JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPIIES, Dimanche Huitième année. N° 16. l^AYrillSTO
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Encore I'école de Becelaere.
Nous avons eu, il y a quelque temps, ('occasion
de signaler a I'attention de la presse le fait d'un
certain bourgmestre de notre arrondissement
excellent libéral s'il faut Ten croire lequel
avait jugé a propos, l'institutrice laïque ayant
quitté la commune, de le remplacer, de sa propre
autorité, par les bonnes soeurs d'uri convent voi-
sin.
Le fait ainsi dénoncé parut si extraordinaire
quepiusieursde nos confrèresrefusèrentd'y croire.
Rien n'était plus vrai pourtaritet, aujourd'hui que
de nouveaux renseignements nous sont parvenus,
nous pouvons ajouter que, depuis nos révélations,
non seulement eet état de choses a été maintenu,
mais que des personnages très-inlluents de notre
arrondissement s'entremettent plus activement
que jamais auprès du gouvernement pour qu'il se
décide a lui donner la consécration légale qui lui
manqueencore.
Cela étant, nous adressons un dernier appel a
la presse libérale tout entière et nous la conju-
rons, au nom des principes que nous avons toujours
défendns ensemble, de nous venir en aide pour
obliger ['administration communale de Becelaere
a rentrer dans la légalité et pour éclairer le gou
vernement sur les petites intrigues au moyen des-
quelles on compte surprendre sa religion.
Les faits, les voici tels que nous les avons
exposés une première fois. Nous ne pouvons qn'en
certifier de nouveau, et sur notre foi personnelle,
la parfaite exactitude.
La commune de Becelaere possédait naguère
deux écoles de filles i'école communale et une autre,
dirigée par des religieuses.
Ces dernières avaient, a cette époque, pour insti-
tutrice, une dame laïque sortie de I'école normale de
Thielt et dont elles ne savaieDt exalter trop haul le
mérite et les vertus.
Cette dame vint un jour a quitter leur établisse
ment pour entrer a I'école communale. Dès ce mo
ment, les chères sceurs lui firent une guerre achar-
née, tant et si bien que la pauvre instilutrice fut
forcée de quitter la commune, il y a un an et demi,
pour entrer dans une des écoles communales de
Bruges ou elle a enfin trouvé un abri contre la persé-
cution cléricale.
Aux termes de t'article 12 de la loi de 1842, le
conseil communal de Becelaere avait a pourvoir au
remplacement de l'institutrice démissionnaire dans le
délai de 40 jours. II n'en fit rien, et Ie gouvernement,
soit ignorance des faits, soit complicité, s'abstint de
toute intervention pour le rappeler a l'accomplisse-
ment de son devoir, bien que ce même article 12 dis
pose formellement que, passé le délai de 40 jours, le
gouvernement est tenu de pourvoir a la vacature.
Ceci n'est rien encore; mais ce qui passe toute
croyance, e'est que les bonnes soeurs ont profité du
déparl da l'institutrice laïque pour s'installer dans le
local de I'école communale, qui se trouve ainsi sup-
primée de fait depuis un an el demi, et remplacée, au
mépris flagrant de la loi, par une école purement
privée. Les journaux des grandes villes, a qui ce récit
tombera sous les yeux, ne voudront pas nous en
croire, et pourtant c'est la vérité pure a l'heure ac-
tuelle, I'école communale de Becelaere n'existe plus et
son local est occupé par les chères sceurs religieuses,
qui s'en accommodent, parait-il, le mieux du monde,
car elles ne font pas mine de vouloir le quitter.
Et l'administration communale de Becelaere, di-
rez-vous, que fait-elle de ses devoirs? Ce qu'elle
en fait, vous allez voir. En ce moment même, elle est
en instance auprès du gouvernement pour qu'il con-
sacre Iestatu quo en accordant a I'école des soeurs le
privilege de ('adoption, et tout porie a croire, si la
voix de l'opinion publique ne se fait pas énergique-
ment entendre, que le gouvernement cédera aux sol-
licitations pressantes qui le circonviennent.
Car les solliciteurs ne sont pas coinme on pour-
rait croire, des êmes damnées du parti clérical.
L'homme qui marche a la tête de cette petite croisade
organisée contre l'enseignement laïque, est un grand
libéral, il le dit du moins et trouve des imbèciles qui
le répètentc'est M. le bourgmestre de Becelaere,
conseiller provincial par la grace de M.le commissaire
d'arrondissement d'Ypres un autre grand libéral,
comme chacun sait.
L'Opnion n'a pas la prélention de croire que sa
voix ait, a elle seule, assez de puissance pour que le
gouvernement tienne compte de ses avertissements.
