'enseignement
primaire, secondaire, moyen et supérieur. L'ensei
gnement secondaire sera donné dans les écoles d'a
dultes qui seront, par ce changement de classifica
tion, soustraites aux stipulations de la loi de 1842 sur
l'instruction primaire.
Cette strategie parlementaire sauvera-t-elle M. le
ministre de l'intèrieur Nous en douions. II y a mal-
heureusement a sa charge d'aulres griefs que celui
d'avoir été trop complaisant pour l'épiscopat en assi
milant les écoles d'adultes aux écoles primaires. On
lui reproche encore, et ce reproche est fort grave,
d'avoir infligé un blame a un instiluteur coupable
d'avoir refuse au curé de son village de conduire ses
élèves a la messe et d'y surveiller leur conduite. Déja,
dans la dernière session, une petition très-énergique
a été a ce propos adressée a la Chambreles vacances
parlementaires l'ont laissè dormir dans les cartons,
mais les adversaires du ministre de l'intèrieur sont
trop bien avisés pour ne pas l'en exhumer ils en fe-
ront une arme de guerre contre M. Vandenpeereboom
qui n' inspire plus qu'une con fiance très-limitée au
parti libéral.
LM—«4!