I'ne benediction bïen piacée.
Qui a dit que Ie clergé était ingrat? Voici bien une
preuve du contraire.
Cétait lundi dernier. M. i'évêque se rendait pro-
cessionnellemenl a l'église S. Martin pour la confirma
tion. Arrivé devant la demeurede M. Alph. Vanden-
peereboom, Monseigneur l'Evêque apercevant Son
Excellence 1'ex-ministre a la fenêtre, s'arrêta et lui
envoya sa bénédiction la plus large et la plus solen-
nelle. Nous ne savons si M. Alph. Vandenpeereboom
s'est signé. Mais que de réflexions ont dCi se présenter
en ce moment a l'esprit de ces deux personnages
L'évêque se sera souvenu de tout ce que Ie ministre
au pouvoir a fait pour la domination du clergé catho-
lique et Ie ministre en rentrant au fond de sa con
science, fier ou huruilié de ('attention épiscopale, a dü
se dire Je l'ai bien nqérité.
Oui, oui, M. Ie ministre, l'Eglise reconnait toujours
les siens.
In vino Veritas.
be banquet offert par M. Alph. Vandenpeereboom
A M. de Sorlus et a quelques officiers de la garde ci-
vique a étè trés froid, nous dit-on, jusqu'au moment
du dessert oü I'on a vu deux epaulettes se lever. C'é-
M. le colonel de Sorlus buvant a son amphytrion.
Voici son toast
Je bois au grand ministre d'Elat!!
A l'homme des lulles homériques!
A l'infatigable pourfendeur des Malou, des Chop-
pinet et des lgnace de toutecouleur
Au protecteur éclairé des instituteurs primaires!
A I'ardent champion des principes libéraux de la
loi de 18421
Au père-créateur des écoles d'adultes
d A l'irréconciliable et farouche adversaire des tri-
potages politiquesl
A l'ennemi des priviléges!
Au grand homme qui, sur les bancs du pouvoir,
a fait passer dans la législation cette réforme postale,
rêve de son existence entière, le port uniforme a dix
centimes!
On ne dit pas ce que M. Alph. Vandenpeereboom a
répondu, ni s'il a étè flattè du compliment. Mais, au
sortir, chacun se disait, se tenant les cótes In vino
Veritas.
Avait-il bu aussi ce monsieur qui s'est permis a Ia
revue, dimanche passé, de donner un coup de poing
a un garde II paralt qu'il est des gens qui ne se re-
connaissent plus quand ils tratnent un sabre et qu'ils
arborent leur panache.
La deplorable manie des corrections manuelles a
existé longtemps dans notre armee. Les efforts des
chefs c'est une justice a leur rendre ont fini par
triompher de eet abus qui u'est plus guère pratiqué
aujourd'hui que par d'incorrigibles grognards. V u-
drait-on le ressusciter pour ia garde civique et con-
duire des ciloyens beiges avec le knout comme des
cosaques
Nous prévenons ceux qui auraient cette velléilé
qu'ils jouent un jeu dangereux.
II ne se rencontrera pas dans toute la garde un
homme assez oublieux de sa dignité pour se laisser
frapper impunément et nous esperons bien que les
chefs eux-mêmes interviendront énergiquement pour
empécher le renouvellement d'un acte odieux qui a
fait naitre une profonde indignation chez tous ceux
qui en ont été témoins.
Décidément la garde civique sera représentée a la
procession du Tuyndag. C'est une habitude qui tend
a s incruster dans nos mceurs. Les processions sonl
aussi necessaires a certaines gens pour vivreque l'eau
aux poissons. Done, une deputation de ces bienheu-
reux s est rendue chez le major commandant de la
garde pour lui demander I'aulorisation nécessaire lis
en sont revenus enchantés de leur pèlerinage. Non-
seulement ils ont obtenu I'autorisation, mais M. le
major leur aurait dit entre autres chosesi raconlent-
ils, que celte manifestation lui cause le plus vif
plaisir, qu'elle rèpond complètement a tops ses senti
ments personnels et que, si la chose ne dépendait que
de lui, il voudrait voir figurer la garde civique tout
entière dans toutes les processions!
11 est impossible que celui qui a refusê de prendre
part aux cérémonies de reception de l'évêque de
Bruges dans nos rnurs el qui a expliqutj sa conduite
dans une lettre des plus nettes et des plus éner-
giques adressée a la Patrie de Bruges et au Propaga-
teur,se déjuge ainsi a peu d'années d'intervalle. Aussi
ne voulons-nous voir, jusqu'a preuve contraire, dans
les paroles attributes au chef de la garde, qu'une ma
chination perfide des cléricaux. Nous serons charmé
si notre récit auquel, nous Ie répétons, nous n'atta-
chons aucuue crèance, fournit 1'occasiou de démentir
les bruits qui circulent.
