JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT.
YPRES, Dimanche
Septième année. N° 3»
17 Janvier 1869,
IMtlX ll'ABOXSEMGXT
POUR LA BELGIQUE
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Un Numéro 25 Centimes
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K,e commencement de la fin.
U Association libérale de Charleroi ne semble
pus disposée a se laisser berner plus longtemps par
les promesses menteuses du ministère. Dans une
de ses dernières réunions, elle a chargé une com
mission de lui présenter un nouveau programme
des voftux du libéralisme beige et c'est ce pro
gramme, auquel les représentants de Charleroi
seraient invités se rallier sous peine de non
réélectiori ,qui va être incessamment sou mis a I'exa-
men d'une assemblée générale de l'Association.
Cette attitude énergique ne pouvait manquer
d'èveiller l'atterition du ministère. Le pays dort
d'un profond sommeilmais nos gouvernants
n'ignorent pas que le moindre bruit pourrait leré-
veiller. Aussi, la première nouvelle de la réso-
lution prise par VAssociation libérale de Charleroi,
lesjournaux rainistériels ont-ils été chargés de lui
donner sur les doigts pour l'audace grande qu'elle
a eue de faire oeuvre d'existence, sans en avoir,
au préalable, obtenu l'autorisation. L'Echo du
Parlement s'est agrêableraent moqué de ces pro-
vinciaux qui affectent de vouloir prendre la tète
du mouvement politique dans le pays et de faire
la legon aux grandes villes. Un autre est allé jus-
qu'è iusinuer que les membres de VAssociation
n'étaient, au fond, que des républicains qui n'o-
saient pas arborer franchement leur drapeau.
Nous espérons bien que nos amis de Charleroi
ne se laisseront pas arrèter par les misères qu'ori
cherche et qtt'on cherchera encore a leur susciter.
Qu'ils poursuivent leur oeuvre avec énergie et bien-
tót ils verront ceux qui les poursuivent aujourd'hui
de leurs calomnies se courber devant eux et sou-
scrire a toutes leurs exigences.
Ils reclament la réformeélectorale. Que trois ou
quatre associations du pays se réunisseot k eux
pour demander qu'elle soit inscrite dans le pro-
gramme du libéralisme, que ce programme soit
imposé aux candidats qui solliciteront leurs suffra
ges, et ces mêmes représentants qui se montrent
aujourd'hui si rebelles cette réforme y pousse-
ront de tout cceur et M. Frère Orban lui même
abdiquera son orgueilleuse résistance.
Prenons, par exempie, que l'Association d'Ypres
sollicite de ses représentants leur adhésion au prin
cipe de la réforme electorale et qu'elle leur signifio
clairement qu'en cas de refus, elle est parfaite-
ment résolue a ne pas appuyer leur réélection,
quelqu'un peut il douter que MM. Vandenpee-
reboom, Beke et Van Merris ne consentent de
grand cceur k voteT la réforme II est vrai que
cette réforme mettrait également leur réélection
en danger mais comme, en fait de danger, on
préfère toujours le pluséloigné, bien certainement
nos représentants n'hésiteraient pas a choisir celui
auquel ils seraient exposés par la réforme.
Ooi, le salut du libéralisme est peut-être en ce
moment entre les mains de l'Association libérale
de Charleroi. Qu'elle persévère dans sa résolution.
qu'elle ne se laisse arrèter ni par la menace, ni
par ia calomnie, et elle aura donné un exempie
qui sera certainement imité, et bientót, par un
grand nombre d'autres, qui n'attendent qu'un
signal pour s'arracher a leur torpeur.Des grandes
villes il n'y a plus aucune initiative a attendre
leurs Associations sont aux mains du ministère,
qui les fait manceuvrer k sa guise par l'intermé-
diaire de queiques gros personnages puissants par
leur crédit ou par leur position de fortune. Si le
libéralisme peut encore s'arracher aux étreintes
des oiseaux de proie qui I'enserrent, c'est par I'ef-
fort des associations de queiques petites villes oü
les coteries ne se sont pas emparées comme chez
nous de toutes les sources de la vitalité politique.
Que ces queiques petites villes s'unissent dans un
sentiment commun de soiidarité, qu'elles imposent
leur volonté leurs représentants, et ceux-ci, a
leur tour, feront plier le ministère, qui puise le
meilleur de sa résistance dans la lócheté des uns et
dans la vénalité des autres.
