JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENI
YPiVES, Hi manche
Huitième année. 6.
6 Février 1870.
Un Numb
Paraissant le dimanche.
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Réforme de la procédure.
En attendant la réformede l'instruction criminelle,
on nous donne la réforme de la procédure civile. La
commission chargée de preparer la revision du Code
de 1806 a lerminé la première partiedè sa tAche. Elle
a soumis a un vigoureux nettoyage la procédure con-
tentieuse proprement dite, et son rapporteur, M. Al
béric Allard, expose dansuu volumineux memoire les
considérationsqui l'ontdèterminéêa fröttersans merci
ui respect la vènèrable poussière de la legislation im
périale, afin de donner a la procédure plus de netletê
danslesarliculations, plusde rapiditè clans les mouve-
ments, afin de la rendreplus simple et moinsonéreuse.
Ancien avocal du barreau de Bruxelles, professeur
agregé a l'Université libre, auteur d'une thèse remar>
quablesurlesenfants naturels, ancienjugea Verviers,
lauréal de l'lnstitut de France qui a couronnè son his-
toire de la justice répressLve, aujourd'hui professeur
de droit civil a l'Université de Gand, et Run des colla
borateurs les plusactifs de la Belgiquejudiciairequ'il
bourre de tariines de jurisprudence d une dimension
colossale, M. Albéric Allard est né natif de Tournai.
Peut-être cette parlicularité ne lui a-t-elle pas été
inutile, carchacunsaitque depuis lemoisdeNovembre
J865 nous sommes dans ce que la postérité appellera
un jour l'öre tournaisienne. Nous avons connu l'ère
liégeoise, et il faut croire qu'il n'y a plus ni liégeois
ni tournaisiens a caser, car l'ère liégeoise est close,
l'ère tournaisienne tire a sa fin, et deja s'ouvre une
nouvelle période a laqueile l'histoire donnera le nom
de Jamaraderie.
Mais en ce qui eoncerne M. Albéric Allard, il n'v a
pas lieu de se plaindre de l'influence du clocher,
nous alliens dire deschoncqclothiers sur les nomi
nations ministerielles car le professeur de Gand est
un homme d'un rare savoir,d'un incontestable mérite
et peut-être le jurisconsulte le plus distingué que nous
ayons pour le moment en Belgique d'autaul plus
distingué qu'il s'éloigne davantage de l'école étroites
des juristes pédants et formalistes, et qu'il se fait du
droit non passeulement une idéé d'annotaleur A'lns-
titutes et de compilateur de coutumes, mais avanttout
une idee de philosophe épris de la justice dans son
sens le plus large, une idéé sociale, humaine et vrai-
Went libérale.
Son rapport se laisse lire comme un pamphlet. La
science profonde du jurisconsulte est la au service de
convictions passionnées et éclairées par des raédita-
tions supérieures aux études de texte. Encore une
fois ce n'est pas l'homme du Code qui parle, c'est
l'homme du droit, ce qui est tout différent.
11 faut voir avec quelle franchise il émet son opi
nion sur la législation qu'il a été appelé réformer.
Ecoutons ce qu'il dit du Code de procédure de 1806,
simpledécalque de l'ordonnance de 1667
a Etait-ce bien la peine de réunir une commission
composée de savants magistrats, de faire distribuer son
projet aux courset tribunaux, de le faire solennelle-
ment discuter par le conseil d'Etat. el de le produire
enfin comma complément du Code civil, alors qie, de
I'aveu de ses auteurs, ce projet n'était autre chose
qu'une nouvelle édition de l'ordonnance? Est-cedans
un pareil document, si juslementcondamnéauXVIll"
siècle, esl-ce dans les souvenirs dn droit canon que
la France régénérée pouvait trouver un système de
procedure approprié asesvoeux el a sesbesoins? Non,
sans dunte. Laissez la les élucubrations insensées de
la Convention nationale, il fallait en revenir aux
saines idéés de la Revolution franeaise. II fallait s'in-
spirer de la loi sur les justices de paix, la prendre
pour type de la procédure, et en lirer les consequences
fécondes que l'iliustre Thouret avait déposées dans
ses dispositions aussi simples que logiques.
Au lieu d'en agir ainsi, les législateurs de 1806
ont réagi contre toute innovation ils ont confondu
dans leur esprit les deux phases de la révolution, et
se sont livrés a l'avidité du fisc et des praticiens.
Après avoir copié (au livre Ier du Code) cette loi du
26 octobee 1790 qui désormais devait être la charte
des juges de paix, ils ne se sont plus préocoupés de
ses principes, de sorle que le Code de 1806 présente
eet étrange phénomène de deux législations juxtapo-
sées, mais sans liaison entre elles, appartenant a
des époques différentes, rédigées dans un esprit
diamètralement opposé. Le Code spécial de la justice
de paix (livre 1") est parfait; le Code ordinaire des
tribunaux (tit. I-XXlil du 2" livre) est detestable.