Correspondence particuliere de 1'OPl.lilOV
Bruxelles, 25 Juillet.
La convention franco-beige continue a défrayer la
polémique des journaux, mais Ia curiosite publique,
blasée sur cet incident, ne s'en préoccupe guère et je
m'étonnerais fort s'il en était encore question dans
huit jours.
Jamais montagne en travail n'accoucha d'urie aussi
petite souris. Vous rappelez-vous ce quel'on disait, il
y a cinq mois, de l'incident franco-beige II s'agissait,
pour la Belgique, de faire amende honorable devant
le gouvernement francaisetde retracter une loi qu'elle
avait établie dans la pleine liberté de son droit. II s'a
gissait de faire cela a l'instant, ou bien nous devions
nousattendre, d'un moment a l'autre, a la dénoncia-
tion de notre traité de commerce avec la France, et
peut-être même a une déclaration de guerre.
Ces craintes étaient-elles absolument dénuées de
fondement C'est ce que je suis loin de prétendre. II
est certain quel'originedu dilférend doit êtrecherchée
dans la prélention élevée par le gouvernement fran
cais de contraindre le cabinet beige a ratifier la ces
sion du Grand-Luxembourg a l'Est francais ce qui
n'est pas moins avéré, c'est que, pour obtenir cette
ratification, le gouvernement francais a longtemps
agité la dénonciation du traité comme une menaceau-
dessus de notre têle, mais du jour oü le protocole du
27 avril est venu réduire le dilférend a une simple
question de transit, toute crainte sérieuse a disparu
et chacun a comprisqueles négociations se trouvaient
dorénavant placées sur un terrain oü il était difficile
de ne pas arriver a une commune entente. Aussi la
nouvelle de la conclusion de la convention, bien qu'ac-
cueillie avec plaisir, n'a-t-elle produit que peudesen
sation. La presse discute aujourd'hui les termes de
cette convention. C'est une question de plus ou de
moins dans laquelle je ne veux pas m'aventurer
mais je serais fort trompé si, après les craintes que
nous avons eues pendant deux mois, l'opinion publi
que se monlrait trés rigoureuse a l'égard des conces
sions, trés insignifiantes en somma, que nous avons
faites au gouvernement francais.
II n'est plus du tout question, cela va sans dire, ni
de changement de cabinet ni de dissolution du Sénat.
Ces deux questions sont ajournées jusqu'a la session
prochaine, oü il faudra pourlant qu'elles recoivenl
une solution, moins que, chose difficile a supposer,
MM. Frère etBara ne renoncent définitivementa faire
voter ('abolition de la conlrainte par corps.
On assure que, dés l'ouverture de la session, le
ministère sollicitera du Sénat un vote de confiance
tt que si ce vote lui est hostile, la dissolution du
Sénat sera immédiatement prononcée. Mais j'avoue
que je ne vois la aucune solution de la difficulté. La
majorité du Sénat ne refusera certainement pas au
ministère le vote de confiance que celui-ci pourrait
lui demander. Sur les questions politiquesproprement
dites, elle marche parfaitemeut d'accord avec Iui.
Sa resistance ne se manifeste que sur certaines ques
tions d'un ordre tout different, trés importantes sans
doute, mais qui ne sont pas de celles sur lesquelles
les ministères parlementaires ont l'habitude de jouer
leur existence.
Or, Ie Senat donnant au ministère le vote de con
fiance que celui-ci réclame, la difficulté, je le répète,
n'est nullement résolue. Que, le lendemain de ce vote,'
Ie ministère propose a cette assemblée 1'abrogation
de Particle 1781 du Code civil ou l'abolition de lacon-
traiule par corps, I'ancienne majorité se reformera im
médiatement contre lui et refusera tout accommo-
dement. Dés lors, a quoi bon solliciter un vote de
confiance, si cette confiance n'est accordée an cabi
net qu'a la condition de n'entreprendre aucune
réforme et de ne donner aucuue satisfaction a l'opi
nion libérale
Patrie fait de trés maigres recettes au théatrede la
Moncaie. En revanche Mile Suzanne Lagier obtient
chaquesoir, au Waux-IIall, un succèsd'enthousiasme.
