JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
YPRE8, Dimanche
Huitième année. j\Tu 25.
19 Juin 1870
PBIX DES AilKOSCEK
ET DES RECLAMES
10 Centimes Ie petite Iigne.
Corps du Journal, 30 centimes»,
PK1X O'ABOXXEHEMT
POUR LA BELGIQUE
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Le 14 Jwiïi 1870.
Le ministère de 1857 n'est plus!
Nous n'essaierons pas de dissimuler Ia joie que
nons ressentons de sa chute. Elle a été d'autant
plus vive et plus profonde que nous y étions
moins préparês.
La politique doctrinaire avait fait son temps,
nous le savions de reste. Les aveugles seuls pou-
vaient encore se faire illusion sur le sentiment de
réprobation, de jour eri jour plus accentué, dont
elle était frappée dans Ie pays, principalement
dans nos grands centres de population. Mais qui
se serait imagine que la majorité compacte et
dévouée qui, depuis quatorze ans, s'est servile-
ment associée a tous ses actes allait s'effondrer
tout d'une piece sous le coup d'une seule élec-
tion.
Jamais, depuis 1830, on n'a plus vu pareilie
débècle. Tandis que le parti doctrinaire ne par-
vient pas a faire passer un seul de ses candidats
partout oü il est en lutte avec fes représentants
sortants appartenant au parti clérical, celui-ci lui
enlève douze voix el obtient ainsi,a son avaritage,
un déplacement de vingt quatre voix dans la
Chambre. Le ministère, avant l'élection, comp-
tait une majorité de soixante-quinze voix. Après
l'élection, il n'en a plus que soixante-trois
dont troiscelles de MM. Lelièvre, Marios
Boulenger et Defuisseaux, ne lui sont acquises
que sous certaines réserves. Les cléricaux, au
contraire, qui n'étaient que 49, montent 5 61.
Quelle lecon, ou plutót, quel dêsastre!
Veut-on se rendre un compte exact de son
étendue, il faut aller plus loin et analyser les
chiffres obtenus par les candidats respectifs des
deux partis dans les arrondissements oü l'élection
a été disputée.
A Charleroi, MM. Balisaux et Drion, candi
dats cléricaux, passent au piemier tour de scrutin,
avec une majorité de plusieurs centaines de voix
sur leurs concurrents doctrinaires. M. Eudore
Pirmez passé égalemerit au premier tour de scru
tin, mais avec un appoint évident de voix cléri—
cales, puisqu'il dépasse de 248 voix le chifïre
obtenu par M, Sabatier, le candidat doctrinaire
le plus favorisé. Ce n'est, du reste, un mystère
pour personne, que la familie Pirmez, très-nom-
breuse dans l'arrondissement, a fait voter pour
M. le ministre de l'lntérieur, bien quelle appar-
tienne tout entière a ('opinion catholique.
Quant a MM. Jonet et Sabatier, ils sont élus
au ballottage cette Providence des candidats
doctrinaires par une majorité d'a peine 30
voix.
A Mons, MM. De Thuin et Boulenger, soute-
nus par le parti progressiste.quoique candidats de
I'Association libérale, obtiennent respectivement
2565 et 2384 voix tandis que MM. Sainctelette
et Dolez n'en ont que 4981 et 1973, soit une
moyenne d'environ 500 voix de plus en faveur
des candidats progressistes.
Mais Ie fait le plus caractéristique de cette
élection est incontestablement i'élimination de
M. H. de Brouckere, incarnation vivante dudoc-
trinarisme ministériel, battu plate couture par
un jeune progressiste, M. Defuisseaux, qui l'ern-
porte sur lui avec une majorité de 708 voix
A Soignies, un candidat indépendant ou qui,
du moins, se présente comme tel, fait échec au
parti doctrinaire, qui n'avait plus rencontré d'ad-
versaire sérieux dans eet arrondissement depuis
plusieurs années. Et la preuve qu'un grand
nombre de libéraux ont foi dar.s ses declarations,
c'est qu'il obtient 162 voix de plus que le candi
dat clérical le plus favorisé.
