JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
is
Sixième année. N° 52.
27 üécembre 1868.
Le tout payable d'avance.
YPRES, l)imanche
PH1X U'ABONRGMEHT
POUR LA BELGIQUE
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Un Numéro 85 Centimes
PRIX RES AIMOlCEü
ET DES RECLAMES
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ou envois d1 argent doivent etre adressés franco au bureau du journal.
Correspondance particuliere de I'OPIlilOX.
Bruxelles, 95 üécembre.
Les événemenls de Sl-Génoïs et les débats parle-
mentaires auxquels ils ont donué lieu auront eu, du
moins, ce résultat utile de ramener l'attention des
esprits sur la situation faite a la presse par la législa-
tion actuelle. II se peut, et pour ma part j'en suis con-
vaincu, que les actes d'instruction posés par les par
quets de Courtrai et de Bruges soient, de tous points,
conformes a la legislation. Mais précisément paree que
la loi les autorise, il importe d'examiner de plus pres
s'ils peuvent se concilier avec le régime de liberté que
la Constitution a voulu assurer a Ia presse.
Or, sur cette question, des doutes trés sérieux ont
surgi dans l'esprit des hommes les moins suspects
d'hostilité envers le ministère et M. Bouvier lui-même
a reconnu, dans son rapport sur la pétition des jour
nalistes catholiques, qu'il y avait, sous ce rapport,
quelque chose d faire.
Ce quelque chose a fairela presse l'attendra long-
temps encore si elle ne met pas plus d'ardeur qu'elle
n'en a témoigné jusqu'a présent dans la poursuite du
redressement de ses griefs. Car voila plus de vingi
ans que ces questions sont agitées sans avoir fait un
seul pas en avanl. Sera-t-elle plus vaillante, plus
active, cette fois? On parle vaguement, depuis quel-
ques jours, d'une reunion de journalistes dont un
grand journal de Bruxelles prendrait l'initiati ve, et qui
aurait pour but la nomination d'une commission char-
gée de formuler en lermes précis les réformes a in-
troduire dans la lègislation actuelle pour la inettre en
harmonie compléte avec le principe de la liberté de la
presse, tel que la Constitution l'avait corapris.
La Chgmbre, au moment de se séparer pour les
vacauces de Noël, a porté a son ordre du jour le pro
jet de loi sur la contrainte par corps, dont la discus
sion viendra ainsi immediatement après celle des bud
gets. 11 est positif maintenant que M. le ministre de
la Justice ne se ralliera pas aux amendements formu
lés par la section centrale et qu'il maintiendra le prin
cipe de l'abolition pure et simple consacré par son
projet.
Le système de la section centrale, it faut bien en
convenir, est assez malaisé a coinprendre. Car si,
comme quelques-uns continuent a le prétendre, la
contrainte par corps est envisagée par le commerce
comme une garantie sérieuse, encore faut il que le
créancier soit certain, au moment même du contrat,
qu'elle ne lui fera pas defaut le jour oh il voudra y
recourir. Or quelle assurance le créancier a-t-ii dans
le système de la section centrale qui laisse au juge le
soin de décider s'il y a lieu de lui accorder la con
trainte par corps ou de la lui refuser?
La descente de justice opérée dans les bureaux de
VAgricole a causé ici uue profonde sensation. Malgré
tout le discredit jeté, dans ces derniers lemps, sur les
opèrations linancières de M. Langraud-Dumonceau,
on ne croyait pas que les choses pussent jamais venir
jusqu'a provoquer l'éclat d'une poursuite criminelle.
L'émotion est trés vive, je le répète, et se traduit par
toutes sortes de rumeurs plus aöligeantes les unes
que les autres. On cite de hauls personnages trés gra-
vement compromisd'autres complétement ruinés.
Bref, a en croire les bruits qui circulent, G'est une
immense débacle qui s'annonce. Attendons.
L'attitude de M. le procureur-général de Bavay
dans l'affaire Doulton a étonné tout le monde. On
s'attendait a une virulente sortie coutre la presse et
c'est lui, au contraire, qui en a pris la defense dés le
début de son réquisitoire, en soutenant, non sans
raison, qu'elle n'était nullement en cause dans ce dé
bat. M. le substitut Laurent, qui assistait a l'au-
dience, a paru trés ému de la semonce, fort peu dissi-
mulée, que son chef a cru devoir lui donner en pu
blic.
Les bulletins publiés par le Moniteur ont pleine-
ment confirmé les renseiguements de ma dernière
lettre sur la santé du Prince royal. La situation que
je vous ai déerite alors ne s'est pas modifiee depuis,
mais il ne devient que trop évident maintenant que
les efforts de la science sont demeures impuissanls et
que le mal poursuit, sans s'arrêter, son cours fatal et
inexorable. Les medecins ne désespèrent pas absolu-
ment, mais leur confiance diminue de jour en
jour.
