JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
Y FIVES, l)imanche
Sixième année. 15.
12 Avril 1868
PII1X U^ItOIlEHEXT
POUR LA BELGÏQUE
8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre.
Pour l'Etranger, Ie porl en sus.
Un Numéro 25 Centimes.
PKIX l»K8 AIHOSCES
ET DES RECLAMES
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Paraissant le dimanche.
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La coalition de i§59.
Le Progrès ne laisse pas èchapper une occasion
de dénoncer a I'indignation publique ce qu'il
appelle la coalition clérico-radicale.
Duns notre numéro de dimanche dernier, nous
avons publié une lettre adressée par MM. Brun-
faut et Valcke a la Patrie de Bruges, lettre d'oü
ii résulte qu'en 1859, M. Vandenpeereboom aidé
d'un grand nombre de ses amis politiques. a en-
gagé les électeurs libéraux voter en faveur de
la candidature de M. Malou, le père de la loi des
convents.
Nous avons demandé au Progrès, si ardent
condamner les coalitions, ce qu'il pénse de la
conduite de ses patrons en celte circonstance et
si jamais coalition plus honteuse que celle-la a
mérité la rêprobation des honnètes geus.
Le Progrès ne nous a pas encore répondu. Au
risque de lui déplaire, nous insistons pour obtenir
une réponse précise et catégorique. Si, après cette
sommation ilérative, le journal doctrinaire s'ob-
stine garder le silence, ses lecteurs sauront au
juste a quoi s'en tenir sur la sincérité de ses dia
tribes contre la prétendue coalition des libéraux
indépendants et des catholiques et ils diront
comme nous que le Progrès a peur du jugement
que le corps électoral s'apprète rendre le 9 juin
prochain.
La loi de ïsti.
Nous comprenons les catholiques. Partant du
principe que l'éducation morale du peuple est
inséparable de l'enseignement religieux, ils de-
mandent que le prètre prime l'instituteur dans
l'école et que celle-ci soit placée sous la direc
tion du clergé. C'est logique.
Nous comprenons aussi les libéraux qui ré-
clament l'exclusion compléte, absolue du clergé
de l'école. Ces libéraux invoquaut la régie de la
séparation des deux pouvoirs, prétendent que
l'Elat, laïque, n'a pas plus de compétenee pour
enseigner le catéchisme que le clergé calholique
pour enseigner l'escrime ou la danse. Cette opi
nion est la nótre.
Mais ce que nous ne comprenons pas du tout,
ce sont ces doctrinaires qui vantent si haul les
bienfaits de reoseigneraent religieux et qui chi-
canent le clergé sur sa part d'intervention dans
les écoles publiques. D'une part, ils affirment,
avec les catholiques, que la religion est la base
de l'éducation populaire, que c'est un devoir pour
i'Etet de veiller ce que la religion soit enseignée
dans les écoles et, principe proclamê, nous les
voyons, d'autre part, lésiner sur les prérogatives
que le clergé revendique pour exercer convenable-
mer.t sa sainte mission. Voila ce qui nous confond,
voilé ce qui est absurde.
Yoyons, messieurs de la doctrine, un peu de
logique, si c'est possible. Yous vous souciez fort
peu de la religion pour vous mêmes, mais vous
voulez que le peuple soit religieux. La religion
enseigne la résignalion dans la souffrance, le
respect des positions établies, cela fait merveil -
leusement votre affaire; très-bien. Seulement,
pourquoi vous montrer si difficiles envers le
clergé, dont vous avez tant besoin? Pourquoi lui
témoigner tant de défiance N'est-ce pas une
insigne inconséquence, par exemple, que vous
laissiez aux communes la liberté d'admettre ou
de repousser son concours dans les écoles d'a-
dultes? Quoi, vous reconnaissez qu'il n'y a pas
d'éducation vraie pour le peuple si elle ne s'appuie
sur un enseignement dogmatique, et après avoir
proelamé ce grand principe, vous permettez aux
communes d'exclure eet enseignement dogma
tique de leurs écoles? M. Alph. Vandenpeere
boom avait, du moins, le courage de son clérica-
Ii3me il imposait toutes les communes, sous
peine de se voir refuser tout subside de l'Etat,
l'obligation de soumettre leurs écoles h ('inspec
tion ecclésiastique. C'était clérical, réactionnaire
tant qu'on voudra, mais parfaitement rationnel,
tandis que le système de M. Pirmez, son succes-
seur, n'est qu'une tartuferie libérale indigne d'un
parti qui se respecte et qui veut mériter le respect
de ses adversaires.
