JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YtHVES, Diuianche
Huitième année. IV0 15.
lOATril 1870.
Paraissant le dimanche.
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Xpres, 9 Avril isso.
Le Progrès aime les positions nettes. 11 le
dit dn moins et si étrange que puisse paraitre une
telle déclaration dans sa bouche, nous ne lui fe-
rons pas I'injurc d'en suspecter la parfaite sincé-
rité.
Mais Ie compère ne voudra pas, nous l'espé-
rons bien, s'en tenir une profession de franchise
purement idéale. Après avoir proclamé si hant
son amour des positions nettes, il va s'em-
presser sans doute de nettoyer la sienne, qui n'est
pas précisément bien claire, au dire de beaucoup
de gens a qui ses airs de saint sacrement n'en
imposent plus.
En attendant, Ie compère se félicite de l'échec
des progressistes l'Association libérale de
li ruxeiles et pousse de toutes ses forces a une
scission. Sur ce dernier point, nous sommes entiè-
rement de sou avis. Après l'injure qui leur a été
faite, les progressistes de Bruxelles abdiqueraient
toute dignité et comprometlraient gravement les
intéréts de leur parti s'ils consentaient rester
plus longtemps dans une association ouvertement
hostile toute idéé de progrès et deux fois con-
damnée par le verdict électoral.
Ce que nous tenons a faire remarquer au com
père du Progrès, c'est que, tandis qu'il prêche
hiiutement la scission, des hommes influents du
parti libéral, MM. Van Humbeek, Albert Picard
et Orts entr'autres, s'effoicent de retenir dans
l'Association ces abominables progressistes dont il
La Ti'ibiine.
(Suite et fin. Voir noire avant dernier n°.)
Cette tribune, c'ètaitla terreur de loutes les tyran
nies et de lous les fanatismes c'ètait l'espoir de tout
ce qui est opprimé sous le ciel. Quiconque mettait le
pied sur ce sommet sentait distinctement les pulsa
tions du grand coeur de l'hutnanité. La, pourvu qu'il
füt un homrae de bonne volonté, son Sme grandissait
en lui et rayonnait au dehors; quelque chose d'uni-
versel s'emparaitde lui etemplissait son espritcomme
le souffle emplit la voile; tant qu'il était sur ces qualre
planches, il était plus fort et meilleur; il se sentait,
dans eette minule sacrée, vivre de la vie collective
des nations; il lui venaitdes paroles bonnes pourtous
les hommes; il apercevait au-dela de l'Assemblée
groupee a ses pieds et souvent pleine de tumulte, le
peuple attentif, serieux, l'oreille tendue et le doigt sur
la bouche, et au-dela du peuple le genre humain pensif,
assis en cercle et écoulant.
Telle était cette grande tribune du haut de laquelle
un homme parlait au monde.
De cette tribune, sans cesse en vibration, par-
taient perpéluelleraent des sortes d'ondes sonores,
dit pis que pendre et se montrent disposés leur
faire des concessions trés- imporlantes.
Ah 1 ce n'est pas les fières et amis d'Ypres
qui agiraient de la sorte! lis aiment les posi
tions nettes, ces messieurs. Ou est avec eux ou
contre eux. Ils ne connaissent que la rigueur des
principes. II leur est arrivé quelquefois, a la vó-
rité, de transiger avec le parti catholique quand il
le fallait bien pour ne pas risquer de tout perdre,
mais quant a céder quoi que ce soit aux pro
gressistes, jamais! Plutót la mort!
Puisque le Progrès aime si fort les positions
nettes, il voudra bien nous rendre cette justice
que, de noire cóté, nous n'avons mis aucune am-
biguité dans celle que nous avons prise vis-è - vis de
lui du jour oü, par son vote sur la question du
règlement, l'Association d'Ypres a manifesté sa
volonté de persévérer dans les errements qu'elle
avait précédemment suivis. Dece jour, nous avons
juré de ne laisser ni repos ni trève a un parti que
nous ne pouvions plus considérer que comme une
coterie de repus d'un cóté, d'affimês de l'autre,
et le Progrès peut dire si nous avons tenu pro
messe.