Mme Patti a obteuu hier un immense succès dans
Lucie. Cette jeune artiste est vraiment quelque chose
de si supérieur a toutce que nous avons entendu ici
depuis trenteans, qu'on n'est plus du tout surprisde
l'énormité de son engagement.
Yoici le texte de la pétition adressée a la
Chambre des représentants par la Ligue de l'En-
seignement sur le travail des enfauts dans les fa-
briques
A Messieurs les Président et Membres de la Chambre
des représentants.
Messieurs,
Les soussignés, tous membres de la Ligue del'En-
seignement, vous prient respectueusement de régle-
menter le travail des enfants dans l'industrie.
Vingt-cinq ans ont passé depuis que l'arrêté royal du
7 septembre 184S a institué une commission pour
preparer un projet de loi sur le travail des enfants etla
police des fabriques. Cette commission, après une mi-
nutieuse enquête, a formulé un projet de loi. Depuis
lors, tous les maux signales par elle se sont aggravés.
Dans les pays voisins, on a pris des mesures qui té-
moignent, au moins, de la sollicitude des gouverne-
ments. Chez nous, rien n'a été fait Vousnepouvez
pas, Messieurs, désapprouver que nous exprimions
librement uos impressions douloureuses, quaud nous
voyons des Elats absolus être mieux avisés que nous
devant d'aussi graves intéréts.
Les protestations ne manquent pas en faveur de
I'enseignement primaire. Nous faisons même pour lui
des dépenses croissantes. Cependant l'ignorance ne
diminue pas, ni l'ivrognerie, et la misère augmente.
Les trois quarts de nos ouvriers sont iuscrits aux
livres des indigents. Les jeunes gens arrivent a la mi-
lice plus frêles, plus déformés que jamais. L'agriout-
ture est désertée. Nos dentellières des Flandres con
tinuent a être décimées par la phthisie,et nos houil-
leurs font desgrèves inutiles. La vigueur physique va
décroissante et la rectitude du jugementne vient pas.
Les ouvriers ne sont pas aptes a comprendre les con
ditions économiques du travail. Leur inertie ou leurs
erreurs, résultats de leur ignorance, sont souvent le
plus grand obstacle aux progrès sociaux tentés pour
eux.
Nous avons cependant l'exemple de l'Angleterre.
L'industrie y a enfanté depuis longtemps le paupérisme
vers lequel nous marchons. Depuis longtemps, on a
reconnu que la manufacture moderne, avec ses ma
chines, a fait au travail des conditions nouvelles
que le travail des enfants n'est plus l'apprentissage
du metier, mais une speculation fondée sur ceque les
forces d'un enfant suffisent a certaines fonctions que
ce travail précoce entraine Ia race sur une pente de
debilitation et de démoralisation dont le paupérisme
est la suite, et l'on a vu ces fiers manufacturiers an
glais, si jaloux pourtant de leur liberté et de ['absten
tion de l'Etat.solliciter eux-mêmesdes mesures contre
les abus du market of labour, comme ils disent, oü l'on
achète a vil prix des enfants qui n'ont pas, eux, la
liberté de marchander leur intelligence, leur santé,
leur vie.
Nos manufacturiers de Gand ont agi de même. Eux
aussi ont écouté les exigences de leur probité et de
leur honneur. lis ont eu aussi la sagesse de recon-
naitre que l'industrie n'a rien a gagner a Innervation
de ia classe ouvrière. La plupart des autres ont ap-
prouvé l'initiative des fabricants de Gand. De sorte
qu'en ce moment même, la Chambre des représen
tants aurait a repousser les vceux de la majorité des
industriels intéressés si, par complaisance pour
d'autres, elle ajournait un acte urgent devant la rai
son comme devant la justice.
Le travail des enfants ne fournit pas plus de forces
a l'industrie, mais lui en enlève. Le travail prémaluré
amène la vieillesse prématurée. II résulte de documents
ofliciels, qu'en 1839, dans les fabriques de Manchester
et de Stokport, sur 22,094 ouvriers des filatures, il
y eu avail seulement 143 ayant 45 ans moins de 7
sur 1,000
Le travail des enfants fait au salaire des conditions
factices. Nos ouvriers par cent mille, vont travailler
a l'etranger. II s'en trouve plus de 45,000 dans la
seuie ville de Lille. Pourquoi s'expatrieraient-ils si ce
n'est pour un salaire élevé Grêce a nos courtes vues
habituelles, nos ouvriers, depuis vingt ans, sont allés
produire l'immense développement de l'industrie dans
le Nord de la France, comme ils ont fondé jadis l'in
dustrie de l'Angleterre.
Nous ne disons pas que la suppression du travail