Qu'importe au gouvernement notre blême ou
notre approbation Mais notre voix sera entendue,
nous l'espérons, par des journaux libéraux qui ne
dèserterons pas leur devoir et qui joindronl leurs
protestations aux nótres. C'est en eux que nous met-
tons notre confiance pour empêcher la réussite de Ia
petite conspiration ourdie a Becelaere, au su et avec
l'approbation de M. le commissaire d'arrondissement
d'Ypres.
Nous n'avons qu'un mot a ajouter l'indépen-
dance de l'enseignement laïque est une des thèses
favorites du libéralisme. Mais cette indépendance
c'est pas sérieusement menacée dans les grandes
villes, oü rinfluence du clergé trouve un contre-
poids dans l'opinion d'une bourgeoisie éclairée et
peu disposée, par conséquent, a subir Ia loi clé
ricale. Le danger, il est dans les campagnes, et
s'en est fait lè du libéralisme, si ceux qui y lut—
tent contre la domination cléricale nepeuvent pas,
a l'occasion, compter sur l'assistance de la presse
libérale des grandes villes.
Bonnet blanc, blanc bonnet.
La récente discussion du budget de la justice vient
de démontrer une fois de plus qu'entre cléricaax et
doctrinaires il n'v a au fond nulle difference. Les uos
emploient tous les moyens pour escalader le pouvoir,
les autres s'y accrochent comme ils peuvent;ces
messieurs serenvoient mutuellement les accusations,
discutent pour amuser les badauds; mais dans tout
cela il n'y a aucune conviction sincère, aucune dignité
politique.
M. Wasseige cite des faits et prouve que M. le mi-
nistre de la Justice se laisse guider le plus souvent
par des considérations politiques pour les nomina
tions dans la magistrature. M. Bara s'en défend a
peine mais il réplique en accusant les catholiques
et prouve a son tour que M. d'Anethan, pendant qu'il
était ministre de la Justice, a fait des nominations po
litiques. Singulier raisonnement de part et d'autre
Car de quel droit attaque-t-on un adversaire lors
qu'on se conduit exactement comme lui
Spécifions.
M. Wasseige accuse M. Bara de n'avoir pas nommé
conseillera la Cour d'appelM. Sartel, juge au tribunal
d'Ypres, trois fois premier candidat du Conseil pro
vincial et second candidat de la Cour. M. Wasseige
dit que les opinions politiques de M. Sartel ont em-
pêché sa nomination. Croyez-vous que M. Bara le
nie Nullemenl. Si le conseil provincial de Bruges,
dit-il, a présenté M. Sartel, c'étail pour faire de la
politique... En aucune manière, je n'irais préférer Ie
candidat du Conseil provincial de Ia Flandre occiden
tale au candidat de la Cour d'appel.... L'honorable
baron d'Anethan n'eut pas nommé M. Sartel puisqu'il
déclarait que jamais il ne nommerait des personnes
ayant posé des actes hostiles au gouvernement. Or,
M. Sartel s'est mis sur les rangs pour la Chambre des
représentants en opposition a notre honorable collè-
gue, M. Alphonse Vandenpeereboom. Pour qu'un ma
gistral vienne combattre un ministre, l'honorable
M. Vandenpeereboom dont nous connaissons tous la
modération, je dis qu'il faut que eet homme soit un
homme de parti et un homme de parti très-prononcé.
Ainsi, voila de par M. Bara les ministres en géné-
ral et M. Alphonse Vandenpeereboom en particulier
inattaquables et inviolables. 11 ne sera plus permis
desormais de combattre la candidature de ce mon
sieur modéré sans élre marqué d'une mauvaise note
au ministère.
Eh! sans doute, M. le ministre, vous avez le pou
voir de ne pas nommer les magistrats qui vous dé-
plaisent; mais cessez au moins de vanter votre im-
partialité. Homme de parti vous-même, vousagissez
en homme de parti, frappant vos adversaires. Vous
faites ce que les catholiques ont fait avant vous. Soit.
Vous n'êtes done pas plus fondé critiquer qu'eux-
mêmes n'ont le droit de vous en accuser.
Ces observations ne nous sont pas suggérées par le
désir de défendre la personnalité de M. Sartel. Non;
nousavonscombattu sa candidature politique et nous
la combattrons chaque fois qu'elle se produira. Mais
nousjdemandons l'équitédans les nominations. Quand
il estdescendu de son siége, lemagistrat est un simple
citoyen qui, comme tel, doit jouir de tous ses droits.
II ne faut pas le punir pour en avoir usé. Comme on
l'a fort bien dit, quand un magistrat joint a l'élévation
de l'intelligenée, a l'indépendance du caractère, a la