places, les nominations a tous les degrés sont donnés
aux cléricaux de ia plus belle eau, a d'illuslres in-
con'nus, des biasonnés, fussent-ils même fruit sec de
I'université de Louvain; aiors que la capacité seule
devrait donner a tous les Beiges indist'mctement le
droit de servir leur pays, sans qu'il fut nécessaire
pour cela d'avoir été bercé sur les genoux d'une du-
chesse.
L'on va aller plus loin, parait-il l'on se dispose
nommer des bourgmesires en dehors du Conseil, me-
sure que les cléricaux ont toujours condamnée a juste
titre lorsqu'ils étaient minorité, et qu'ils vont appli-
quer aujourd'hui qu'ils sont majoritè. L'on permet
aux zouaves pontificaux de voyager librement et sans
frais sur les cbemins de fer de l'Etat, comme si ces
hommes faisaient partie de notre armée.
Et puis, encore un signe du temps 1 Le sénateur de
Tbielt, M. Solvyns, proteste contre le droit qu'ont les
Romains, tout comme les Beiges, de se donner le
gouvernement de leur choix. L'exalté clérical aurait
voulu que la Belgique sortit de sa neutralité pour
protester contre la chute de Pie IX comme roi. Mais
M. Reintjens, le nouveau sénateur radical de Bruxel-
les, s'oppose a cette motion et applique aux zouaves
pontificaux l'épithète de mercenaires. La droite en
tressaille d'indignation. Le mot est maintenu par M.
Reintjens paree qu'il est juste. Le dictionnaire dit au
mot» mercenaire Qui se fait seulement pour le
gain, pour le salaire.
M. le baron d'Anethan, chef dn cabinet, trouve
comme M. Reintjens que la Belgique, si elle veul êlre
maitresse de ses destinées, doit laisser la même fa-
'culté aux autres peuples. Ce qui a valu aussitót au
chef du cabinet les mercuriales du Bien public qui
l'accuse d'avoir forfait a ses devoirs de catholique.
Le patriolisme de la sainte feuille disparait quand les
intéréts papistes sont en jeu.
De tout ce qui précède la conséquence est: que
nous sommes aujourd'hui sous le joug'jclérical, que
Messeigneurs les Evêques sont nos maitres et que
nous devenons Ie couvent modëte de l'Europe. Nous
avions déja les jésuites d'Espagne, de France. Ceux
de Rome sont en route pour venir les rejoindre.
Fortunée BelgiqueJ'enlrevois pour toi de bien-
heureux joursMessieurs les jésuites s'oocuperont du
gouvernement par personnes interposées, et feront
les articles de fond du Bien public. Nous autres, ci-
toyens, nous n'aurons plusqu'a payer, a voter comme
Messieurs les curés le voudront, et a nous occuper de
notre salut éternel dans l'autre monde. Moyennant
quoi, tout ira bien, a moins cependant que, dans un
temps donné, nous ne fassions comme les Romains
avec la formule de Cavour L'Eglise libre, dans
i) l'Etat libre.
Un Liberal progressiste.
M. Wickede écrit a la Gazette de Cologne qu'il a
regu par hasard quelques numéros des journaux
paraissant a Paris. 11 exprime son étonnement de ce
que ces journaux s'adressanl a la ville qui se prètend
la plus intelligente du monde, lui fasse des conlts
incroyables. C'est ainsi que ces journaux disent que
deja 10,000 chasseurs de tigreset de lions d'Amèrique
(on sait que la géographie est le cóté faible des Fran
cais) ont déja débarque au Havre. En même temps
Garibaldi est arrivé a Marseille avec une armée com-
posée de milliers et de milliers de libéraieurs, en-
flammés de courage. Cette armée grossit comme une
avalanche. Bienlót les Allemands seront pris entre
les chasseurs de tigres qui s'avancenl au Nord, les
garibaldiens au Sud et les Parisiens au centre. II n'en
sortira pas un de France.
Les troupes de ligne franchises qui tiennent encore
la campagne sont empruntées aux dépóts. Des debris
de compagnies de plusieurs regiments out elè
employés a former des bataillons; mais le décourage-
inent est extréme et les soldats francais sont loin de
inontrer la même ardeur d'autrefois. C'est a Sédan
qu'ils ont pour la dernière fois combatlu, avec un
grand courage. La, ils ont lutté comme des lions
mais, depuis, il n'en est plus ainsi.
II est fort friste que, dans une pareille situation,
les journaux poussent, a force de rodomontades, la
France a opposer une résistance inutile. Sans doute
ie pays est grand et il faudra bien des soldats pour
I'occuper, mais nous y parviendrous, el le résultat
sera tout simplement le malheur de cette belle con-
trée. D'autre part, les declamations fanatiques qui
poussent les Francais a nous combattre même avec
Ie couteau, ont pour effet d'irriter nos soldats, et il
pourrait en résulter des actes regrettables.
Que signifient d'ailleurs toutes ces fanfaronnades?