A messieurs du JOUESAAL 1VYPKE8.
Messieurs, nos béats confrères dans la presse
et nos vénérables frères en J. C., daignez, par
cbarité cette fois, nous jeter quelques-unes de ces
foudres que l'Eglise a mises a votre disposition
daignez tout au moins nous gratifier d'un petit
article de votre meilleure fagon, bien dévotement
méchant et pieusement incisif. Le Progrès vous
en prie, et, franchement, ce serait inhumain
vous de ne pas lui donner cette petite satisfaction.
Ge serait injustu, qui plus est car après les
roortels ennuis que vous avez causës a ses patrons,
a propos de cette désagréable affaire Bergé, vous
devez la justice distributive de le consoler un
peu et de l'égayer de la seule manière qui lui
convienne, en tapant dru sur ces maudits patrons
de 1'Opinion qu'il déteste et abhorre encore plus
que vousmêmes. Déja, il est vrai, vous avez
qualifié notre journal d'organe des Solidaires,
mais c'est peu de chose, comme vous avez pu
voir par les plaintes du Progrès. C'est que notre
crime est grand, en effet, et ne peut ètre conve-
nablement puni que par l'application de vos plus
terribles foudres, comme on applique un fer
chauffé blanc sur une morsure envenimée. Ils
étaient si heureux et si contents ces messieurs
du ProgrèsLes conférences liltéraires étaient
enfoneées et leurs adhérents confondus. Bancel,
Deschanel et Madier, ces blagueurs, comme ils
les appelaient, eux, les beaux diseurs que l'on
sait, ne devaient plus nous revenir. C'étaient des
Iibres-penseurs appuyés par YOpinion, gens de
sac et de corde qui se permettaient d'être élo
quents, de parler d'art, de civilisation et de liberté,
et parfois aussi, i) est vrai. de médire quelque
peu de ce bon M. Bonaparte, de ce glorieux
Napoléon III qui décore les uns et fait marcher
si bien les affaires des autres. lis étaient exclus
désormais de nos murs et, certes, ce n'était pas
un mince succès ni un petit triomphe. Mais ce
n'était pas tout. Les conférences litléraires étaient
remplacées par des conférences industrie)le3 et
celles ci s'étaierit acquis, de prime abord, une
grande vogue. Ou avait mis la main sur un chi-
miste distingué, sur uri savant d'un mérite incon
testable, et les gens accouraient en fouie aux
legons de ce nouveau maitre. On y voyait mème
paraitre, et religieusement écouter, des nolabilités
du parti catholique. Mieux que cela on y notait
nombre de naïfs électeurs, habilement racolés par
d'anciens adversaires des conférences subitement
convertis et comme touchés de la grdce d'en haul.
Dans ces legons, ou il s'agissait d'éclairage, la
plupart ne voyaient que du feu mais de plus
habiles y entrevoyaient autre chose. Ils y aperce-
vaient comme un moyen de prosélytisme poli
tique, comme une nouvelle machine électorale
dont on pourrait tircr un jour parti au profit de
certaines jew es candidatures qui, pour nous ser-
vir d'une expression aussi grammaticale que pit—
toresque, empruntée a messieurs du Progrès,
poignent déja l'horizon. En vue de cela, et a
litre d'essai sans doute, on donnait des banquets
auxquels on conviait jusqu'a des électeurs des
communes voisines. Et ces électeurs accouraient
s'asseoir a cólé des notabilités yproises. Et tout
marchait au mieux et M. Bergé, le savant pro-
fesseur, r e se doutait pas lui-mème qu'il n'était
qu'un instrument, un médium politique, et que
ses intéressantes legons n'étaient que I'occasion et
le prétexte de ces intimes réunions et de ces fins,
soupers. C'était un beau moment!
Le tout payable d'avanck.
Laissez dire, laissez-vous blSmer, mais publiez voire peniée.