Car c'est une erreur que le ministère soit si
solidement ancré au pouvoir que ses complaisants
veulent bien le dire. Par.mi ces représentants,
parmi ces sénateurs qui se taisent, de peur d'atti—
rer sur eux la foudre des colères alyrnpiennes de
M. Frère, beaucoup aspirent en secret k une poli
tique beaucoup plus accentuée dans le sens libéral
et démocratique. et pour peu qu'ils se sentissent
appuyés, hors du Parlement, par les associations
qui les ont élus et, dans le Parlement même, par
queiques hommes courageux qui leur mettraient
du cceur au ventre, on les verrait bientót se deta
cher du ministère ou, tout au moins, dicter, au
lieu de les subir, les conditions de leur adhésion a
la politique ministérielle.
Et le cabinet ne se fait aucune illusion sur les
éléments de sa stabilité. II sait fort bien qu'au
premier germe de mécontentement qui pousserait
parmi sa majorité si soumise, c'en serait fait de
son prestige et que son pouvoir serait tout ja
mais compromis. Aussi donne t-il un soiti extréme
aux moindres incidents qui pourraient fournir
l'occasion d'un désaccord, même passager, entre
les associations et les représentants qu'elles élisent.
C'est ce qui explique également la terreur qu'il
éprouve k la seule pensée d'une coalition possible
entre les cléricaux et les libéraux progressistes.
Mais il ne sera pas besoin que ceux ci ré-
courent une telle extrémité. Leur fermeté suffira
pour avoir raison de ceux qui les ont indignement
trahis et qui, maiutenant que leur fourbe éclate a
lous les yeux, essaient encore d'en imposer par
leurs faux airs de libéralisme et leur feint amour
du progrès. Courage done nos amis de Charle
roi. Les voeux de tous les amis de la liberté sont
pour eux.
S'en va-t'-en guerre
Dimanche dernier avait lieu, au Cercle la Con
cordel'assemblée générale annuelle pour l'examen
des comptes 1868 et du budget 1869. Si, contraire-
ment a notre habitude, nous disons queiques mots
de cette réunion, ce n'est pas que nous y attachions
la moindre importance, mais seulement pour montrer
une fois de plus comment, dans les petites localités,
se rencontrent partout et toujours les mêmes hommes
avec les memes prétentions, les mêmes travers, les
mêmes ridicules. Nos lecteurs ne sauraient d'aiileurs
nous en vouloir d'esquisser bien imparfaitement il est
vrai, une séance qui a tant fait rire les assistants.
Cette séance a peine ouverte, on entendit un grand
bruit. Un homme s'avance dans la foule, la demarche
fiére, Ie pas provocateur comme quelqu'un qui aurait
pour la première fois des éperons a ses bottes, le re-
gard enflammè, le teint illuminé... par le courage, le
poing crispé, prêt a s'élancer sur des tnoulins vent.
D'une voix chevrotante il prend la parole et bre-
douille queiques mots dans une langue inintelligible.
On reconnait Mt,e Jacques Carpentier.
Ancien avocat, ancien coriseiller provincial, an
cien tnembre de la députation permanente, Mtro Jac
ques Carpentier tient enfin son béton de maréchal
sous la forme d'une toque de juge de paix. Ce n'est
pourtant pas un homme ordinaire. Dans ses diffe-
rentes carrières il a eu le talent de se faire une re-
nomrriée, une célébrité même que peu de personnes
voudront lui disputer. L'étude du droit et la pratique
des hommes l'amène aujourd'hui a proclamer eet
axióme que celui qui est accusé n'a pas le droit de
se défendre. Singulière thèse dans la bouche d'un
magistral, mais qui prouve victorieusement, par la
facon dont M,r* Carpentier s'apprêtait a la mettre en
pratique séance tenante, la confiance sans bornes
que lui inspire sa propre éloquence. Hélas! il avait
compté sans le bon sens de l'assemblée. Tous ses
beaux projets s'en allèrent bien vite a vau-l'eausa
proposition, comme il l'appelait, avait fait en un clin-
d'ceil un fiasco complet Pas un de ses parents ou de
ses amis présents n'osa l'appuyer. II n'y eut pas jus-
qu'a M. Ie commissaire d'arrondissement lui-méme,
l'un des plus intimes parmi les intimes, qui ne lui in-
fligeèt, par la lecture d'un article du règlement, un
désaveu d'autant plus sanglant qu'il était moins
prevu. N'est il pas naturel d'aiileurs qu'après avoir
fait des brioches on rencontre un four? M. Carpentier