JOURNAL D'YPRES DE L'AERONDISSEMENT
VPRES, üi manche
Sixième année. N° 25
21 Juin 1868.
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A SI. Van Slerris,
membre de la Chambre des représentant^.
J'ignore, Monsieur, si vous êtes bien satisfait
du résultat de la journée de mardi derriier. Si
vous l'êtes, il faut tout d'abord que je vous rende
cette justice que vous n'êtes pas difficile et que
vous savez, a l'occasion, vous contenter de peu.
Au point de vue ou vous vous étiez placé, Mon
sieur, \otre election devait avoir un caraclère parti
culier. Poursuivi depuis longtemps par ia calomnie,
én butte a des soupgons outrageants contre les—
quels vos protestations vèhémentes ne vous proté-
geaient pas suffisamment a votre gré, ce que vous
dèmandiez aux électeurs, ce n'était pas un rnan-
dat politique, mais une attestation publique de
votre moralité qui mtt fin pour toujours aux
attaques dont vous étiez 1'objet. Vous le disiez
vous-même ce que vous attendiez des électeurs
de l'arrondissement, c'est un verdict qui confondit
a tont jamais l'imposture de vos calomniateurs.
Dès le jour oü vous avez posé la question sur
ce terrain, VOpinion a cherché a vous faire corn-
ptendre, Monsieur, que le corps électoral n'avait
pas, en tant que juge politique, s'immiscer dans
des affaires de ce genre et qu'il pouvait y avoir
plus d'un danger pour vous l'écarter de sa mis
sion naturelle pour lui arracher des satisfactions
d'honneur dont vos accusateurs seraient toujours
en droit de contester la valeur, si son verdict vous
était favorable, et dont ils se feraient une arme
terrible contre vous, s'il trompait votre espé-
rance.
Mais vous n'avez rien voulu entendre et c'est
sur ce terrain semé de périls que l'électioo s'est
faite.
Vous avez été élu, Monsieur. Sur 1999 élec
teurs votants, 1013 vous ont délivré le certificat
de bonne vie et mceurs que vous sollici-
tiez d'eux. 1008 ont fait la sourde oreilie. A
cinq voix présle verdict se tournait contre vous.
A cinq voix prés, vos calomniateurs triomphaient
et vous étiez un homme perdu. Si vous êtes fier
d'un tel résultat, je le répète, vous n'êies pas
difficile.
Les réflexions que votre candidature a suggé-
rées a I'Opinion, je n'ai pas été seul a les faire,
Monsieur. Bien des tibéraux pensaient comme
moi que le-corps électoral a autre chose a faire,
dans un pays fibre, que de panser des plaies, et
qu'après tout la bolle du scrutin n'est pas une
bolle a onguent. Mais les frères et amis dont
vous aviez captivé les bonnes grêces par vos ma-
nières engageantes, les frères et amis, dis-je, les
ont si bien convaincus que vous étiez Poperinghe
i'homme indispensable, que,sans vous, la candida
ture de MM. Vandenpeereboom et Beke était
gravement compromise dans ce canton, ils ont
dit et affirmó cela avec un accent si persuasif, que
quelques-uns, le plus grand nombre, si vous
voulez, ont fini par céder.
J'ai déja eu l'occasion, Monsieur, de faire
toucher du doigt a ces braves gens Ie mensonge
dont les frères et amis se sont servi pour les
amener a vous donner leurs voix. II n'y a point
de honte et c'est parfois un mérite de n'ètre pas
populaire. Vous ne trouverez done pas mauvais,
Monsieur, que j'établisse de nouveau, les chiffres
en main, que le grand bruit que les frères et
amis »ont fait de votre prétendue popularité dans
le canton de Poperinghe est une pure fantasmago
rie imaginée par ces habiles pour empaumer la
crédulité des libéraux.
C'esten 1863,si vousvousensouvenezbien,Mon
sieur, que le parti Sibéral sorigea, pour la première
fois depuis 1830, a opposer une liste compléte
la liste cléricale. MM, A. Vandenpeereboom, de
Florisonne et Vandenbogaerde furent ses candi-
dats. Or, a cette élection, M. Vandenbogaerde
obtint, dans le bureau de Poperinghe, 159 suffra
ges sur 395 votants, c'est-a-dire 40 1/3 p. c. des
suffrages.