Je mets de cóté le talent de l'exécutantemais enfin,
que faut-il penser d'unesociété oü depareilles ordures
(le mot n'est pas trop fort, je vous jure) sontapplau-
dies avec fureur Passe encore, car j'ai horreur de Ia
bégueulerie, s'il n'y avait la que des hommes el des
catins, mais non. Vous y rencontrerez toutes nos
belles dames de la haute bourgeoisie et, chose péni-
ble a dire, vous les y rencontrerez avec leurs filles,
non inoins a vides que leurs vertueuses mères de ces
ignobles chansons quisemblent faites pour des lupa-
nars.
Le directeur, du Waux-Hall comprend ses intéréts
a sa facon. II a trouvé une veine et il l'exploite, c'est
son affaire. Mais celte veine n'aura qu'un temps et,
le jour de la reaction venu, e'en sera fait pour long
temps des concertsdu Waux-Hall, j'en suisconvaincu.
Le four de Patrie en est un autre, beaucoup plus
sensible, pour notre administration communale, qui
a alloué dix-huit mille francs A M. Raphael Félix pour
venir la représentera Bruxelles. Mais ces dix huit mille
francs sont loin de couvrir les frais, et le directeur
qui perd déja beaucoup d'argent, fait mine de vou-
l°ir plier bagage, donnant pour raison que s'il s'est
engagéa donner trente representations, c'est sur l'as-
surance de l'administration communale, que la foule
assiégerait, chaque soir, les portes de son théêtre. Je
ne vous ai pas pris en traitre, dit-il a nos édiles con-
sternésVous avez vu Patrie a Paris deux ou
trois fois. Vous deviez connaitre assez le goüt des
Bruxellois pour jugerdu succèsque mapièce pouvait
avoir chez vous. Vous vous êtes trompés et votre
erreur m'a causé un préjudice énorme. Soit, je vous
pardonne, mais laissez-moi m'en aller tout de suite.
L'administration communale, vouscomprenez bien
ne demanderait pas mieux que de donner congé a
M. Raphaël Félix mais celui-ci exige, a titre d'in-
demnité, le paiement intégral du subside, ce a quoi
ils n oseiit pasconsentir. II ne manquerait vraiment
plus, pour achever le ridicule de cette affaire, que de
la voir se terminer par un proces.
II n'est bruit dans Bruxelles que de l'incident qui
s'est produit hier a l'occasion du Te Deum. Cet inci
dent est raconté de diverses facons, mais la version
donnée par YEtoile est cel Ie qui, d'après mes rensei-
gnements personnels, mérite le plus de confiance.
Les voilures conduisant les membres de la Cour de
cassation descendaient le Treurenberg.dit ce journal,
Iprsqu'arriva, par la rue Royale, la voiture du nonce
du Pape. Le cocher voulut franchir l'escorte et le ser-
gènt qui la commandait s'y étant opposé, recut plu-
sieurs coups de fouet qui l'obligèrent a lêcher prise
aux chevaux. Je n'ai pas besoin de vous dire l'irrita-
tion que cet incident a causé dans l'armée et je ne
conseillerais pas au cocher du nonce de trop se fier a
l'inviolabilité diplomatique qui couvreson inexcusable
violence pour se hasarder dans nos rues. On m'as-
sure, du reste, que le nonce s'est empressé de faire
parvenir au ministre de la guerre l'expression deses
regrets personnels, mais j'ignore s'il a renvoyé son
cocher.
Au moment de clore ma correspondance, j'apprends
qu'a ['occasion de la convention franco-beige, Ie Rui
a adressé a M. Frère-Orban une lettre de felicitations
et e remerciements.
Bibliographic.
Nos Flamands, par Camille I.emonnier. Un vo
lume in-8*, chez Rozez, a Bruxelles chez Dentu,
a Paris.
Les vices de notre époque ne sont plus un mystère
pour personne le décolleté dans les modes et dans
les moeurs de nos femmes; la facilité et Ie relêche-
ment de nos amoursla jeunesse ardente et géné-
reuse dégénérée en petits-crevés, en lions, bichons,
gandins, etc., chez qui, dés la jeunesse, le vice cal-
culé remplace l'amourla vénalité des consciences et
l'indifférence politique, sont autant de plaies qui al-
tèrent noire génération. Personne, jamais, n'a
mieux dépeint, ni avec des couleurs plus vives, ces
maladies qui, gagoant toutes les classes de la société,
abatardissent en nous ce vieux sang fiamand que