Décidément vous êtes un grand homme i! y a
du Cambronne en vous, Monsieur.
Le doctrinarisme et Ia coalition.
On se rappelle les sorties furibondes des jonr-
naux ministériels, I'Écho du Parlement et autres
éehos qui répètent toutes les sottises du premier,
tel, par exemple, que le Progrès d'Ypres, 5 pro
pos de la coalition Liége, h Verviers et ailleurs,
entre les libéraux dits avancés et les catholiques.
A entendre ces prétendus organes du vrai libéra
lisme, c'était l'abomination suprème et la der-
nière turpitude que cette entente de gens profes-
sant les opinions les plus contraires et appartenant
aux partis les plus opposés. La chose parut même
si inouïe, si monstrueuse, que tous les luquais de
plume ne trouvèrent plus dans leur insondable
bassesse des termes assez grossiers pour la üétrir.
Ils en demeuraient stupéfaits, ahuris, la bouche
aussi béante que leurs poches et leurs bouton-
nières.
Eh bien tous ces grands cris d'abord, et cette
stupéfaction indignée ensuite, n'étaient qu'un
truc, une comédie, une poudre pour les yeux des
lecteurs. Beaucoup le savaient bien et ne se fai-
saient faute de le dire. Mais on opposait a ceux-
15 des démentis aussi insolents que les attaques.
Des doctrinaires qui ne seraient pas réellement, et
par essence, ennemis des coalitions et des com
promis Oü done avait on vu des espèces pa-
reilles A Ypres, peut-être Mais c'était,
comme chacun sait, calomnie pure. A Bruxelles,
par hasard, et en pleine Chambre? les ministériels
faisant des appels aux députés catholiques chaque
Ibis qu'il s'était agi de faire échec aux avancés
Calomnie encore et toujours? Perfides inventions
de ces menteurs de radicaux et des brouillons de
toutes les couleurs
Or, voici que Ie ptlre en chef de tous ces sal-
timbanques de notre foire politique vient de dé-
poser le masque et de donner un démenti a tous
ces démentis la. Apparemment qu'on a cru, les
circonstances ayant changé depuis les électioos
faites, qu'il convenait de suspendre la farce, siuf
5 Ia reprendre quand les mêmes nécessités de
boutique réclameraient l'emploi et Ie débit du
même orviétan.
Done voici que dans son n° du 19 acut, et a
propos de la lutte électorale dans le Jura. YÉclio
du Parlement, reproduisant les appréciations de
son correspondent de Paris, préconise la coalition
de toutes les nuances de l'opposition comme upe
vérité élémentaire et la présente comme Ie seul
moyen de succès. On sait, du reste, que c'est 5
cette coalition que M. Grevy, le candidat démo-
crate, a dü de l'emporter de 12,000 voix sur
M. Herot, le candidat doctrinaire, l'Hymans de
l'endroit.
Mais qu'est ce 5 dire? On la coalition est une
bonne chose, permise. licite, parfois d'inévitable
nécessité o'u elle est chose mauvaise, honteuse,
jamais autorisée, toujours condamnable. II n'y a
la pas de milieu, c'est évident, car la coalition
n'est qu'un moyen.
Eh bien! ainsi n'en jugei t pas, comme on voit,
ces messieurs de la doctrine; cela est bon pour
les avancés. Eux ont une autre logique, déja an-
cienne, cel le qu'un philosophe antique a défiriie
l'art de persuader a la fois le vrai et le faux
et le faux de préférence au vrai. lis sont de cette
école et ne sauraient être d'aucune autre. Rien
n'est vrai, rien n'est faux tout est relatif et l'in-
térèt est le grand criterium. Comme Figaro le
disait en plaisantant, ils diraient eux, sur le ton
le plus convaincu pesez tout cette balance.
La coalition des opinions et des partis sera
done bonne on mauvaise suivant les temas et les
lieux, absolument comme la première chose ve
nue, melon ou paire de bottes. Vérité en de^a,
erreur au-de!a.
Bonne en France, entre les orléanistes et les
légitimistes. entre les royalistes et les républi-
cains, entre les catholiques et les libéraux, entre
les eonservateurs de l'ancie i régime et les socia-
hstes. entre les croyants et les incrédulespeu
mporte la contradiction des idéés et l'hostilité des
principes.