En 1864, nouvelle iutte avec les mèmes can-
didats. M. Vandenbogaerde réunit 183 voix sur
423 billets valables, c'est-é-dire 43 p. c. des voix.
Troisième lutte en 1867, cette fois entre
MM. de Yinck et Mazeman, qui oblient 225 voix
sur 463électeurs présents, c'est dire48 3/4 p.c.
Arrêlons-nous un instant ici, s'il vous plait.
Cette petite revue rétrospective nous offre un
premierenseiguement trés important, a savoir que,
depuis 1863, le libéralisme a fait des progrès con
stants dans Ie canton de Poperinghe. De 40 1/3 p.
c. que nous étions en 1863, nous nous sommes
élevés, l'aniiée suivante, a 43 p. c. pour atteindre
48 3/4 p. c. en 1867, ce qui fait bien 9 1/12 p. c.
d'augmentation en quatre années.
Si je sais compter, Monsieur, 9 1/12 p. c. en
quatre années représentent une augmentation nor
male, régulière de 2 13/48 p. c. acquise annuel-
lement au libéralisme dans le canton de Pope
ringhe.
Cela étant et puisque l'éleclion de 1867 avait
donné au caudidat libéral 48 3/4 p. c. des suffra
ges, vous voudrez bien admettre avec moi, Mon
sieur, a moins de nier les chiffres les plus solide-
mentétablis, que le libéralisme était en droit de
compter, cette année, en dehors de toute influence
personnelle particulière et par le seul effet de son
accroissement naturel, sur une majorité de 51
1/48 p. c c'est a-dire que sur les 473 électeurs
votants dans le bureau de Poperinghe, 242 appar-
tenaient nécessairement, forcément, au candidat du
libéralisme; moins pourtant que vousne préten-
diez, chose que ni vous ni le Progrès n'oserait al-
léguer, que le libéralisme marche reculons dans
le canton de Poperinghe.
Or, Monsieur, vous que l'on disait si populaire,
vous 1'homme indispensable, combien de voix
avez-vous obtenu 248, c'est é-dire six voix de
plus que u'importe quel autre candidat libéral. Six
voix, voilé votre contingent, voilé la mesure
exacte, mathématique de votre popularité. C'est
pour ces six malheureuses voix, et je défie qu'on
conteste roes calculs, c'est, dis je, pour ces six
malheureuses voix que votre candidature, votre
populaire candidature a été imposée aux libéraux
de l'arrondissement 1 Voilé ce qu'il faut que l'on
sache. Oui, il faut que ces libéraux trorapés par
les habiles de la coterie voient clair dans le piége
oü l'on a surpris leur bonne foi. II est plus que
temps que, pour l'honneur du libéralisme dans
notre arrondissement, leur responsabilité soit dé-
gagêe de la honteuse intrigue laqüelle on les a
mêlés en leur fesant accroire qu'il y allait du sort
de l'opinion libérale de vous accepter pour can
didat.
Une singulière popularité que la vótre, Mon
sieur. 4 Poperinghe mème, vos deux amis réunis-
sent plus de voix que vous M. Vandenpeereboom
en obtient 283, M. Beke 259 et vous, vous arri-
vez troisième avec 248 voix si bien qu'on en
vient se demander si, au lieu que vous leur ayez
été utiles dans votre canton, ce ne serait pas vous
peut-ètre qui avez réussi vous faire accepter
Poperinghe en vous abritant derrière leur patro
nage. Si j'ai deviné juste, recevez mon compliment,
le tour est bien joué.
Done vous voila député, Monsieur, et ce ne sera
pas un mince honneur pour la ville d'Ypres d'être
représentée la Chambre par un homme de votre
caractère et de votre mérite. Entre nous, eile n'a
vait pas l'air d'y tenir beaucoup, la ville d'Ypres.
Le Progrès lui mème est forcé d'en convenir.
Dans le bureau d'Ypres, dit-il, les votes n'ont
pas été conforines aux précédents et nous ne pou-
vons pas, avec le Journal d'Ypresadresser nos
sincères félicitations nos concitoyens.
La vérité est, pour appeler les choses par leur
nom, que le bureau d'Ypres vous a donné, le
Laissez dire, taissez-vouj bl&mer, mais publiez vótre pensie.