JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENI
YPRE&, Dimanche Sixième année. N° 19. 10 Mai 1868.
Paraissant le dimanche.
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I nntlmm Wlifnal
M. Hymans, représentant de Bruxelles et ré
dacteur en chef de 1 'Echo du Parlementne sait
pas ce que c'est qu'un doctrinaire.
La vérité est que le doctrinaire est assez diffi
cile a définir, précisèment paree que n'ayant pas
de doctrines, ses opinions se modifient sans cesse
selon Ie besoin des circonstances.
Les hounêtes gens, a dit M. Dupin, mettent
leurs maximes en pratique les doctrinaires met
tent leur pratique en maximes. De ié, la difficulté
de les définir bien exactement.
Pour M. Hymans, libéral et doctrinaire ne sont
qu'une seule et mème chose, avec cette difference
seulement que le mot doctrinaire se preudrait en
mauvaise part.
La confusion est grossière et ce n'est pas après
prés de douze ans de gouvernement doctrinaire
que le pays s'y laissera prendre.
Le libéralisme, a dit dernièrement M. Frère-
Orban, a pour objet d'assurer, dans toutes les
sphères de l'activité humaine, la plus grande
somme possible de liberté individuelle.
Cette définition nous plait et nous l'aceeptons
volontiers. Mais voila que depuis tantót douze ans
les doctrinaires occupent Ie pouvoir au nom du li
béralisme et nous serions curieus de savoir dans
quelles sphères de l'activité humaine ils out
développé la liberté.
Pour ne parler que des libertés morales et po-
litiques, qui nous tiennent surtout a cceur paree
qu'elles sont la source de toutes les autres, qu'on
nous cite une liberté, une seule, qui doive un ac-
croissement quelconque au parti doctrinaire.
Serait-ce la liberté de la presse? Assurément
non. Loin d'avoir amélioré le régime de la presse,
le gouvernement doctrinaire s'est constamment
refuse 5 nous restituer la garantie du jury qu'une
jurisprudence anti-libérale nous a ravie au mépris
du teste formel de la Constitution.
Serait-ce la liberté électorale Pas davantage.
Au milieu de l'immense mouvement qui pousse
tous les gouvernements européens étendre le
droit de suffrage, la Belgique seule est restée
stationnaire, et lorsque, forcé dans ses derniers
retranchements, le ministère a du promettre de
s'occuper d'une réforme électorale, nous l'avons
vu présenter et défendre un projet évidemment
confu dans la pensée d'iDtroduire dans le corps
électoral line nuée de fonctionnaires publics.
Et la liberté de conscience, qu'ont-ils fait pour
l'affranchir, nos doctrinaires Ils maintiennent le
prètre catholique dans l'école et en excluent les
minislres des cultesdissidents; ils n'osent toucher
la formule du serment, un audacieux attentat
la conscience humaine ils tolèrent que l'Etat
prête le concours de sa force arméeaux cérémonies
du culte catholique ils reculent devantune loi qui
assure a tous la liberté de leurs croyances par la
sécularisation des sépultures.
Et ces messieurs veulent qu'oD salue en eux les
défenseurs des libertés publiques La plaisanterie
est un peu forte.
M. Hymans commence-t-il k comprendre main-
tenant qu'il pourrait bien y avoir quelque diffé-
rence entre un doctrinaire et un libéral
Nous avons demandé au Progrès de nous expli-
quer son attitude plus que suspecte vis-è-vis des
sociétés Langrand-Dumonceau.
Le Progrès garde le silence. L'opinion publique
jugera.
Pauvre Progrès! Nous venons de lui enlever
l'arme électorale sur laquelle il comptait le plus
pour anéantir ses adversaires. Le moyen, quand
on a exalté, comme il l'a fait, la haute habileté
financière de M, Langrand, d'exploiler contre les
cléricaux la ruine des valeurs du Crédit industriel
et de signaler a Ia haine des électeurs dupés des
adversaires politiques auxquels on a prêté les
mainsL'effronlerie du journal doctrinaire est
grande, nous le savons, mais après nos révélations,
nous doutons qu'elle ose aller jusque-la.
