JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRES, Dimanche
Cinquième année. N° 44.
3 IVoYembre 1867,
Pllix D'ABOWMBMEMT
POUR LA BELGIQUE
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Ypres, s JSovemlire
II n'y a qu'une voix dans la Chambre et dans
le pays pour déplorer les maux engendrés par Tabus
des boissons alcooliques. A quelque parti que nous
appartenions, catholiques et libéraux, tous nous
désirons avec une égale ardeur que cet abus, dout
les conséquences pèsent si cruellement sur la mo-
ralité de nos classes ouvrières, puisse ètre arrèté
dans son développement par une répression êner-
gique et prompte.
Malheureusement, il faut bien le reconnaitre,
les remèdes proposés dans Ia dernière discussion
qui vient d'avoir lieu k la Chambre sur cette grave
et difficile question attestent plus de bonne vo-
lonté que d'expérience.
M. Liénart, par exemple, demande que i'im-
pót que les débitants de boissons acquittent ac-
tuellement soit remplacé par une surélêvation de
12 1/2 p. c. du droit d'accise. Eh bien, franche-
ment, nous croyons que Tadoption de cet amen
dement, loin de diminuer la consommation qu'il a
la prétention de restreindre, aurait un résultat
absolument contraire.
II est évident, en effet, d'une part, que la sup
pression du droit de débit entrainerait nécessaire-
mentTaugmentation du nombredes cabaretiers et,
d'autre part, qu'une surélévation de 12 p. c. de
Taccise serait sans aucune influence sur la consom-
mationdu genièvre, puisque c'est k peine s'il en ma-
jorerait le prix d'un ou de deux centimes au litre.
Frappé de Tinefficacitê de ce remède, M. Yle-
minckx en suggère un autre il voudrait que,
pour diminuer le nombre des cabarets, le droit de
débit fut considérablement élevé. Nous n'at-
tendons pas plus du rooyen de M. Yleminckx que
de celui de M. Liénart. Quand le Bsc s'avisera de
surtaxer au-dela d'un certain taux les cabaretiers,
on verra ressusciter les bouchons clandestins qui,
jadis, occasionnaient beaucoup plus de désordres
que les cabarets patentês et le plus clair résultat
de la mesure sera une diminution dans les recettes
du trèsor.
Le seul remède, selon nous, réside dans le dé
veloppement de l'instruction et de Taisance parmi
les classes ouvrières et c'est peine perdue que de
le chercher dans des combinaisons fiscales quj
n'ont abouti k rien, chaque fois que, dans d'autres
pays et même dans le nótre, elles ont été tentées.
Instruisons les classes ouvrières, développons chez
elles le sentiment de la dignité humaine, accrois-
sons leur bien-être matériel par tous les moyens
qui sont en notre pouvoir et nous aurons fait, pour
l'extirpation de l'ivrognerie, beaucoup plus que
tous les petits palliatifs que Ton imagine aujour-
d'hui dans nos Chambres.
Faut-il le dire? Nous ne croyons pas M. Lié
nart plus convaincu que nous-mèmes de l'excel-
lence de la mesure qu'il préconise. On a beau
avoir été élevé dans le giron de l'Eglise, on n'est
pas k ce point ignorant des choses de ce monde
pour croire qu'un impót de 12 p. c. frappé sur le
genièvre va en diminuer sensiblement la consom
mation. Mais faute de pouvoir atteindre les ivro-
gnes, M. Liénart espère frapper les cabaretiers,
dont l'influence électorale ne s'exerce pas précisé-
ment au profit de son parti. Le jeune député clé-
rieal entrevoit, non sans raison, que si le droit de
débit sur les boissons venait k être supprimé, une
foule de cabaretiers, dont les opinions lui sont
suspectes, perdraient lear qualité d'électeurs et
que le cléricalisme s'enrichirait d'autant. En un
mot, son amendement ne lui a été inspiré que par
des préoccupations politiques.
Quant k nous, nous ne sommes pas, on le sait,
grands admirateurs du régime électoral actuel et
nous aspirons de toutes nos forces vers une ré-
forme qui fasse k Tinteliigence une part plus large
dans Ie gouvernement du pays. Mais nous ne
voyons pas vraiment comment il serait possible
de refuser aux cabaretiers le droit de participer
au scrutin, alors qu'on Taccorde, saus difficulté, a
raison de leur patente, a tous les marchands de
n'importe quoi.