Mauvaise, trés mauvaise, en Belgique, entre
les libéraux dits avancés et les catholiques.
Et pourquoi, s'il vous plait? On ne le dit pas.
Mais il saute aux yeux que c'est pour la raison de
tantót a cause de l'intérêt, des intéréts, pour
mieux dire, qui sont en jeu.
En France, c'est encore le doctrinnrisme qu'il
s'agit de démoiir, doctrinarisme imperial, plus
absolu, il est vrai, mais aussi moins hypocrite que
le nótre. Or, cela ne touche guère nos politiques
a nous. Que la-bas on se débrouille comme on
peut. Le pouvoir y est fort d'ailleurs et semble 5
mème de se suffire; en médire parfois et paraitre
souhaiter sa chute ne nuit a rien au contraire,
cela donne chez nous une couleur de libéralisme
et un vernis d'indépendance trés utiles pour dissi-
muler certaines tares et voiler certaines pourri-
tures. Et quant aux torts vis-5-vis du gouverne
ment étrangercela se rachète en expulsant les
écrivains qu'il honore de sa haine et qui, le fuyant
pour demeurer libres, viennent demander a notre
sol un refuge contre la police et la prison.
Mais chez nous, en Belgique, c'est autre chose!
Ici, ce que la coalition menace c'est eux mêmes
c'est le doctrinarisme ministériel dont ils sont les
grands prêtres et les prêtres, vivant tous du même
autel et exploitant la même crédulité. Détestable,
monstrueuse,cette coalition 15, et digne de toutes
les malédictions que l'encyclique prodigne aux Ii-
bertés modernes
Et voila comment ils raisonnent, ces hommes
qui se posent comme les représentants du vrai libé
ralisme! Voila comment ils sont! Et ils voudraient
qu'on les prït au sérieux? Allons done Sur vos
tréteaux, farceurs Vous n'êtes que des politiques
pour rire, faire l ire et gagner des sous
örilre ei contre-ordre.
Le rappel des classes de 1861 et, 186Scause une
vive emotion dans tout le pays et la presse indépen-
dante est unanime dans le jugement sévére qu'elle
portc sur cette mesure généralcinent regardee emme
vexatoire qui produit, dit Ie Journal de Bruges, une
veritable perturbation dans un grand nombre de fa
milies ici c'est un fils qui doit pourvuir aux besoins
de vieux parents, lè c'est un homme marie qui n'a
que son travail pour nourrir une femme et des en-
fants en bas 5ge. Ge sont les chefs d'alelier privés de
leurs ouvriers, et ce qu'il y a de plus pénible, c'est
qu'après avoir ainsi fait Ie soldat pendant un mois ou
six semaines, les travailleurs, en rentrant chez eux,
ne retrouvent souvent plus la besogne qu'ilsontdü
forcément quitter, et que la misère, produite par le
départ du chef de la familie, se prolonge.
Un autre journal dit encore
a Gette mesure extréme du département de la
guerre cause bien des douieurs au sein de nos popu
lations laborieuses es't ce la dure nécessité de la si
tuation politique qui exige qu'on mette nos soldats de
toutes les classes a même de se servir des nouvelles
armes? II fuut dans tous les cas qu'on ait des motifs
bien graves pour adopter de semblabies mesures.
Un fait a notre connaissance personnelle vient s'a-
jouter a tous les autres. Un milicien de notie arron
dissement, rappelé précédeminent sous lesdrapeaux,
perdit sa place a Lille oü il ètait élabli, rappelé de
nouveau, de Paris cette fois, il vient d'y perdre en
core uue place tres-lucrative. Get homme est père de
sept enfants. Voila ce que vaul aux citoyens ('institu
tion des armées permanentes
II parait cependant qu'il est avec le ministère de
la guerre quelques accommodements.
Le Journal de Charleroi nous a appris que les dé
marches de M. Fiérard-Lebas, bourgmestre de Monti-
gny-sur-Sambre. en faveur des riiliciens rappelés,
ont été couronnées de succès.