Comédie electorale.
La Discorde est au camp d'Agramante. En
présence de l'os parlementaire a ronger, les appé-
tits s'aiguisent, se menacent, grognent, grincent
des dents. Voilé des semaines que cela dure et la
chose ne finira pas de sitót si la férule du maftre
ne met a l'ordre la meute des candidats.
Les premiers en présence ont été M. Eugène
Iweins, bourgmestre de Zonnebeke et Ie chevalier
Gustave de Stuers, échevin de la ville d'Ypres, le
plaisant auteur de cette drólatique épftre qui a si
fort réjoui ses chers concitoyens. M. Eugène
Iweins était appuyé par M. le commissaire d'ar-
rondissement, du moins paraissait-il en être ainsi
de prime abord. Quant a M. le chevalier, il avait
trouvé naturellement un protecteur forcené dans
monsieur son beau-père. En bon et zélé chef de
familie, celui ci ne jurait que par l'esprit et la
sagacité de son gendre,, et plutót que de laisser
enlever la proie a sa lignée, il mena?ait de se
porter lui-même candidat.
La situation devenait difficile, la bombe allait
éclater, lorsque survint fort k propos l'hotnme de
la transaction, l'apótre de la conciliation, l'expé-
dient fait homme, la chèvre et le chou en une
seule personne, M. Alph. Vandenpeereboom
c'est tout dire en un mot, portant dans ses bras
M. Pierre Beke.
La trouvaille n'était pas mauvaise. En écartant
du même coup deux rivaux qui se jalousent et les
rendant tous deux égaux devant I'insuccès et la
chute, elle devait étendre, au mains momentané-
meot, un baume salutaire sur des déchirements
trop récents et trop vivaces encore pour n'ètre pas
dangereux.
M. Pierre Beke sera l'agneau pascal offert en
holocau3te a la paix des families il ira renforcer k
la Chambre la phalange des orateurs. Tel est le
sacrifice qu'on exige de son dêvouement.
Mais, fragilité des projets humains, au mo
ment oü après des labeurs si pénibles, des pour
parlers incessants, des démarches répétées, des
intrigues de toutes sortes, les choses étaient ar~
rangées, sinon la satisfaction de tous, du moins
avec le consentement tacite de tous et pour Ie plus
grand bien des meneurs, voiti qu'elles semblent
être remises de nouveau en question.
Soit que M. Pierre Beke refuse cette fois de
servir d'instrument, soit que sa candidature, n'étaij
elle-même qu'un paravent destiné a masquer
d'autres prestidigitations, depuis deux jours nos fai-
seurs font écrire 1 'Echo du Parlement et a leurs
autres organes que M. Carton, commissaire
d'arrondissement, sera probablement l'un des can
didats libéraux pour la prochaine élection législa-
tive Ypres.
Cela s'accorde mal avecl'appui que M. Carton
faisait semblant d'accorder, il y a quelqües se
maines, a M. Eugène Iweins. Mais peut-êUe
n'était-ce de sa part qu'un ingénieux moyen de se
faire valoir, qu'une savante combinaison d'artiste
mettant l'ombre dans un tableau M. Eugène
Iweins étant repoussoir, M. Carton devient lu-
rnière.
Quel sera en fin de compte le résullat de
toutes ces roueries ambitieuses Nous l'igmoroiis.
Une chose est certaine cependant, c'est que le choix
du candidat sera fait, non pas selon les besoins ni
les voeux de l'arrondissement, mais au mieux de
l'inlérèt des meneurs et que le corps électoral, con-
sulté au dernier moment pour sauver les appa-
rences, n'aura d'autre alternative que d'accepter
docilement le mot d'ordre. Quel dommage que
nous n'ayons pas l'insigne honneur de siéger au con-
seil de familie nous dirions
Libéralisme ct doctrlnarlsme.
Le PROGRÈS et 51. Langrand-Dumonceau.