Détestable Le mot y est. 11 est roide. Que nous
voila bien loin du style ordinaire des exposés des
motifs, des rapports parlementaires, et des éerits ju-
ridiques. Et ce dilemme en faveur de la généralisa-
tion de la procédure sommaire qui est Ie lype et la
base du projet de réforme soumis aux Chambres
Ou la'proeédure sommaire est défectueuse, peu
rassurante pour la manifestation du droit, et dés lors,
pourqnoi ne pas la rejeter absolument Ou elleoffre
desuffisantes garanties a la justice, et potirquoine pas
l'étendre, en ce cas, a toutes les affaires?
La commission de révision propose la suppression
des avoués, et, i'honorable rapporteur a été, croyons-
nous,i'un desprincipaux promoteurs de cette réforme
trés discutée dans l'enceinle des tribunaux, non-seu-
lemenl par les intéressés, mais par les magistrats et
par les avocats eux-mêmes. L'ère tournaisienne, il faut
l'avouer, a cela de bon qu'elle a donné le signal d'une
campagne en régie contre les parasitismes sociaux,
contre les offices privilégiés qui s'accrochent au flanc
du conlribuable comme autant d'acarus.
Nous avons vu tomber le monopole des agents de
change, et personné ne sVn est plaint, pas niême,
rendons-leur cette justice, les victimes de cette des
titution. Nous venons de voir la Chambre porter un
coup funeste aux privileges des huissiers en réduisant
le taux des protêts et en deposant dans la législation
le germe de la suppression compléte du protêt. Nous
avons entendu M. le ministre de la justice déclarer
que l'avenir appartient a l'abolition du privilége des
notaires et la liberté du notariat. Peut-être faudra-
t-il encore quelque temps avant que eet avenir se
realise. L'honorable ministre a nommè trop de no
taires dans sa clientèle pour qu'il se décide brusque-
ment a leur ravir leur privilége, et a ouvrir A leur
industrie le champ de la libre concurrence. Mais
1 idee est dans i'air, et un beau jour elle prendra ra-
cine dans le sol. Voici maintenant la suppression des
avoués.
On sait a quelle circonstance les officiers ministé-
riels doivent Ie mainlien de leur office. Si Cambacérès
n avait pas été procureur, les avoués n'existeraient
plus depuis quelque soixante ans. Mais l'archi-chan-
celier, en souvenir de ses anciennes fonctions, ne vou-
|ut pas permettre qu'elles fussent considérées comme
inutiles. Pour donner satisfaction a ('opinion publique,
on tua le procureur, que la verve de plus d'un poëte
comique avait ridiculisé. Pour satisfaire Cambacérès
et ses confrères, on créa les avoués. Bonnet blanc et
blanc bonnet. C'est l'eternelle recette des pouvoirs
qui se donnentdes airs réformateurs sans rien réfor
mer. Plus de conscription, plus de droits réunis,
sécriaient quelques années après, les Bourbons res-
taurés et supprimant la conscription ils inventaient
la milice et remplacaient les droits réunis par les con
tributions indirectes.
M. Albéric Allard et la commission dont il est le
rapporteur ont le inérite de supprimer les avoués
pour de bon, en simplifiant la procédure de manièrea
démonirer la superfluité de leur intervention. Les
avoués feront sans doute un joli tapage. Ils trouveront
des avocats, mais ce ne sera point parmi les justi-
ciables, et nous espérons que la législature ne s'in-
quièlera pas trop de leurs reclamations.
Le CoueSIe eecuménique.
Je n'ai jamais vu un concile qui ait pris une
bonne fin et qui, au lieu de guérir les maux ne les
eüt augmentés.
Vous vous imaginez peut être que ces lignes ont
été ècrites par une plume voltairienne. Erreur. C'est
un saint père de l'Eglise, Grégoire de Nasianze, qui a
écrit ces paroles sévères propos du 1er concile de
Constantinople.
Et ne eroyez pas qu'è partir de celui-la les choses
se soient mieüx passées. Voici un autre bon catho-
lique, s'il en fut, Fra Paolo Sarpi, qui écrivait au su
jet de la 17m* séance du concile de Trente qu'on y
avail condamné tant de livres qu'un calholique de
vait trembler devant un livre Le saint Esprit, di-
sait-il, impose une ignorance universelle.
Le concile oecuménique de l'an de grAce 1870 ne
s'annonce pas sous d'autres auspices. Aujour
d'hui comme en 1545, c'est l'ignorance qni triom-
phera.
Le premier mois de cette année conciliaire touche
sa fin, et jusqu'a présent, l'assemblé convo-
quée au Vatican n'a pu se livrer qu'a des Iravaux
de critique. Au lieu de construire d'après un plan
tracé d'avance, elles'est va dans la nécessité de dé-
molir les travaux préparatoires soumis a son examen.
Nous allons cepeudant bientót voir le concile aux