Une dépêche du ministère de la guerre, qu'il a re-
cue, a autorisé les hommes mariés, des levées qui de-
vaient se rendre sous les drapeaus.a rester dans leurs
foyers.
Nous lisons, d'uu autre cóté, dans le Précurseur
Nous croyons savoir, en ce qui concerne notre
ville, que, soul' un cas exceptionnel, toutes les de-
niandes d'exeinpiion failes por les miliciens mariés
de notre circonscription, ont été favorablement ac-
cueillies. Nous sommes persuadé que les petition-
naires ont recu partout la même satisfaction.
.11 semble que non car le Journal de Bruges afïirme
que, dans cette ville, aucun milicien n'a oblenu la
même faveur.
Dans certaines communes de l'arroridissement
d'Ypres, il est arrive des autorisations de rester
dans leurs foyers pour les hommes qui n'avaient pas
encore quitté. Trop lard, hèlas la plupart etaient
partis. Geux ci seront ils renvoyés iminediatemenl et
la récente decision du département de la guerre de-
viendra t-elle génerale ou bien assisterons-nous a un
nouvel acte de scandaleux favoritisme etde révoltanle
partialité
KasSgagga,,,,
Correspondance particuliere de POPIIIOH.
Bruxelles, i Septembre.
La sil ualiondu Prince royal empire de jour en jour.
Mercredi dernier, cette situation a été un instant si
grave que l'on a cru que le malade ne passerait pas
la journée. Depuis, uno légere amelioration s'est ma-
nifestée, mais c'est une de ces améliorations sur les-
quelles il n'y a aucun espoir a fonder. Les journées
sont généralement assez bonnes. Quand le temps est
beau, une voiture a bras promène l'enfanta travers
les allées ombreuses du Pare et ces petites excursions
lui font un bien extreme. Mais, en revanche, les nuits
sont mortellement épuisantes et je tiens d'un officier
en garnison a Lacken que, dans le silence de la nuit,
on entend, de la caserne oü il loge, le pauvre enfant
tousser avec des efforts déchirants.
C'est le sentiment général a Bruxelles que la se-
maine ne s'ecoulera pas sans une catastrophe. Le Roi,
je crois vous l'avoir dit deja, connatt l'état réel du
Prince, mais la Reine i'ignore encore. Sans se dissi
mmer Ie danger, elle croit a une guérison possible et
suit avec une curiosité pleme d'angoisses toutes les
péripéties de la maladie.
O
Lesjournaux parisiens, assez désoeuvrés pour le
moment, cootinuent a se livrer a toutes sorles de
comment ai res au sujet de la nomination de M. de La-
guerronnière en qualite d'envoyé extraordinaire et de
minis!re plenipotentiary a Bruxelles. Après avoir af-
firmé que la nomination de de Laguerronnière avait
pour but de nous aniener a conclure une union doua-
nière et militaire avec la France, changeant de thêine
depuis les démentis qui leur sont venus de toutes
parts, ils prêlent a la mission du nouvel ambassadeur
on ne sait quel caractère mysterieux dont la Belgique,
a les en croire, se montrerait fort inquiète.
J'ignore a quels signes ces journaux ont reconnu
que la présence de M. de Laguerronnière nous inquié-
tail si fort. II faut croire que ces signes sont pour le
moins aussi mystérieux que la mission qu'on lui at-
tribue, car on n'apercoit ici aucune trace d'inquié-
tude. Mais ces choses-la se voient sans doute mieux
de loin que de prés... a moins pourtantque nous ne
soyons très-inquiets sans nous en douter.
Je crois bien qu'après avoir longtemps épilogué sur
cette tant mystérieuse affaire, on finira par découvrir
que si M. de i.aguerronnicre est ici, c'est tout simple-
ment paree que M. de Comuiiuge-Guitaut n'y est
plus.
Quant a une union douanière entre Ia France et Ia
Belgique, je ne puis que vous répéter qu'aucune ou
verture, directe ou indirecte, officielle ou officieuse,
ne nous a élé faile a eet égard. Ainsi que le Times le
fesait observer dernièrement avec infiniment de rai
son, la France n'a rien a gagner a une union douanière
avec la Belgique.... rien que la perspective de voir
cetle union, loute commerciale d'abord, dégénérer
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