L'échec du ministère est plus sensible encore a
Verviers. Ici, trois listes sont en présence, cel le
des cléricaux, celle des progressistes et cel le des
doctrinaires. Et tel est le discredit dont le mi
nistère est frappé, qu'il ne parvient pas, malgré
la division de ses adversaires, a faire passer un
seul de ses candidats au premier tour de scrutin.
Au ballottage l'opposition triomphe sur toute la
ligne.
Mais c'est Gand que la défaite est surtout
désastreuse. Des sept candidats patrones par
1Association libérale, six restent sur le carreau au
premier tour de scrutin, et parmi ces six, un mi
nistre, M. Vanderstichelen. A la faveur d'un
ballottage toujours la Providence un seul,
M. de Kerckhove, échappe au naufrage.
On cherche h expliquer le dêsastre de Gand
par des causes étrangères a la politique. II est dü,
en grande partie, dit \'Echo du Parlement, a une
coalition de cabaretiers et d'officiers pensionnés.
Laissons a l'ex-journal officieux cette suprème
consolation de le croire, si cette croyance peut
alléger sa douleur. Nous lui ferons seulement
observer que son explication est la condemnation
même du régime de suffrage restreint qui nous
gouverne, et qui permet a une coalition de mes-
quins intéréts personnels de teuir en échec la
volonté nationale.
Le ministère est done tombé, et tombé plat.
La charge de sa succession revient évidemment aux
cléricaux, et cette fois on peut être bien convaincu
qu'ils ne la répudieront plus, comme en 1864.
Affamés de pouvoir comme ils sont, ils n'ont
garde de laisser échapper cette bonne aubaine qui
leur tombe du ciel. On dit qu'ils ne parviendront
pas a composer un cabinet. lis en composeraient
dix de suite plutót que de lócher leur proie.
Ayons confiance. Le plus fort de Ia besogne
est fait. Débarrassés du doctrinarisme, nous au
reus bientót raison des cléricaux. Ce qui fesait
leur force, c'est précisément l'appui qu'ils ont
toujours rencontré dans Ie ministère, qui leur
fesait de gros yeux tout en se pliant a toutes leurs
exigences. Maintenant que les voilé abandonriés
a leurs propres forces, le sentiment du pays en
fera facilement justice. Une seule élection suffira
S cette tóche.
L' Indépendance apprèae en ces termes le résui-
tat de l'élection de mardi dernier et les causes
qui ont déterminé la cbute du ministère.
Les elections de mardi sont un échec significatif,
une lecon sévère, mais non imtnèrilée, un chótiment
d'autant plus salutaire, peut-être, qu'il aura été plus
rigoureux, pour cette fraction du parti libéral qui se
parait du nom de doctrinaire et dont la politique
énervante paralysait le libéralisme en repoussant
systématiquement ses aspirations les plus legitimes.
Gontesle qui voudra la vérilable signification des
fails. Pour notre part, nous y voyons un blême io-
fligé a ia politique doctrinaire par l'opinion libérale
elle-même.
Depuis trop lougtemps la fraction libérale qui do-
minedans nos assemblées législatives, et dont le mi
nistère subit l'influence, témoignait d'une inconceva-
ble intolerance a l'égard des libéraux qui croyaieut
devoir lui rappeler, a l'occasion, les principes du li
béralisme. Rien ne pouvait se faire que par elle. Kien
d'admissible que ce qu'elle daignaitadmettre; rien do
libéral que ce qu'elle reconnaissait pour tel. Saus
cesse elle allait du non posscmcs au sic vore, sic
jubeo, enivrée de domination a ce point qu'elle avait
fini par considérer comme des ennemis, pires que les
cléricaux, les hommes de la gauche qui ne prenaient
pas son approbation pour la garantie indispensable du
libéralisme de leurs opinions.
De la, dans les rangs libéraux, des froissements et
des divisions, dont les cléricaux ont pu tirer parti
dans certaines localités. C'est la une des principals
causes de la dislocation de la majorité libérale mais
ce n'est pas la seule. Nous auront a signaler les autres.»
Le ministère fait annoncer par ses journaux qu'il
publiera prochainement le rapport au roi concernanl
la destitution de M. De Bavay.
Le TODT PAVABLE d'aVANCE.