Supprimons Ie eens, proclamons que le droit de
patente n'entrera pas dans la formation du eens
électoral, soit. Mais si nous maintenons ce droit,
n'excluons du scrutin aucun de ceux qui le paient
et repoussons des exceptions que la Constitution
et Téquité refusent absolument d'admettre.
Déjè le Journal Franklin a eu a s'occuper de Ia loi
de 1842 sur l'enseignement primaire et a fait ressor-
tir les cótés défectueux de cette loi qui, en imposant
un enseignement religieux positif dans les écoles pu-
bliques, ne respecte pas suffisamment la liberté de
conscience el la séparation de l'Eglise et de l'Etat
proclamée par la Constitution.
Les auteurs de cetle loi, frappés de la grande in
fluence qiTexercent les idéés religieuses sur le coeur
de 1'homme, ont cru nécessaire d'introduire daas nos
écoles l'enseignement de la religion et ont ainsi com-
mis une étrange confusion entre Téducation el l'in
struction que seuls ils avaient mission d'organiser.
L'enseignement des dogtnes, des préceptes, des
rites d'une religion fait essentiellement partie du
culte, et l'Etat ne doit il pas tester complelement
étranger aux questions du culte?
Cela est tellement vrai et l'Etat a si bien compris
son incompetence en matière d'instruction religieuse,
que dans cette même loi de 1842, il n'a pas assuraé
la lourde charge d'organiser et de former lui-même
cet enseignement, mais il a seulement convié les mi-
nistres des cultes a venir enseigner leur religion aux
élèves.
Le prêtre, en entrant dans l'école, ne devient pas
un instituteur communal, il n'est pas un simple pro-
fesseur de religion choisi par l'Etat ou la commune
dans les rangs du clergé a cause de ses connaissances
spéciales; non, il va k l'école, envoyé par ses supé
rieurs ecelésiastiques, c'est en sa qualité de pasteur
qu'il y va prêcher, enseigner sa religion aux jeunes
enfants. En un mol, a l'école comme a l'Eglise, il est
exclusivement prêtre, il exerce son ministère sacer
dotal.
Remarquons d'ailleurs qu'il ne peut en être autre-
ment le miuistre d'un culte enseignant une religion
révélée, ne peut soumeltre son enseignement a une
surveillance laïque. C'est en vertu de son caractère
ecclésiastique et non d'une nomination émanant du
pouvoir civil, qu'il exerce une autorité spirituelle sur
ses coreligionnaires.
Dés qu'il est bien établi que donner l'instruction
religieuse fait partie des pratiques du culte, n'est-il
pas évident que cela doit se faire dans les temples,
endroits consacrés a tous les exercices religieux,
lieux de réunion des fidèles des diverses communions,
et non dans les écoles publiques oü sont rassemblés
les enfants de tons les citoyens réclamant l'euseigne-
ment scientifique
N'est-il pas convenabie, en outre, au point de vue
même de la dignité du culte, de séparer complétement
son enseignement de celui des sciences humaiues?
Ainsi posée, la question est bien claire et bien
simple a résoudre; malheureusement on est parvenu
a l'obscurcir, en jetant l'inquiétude et le soupcon dans
les consciences, et aujourd'hui bien des personnes de
très-bonne foi, et sans contester en principe les dé-
fauts de ia loi de 1842, redoutent de la voir réviser,
paree qu'elles voient dans cette révision une attaque
déguisée contre la religion.
Ces personnes se sont laissé persuader que la sup
pression de l'enseignement de la religion dans les
écoles, a pour but caché, et aura pour résultat la
destruction de toute idee religieuse dans l'esprit des
jeunes gens qui les fréquentent. Ces craintes, qui
partent d'un sentiment trés-respectable et tres-légi-
time, sont heureusement mal fondees.
Quand on réfléchit et que l'on considère les choses
avec impartialité, on doit convenir que l'enseignement
religieux pour être profitable, ne doit pas necessaire-
ment être donné a l'école, et que sa place est bien
mieux dans ['intérieur de la familie ou a l'église, au
gré des parents.
Que parmi les adversaires de la loi de 1842, il y en
ait qui soient animés de sentiments hostiles envers la
religion, et qui voient un moyen de la combattre dans
la réforme de la loi, c'est ce que nous ne nions pas;
maisil ne faut pas confondre les désirs de quelques-
uns avec le but poursuivi par tous, et surtout avec
le résultat que doit amener la revision de la loi.
La loi de t§i2.