Fidéle a d'anciennes habitudes, le compère
éprouve le besoin de calomnier un peu les inten
tions des gens qui osent le regarder en face et lui
dire son fait. C'est ainsi que, dans son dernier
numéro, il a imaginé de représeuter comme des
républicains conspirant secrè.tement la ruine de
nos institutions les libéraux progressistes dêci-
dés a secouer le joug abrutissant de la doctrine.
d'immensos oscillations de sentiments et d'idées qui,
de flut en flot et de peuple en peuple, allaient aux
contins de la terre remuer ces vagues inlelligentes
qu'on appelle des ames.
Souvent on ne savait pourquoi têlle lói, telle cons
truction, telle institution chancelait la-bas, plus loin
que les frontières, plus loin que les tners la papauté
au-dela des Alpes, le tróne du czar a l'extrémité de
l'Europe, l'esclavage en Amérique, la peine de mort
parlout. C'est que la tribune de France, un tressaille-
ment de cette tribune, c'ètait un tremblement de
terre.
La tribune de France parlait, tout ce qui pense
ici-bas entraiteD recueillementles paroles dites s'eu
allaient dans l'obscuritè, a I ravers l'espace, au hasard,
n'imporle oü ce n'est que du vent, ce n'est que du
bruit, disaient les esprits steriles qui vivent d'ironie,
et le lendemain, ou trois mois après, ou un an
plus tard, quelque chose tombail sur la surface du
globe, ou quelquechosesurgissait. Quiavaitfait cela 1
ce bruit qui s'était évanoui, ce vent qui avait passé.
Ce bruit, ce vent, c'ètait le Verbe. Force sacrée.
Du Verbe de Dieu est sortie la créatiou des ètres du
Verbe de l'homme sortira la sociélé des peuples.
Républicains, ceux qui demandent que l'urne
électorale soit aceessible un plus grand nombre
de citoyens, afin que la loi devienne l'expres-
sion vraiment sincère de la volonté nationale.
Républicains, ceux qui voient plus de garanties
de lumières et d'indépendance dans le vote d'un
homme qui sait lire et écrire que dans celui d'un
cobaretier illettré.
Républicains, ceux qui veulent que le principe
de la séparation de l'Eglise et de l'Etat devienne
enfin une véritê et que la liberté de conscience
soit sérieusement garantie dans la vie comme
dans la mort.
Républicains, ceux qui proclament l'enseigne-
ment public un des premiers devoirs des gouver-
nements et qui diserit qu'il ne sera satisfait ce
devoir que du jour oü l'enseignament primaire
sera gratuit et obligatoire,
Républicains, ceux qui accusent l'impét de
peser principalement sur les classes nécessiteuses
et qui voudraient qu'une répartition plus équitable
en fit supporter une plus forte partie par les classes
aisées.
Républicains, ceux qui se permettent d'insinuer
que, pour un petit pays de cinq millions d'habi-
tarits, trente millions de francs consacrés a I'en-
tretien d'une armêe sont une dépense exorbitante,
et que la Belgique pourrait assurer sa sécurité
moins de frais.
Républicains... Mais, en vérité,cette calomnie,
qui pouvait avoir quelque crédit en 1848, est
devenue si profondément béte en 1870, que nous
X
Une fois monté sur cette tribune, l'homme qui y
était u'était plus un homme c'ètait cet ouvrier mys-
térieux qu'ou voil Ie soir au crèpuscule, marchant a
grands pas dans les sillons, et langaotdaus l'espace,
avec un geste d'empire, les germes, les semences, la
moisson future, la richesse de l'été prochain, le pain,
la vie.
II va, il vient, il revientsa main s'ouvre et se vide,
et s'emplitet sevide encore; la plainesombres'émeut,
la profonde nature s'entr'ouvre, l'abime inconnu de
la création commence son travail, les rosées en sus
pens descendent, le brin de folie avoine frissonne et
songe que l'épi de blé lui succédera le soleil, caché
derrière I'horizon, aime ce que fait cet homme et sait
que ses rayons ne serout pas perdus. OEuvre sainte
et rnerveilleuse
L'orateur, c'est le semeur. II prend dans son coeur
ses instincts, ses passions, ses croyances, ses souf-
frances, ses réves, ses idéés, et les jette a pjignées au
milieu des hommes. Tout cerveau lui est sillon. Un
mot lombède la tribune prend toujours racine quelque
part et devient une chose. Vous dites Ce n'est rieu,
c'est un homme qui parleet vous haussezles épaules.
Laissez dire, laissez-vous blamer, mais pubiiez votre pensee.