On déclare que les villes doivent se défendre a ou-
trance, que les maisons doivent se transformer en
ciladelles. Cependant Lunéville, Nancy, Reims, Eper-
nay, Versailles, etc., qui sont des villes de 20 a 40,000
êmes, ont été occupées par quelques escadrons.
Les journaux francais font grand bruit de ('incor
poration dans l'armée des jeunes gens des premières
families. Ils impriment leurs noms en gros carac-
tères. Chez nous, tous les jeunes gens des premières
families servent dans l'armée, et nous n'en faisons
pas de tapage.
Correspondence particuliere de l'OPI^IOH.
Bruxelles, 27 Octobre 1870.
Aucnne nouvelle importaote, relative a des faits
de guerre, n'a été publiée dans le courant de cette
semame. Les troupes prussiennes occupent successi-
vement differents points de la France, pour les aban-
donner le lendemain, non sans y avoir opéré de nom-
breuses réquisitions. Les quelques journaux fran
cais qui arrivent ici, de loin en loin, par la voie
aérostatique, voienl dans ce va et vient de l'armée
allemande un indice certain des inquiétudes qu'in-
spire au roi Guillaume la reorganisation militaire de
la France et l'ardeur patriolique qui semble animer
en ce moment toute la population dont le territoire
est envahi. Pour ma part, je crois peu aux inquié
tudes du roi de Prusse en ce qui concerne le résultat
de la guerre qu'il a acceptée avec une promptitude
telle et avec de tels moyens de défense que tout le
monde doit penser qu'il y était depuis iongtemps
préparé. J'aime mieux croire pour apprécier sai-
nement les faits que ces allées et venues de l'ar
mée allemande n'ont d'autre but que d'empêcher la
constitution d'un corps d'armée francais qui pourrait
venir au secours de Paris; c'est, a mon avis, un
simple mouvement stralégique en vue de disséminer
les forces de I'ennemi el de les empêcher de se re
joindre par des alertes continuelles. Ce que Bazaine
fait a Metz en pratiquant coup sur coup des sorties
qui obligent les Prussiens a être continuellement sur
le qui-vive, les Prussiens le font dans le reste de la
France, mais rien n'indique que ceux-ci redoulent de
voir leur marche triomphante entravée et qu'ils
appréhendent un revers de fortune. La Prusse pa-
rait ne vouloir frapper qu'a coup sur et celui qui ver-
rait dans les Ienteurs du siége de Paris autre chose
qu'un signe cle prudence risquerait fort de se trom-
per.
La nouvelle d'une paix prochaine, ou tout au
moins d'un armistice, prend chaque jour plus de
consistance. II est certain que lesgrandes puissances
ont résolu d'intervenir; il est fêcheux qu'elles aient
tardè si iongtemps prendre ce parti. Une chose,
malheureusement, peut empêcher d'aboutir les négo-
ciations qui sont deja enlamées, ce sont les rnenées
bonaparlistes. C'est une chose a peine croyable, les
hommes qui ont conduit la France a sa ruine, qui
l'ont réduiteau róle humilianl qu'elle joue en ce mo
ment malgré le courage qu'elle dèploie, ces hommes
rêvent d'infliger a leur patrie le dernier de tous les
outrages, la restauration du regime impérial. Est-ce
assez de honte? Non, cela n'est pas possible. La
France a pu commettre des fautes, mais elle les a
cruellement expiées. Et cependant quand on voit les
allures equivoques du ntaréchal Bazaine envoyant
son aide-de-camp conferer a Versailles avec le roi de
Prusse pour de la se rendre en Angleterre auprès de
l'ex-impératiice Eugènie, on est bien /orcé de recon-
naitre que le prisonnier de Wilhemshoehe nia pas
renoneé a tout espoir de rétablir sa dynastie sur le
tróne de France. II ne faul pas perdre de vue que
l'empire a pratiqué sur une vaste échelle un syslème
de corruption dans toutes les branches de l'adminis-
tration dans l'armée, dans l'ordre judieiaire, dans
toutes les villes, dans toutes les communes et jusque
dans les moindres bourgades, Napoléon III avait des
complices et toutes ces gens ont intérêt une res
tauration qui aurait pour conséquence de jeter le
voile sur leurs déprèdations. Le maréchal Bazaine
lui-même ne serait peut-être pas fêché qu'on ne par-
lat plus qu'avec respect de cette malenconlreuse
guerre du Mexique, d'oü il est revenu je ne sais com-
bien de fois millionnaire. Et M. Cousin de Montau-
ban, due de Palikao, ne serait probablement pas mé-
content si on lui donnait l'assurance qu'on ne souf-
flera jamais plus mot du pillage du Palais d'été en
Chine.
Quant a MM. Rouher, de Persigny, Devienne,
Chanperret, Pietri, Bernier et tutti quanli, je vous
laisse a. penser avec quelle ardeur ils doivent travail-
ler la restauration d'un empire qui doit leur donner
l'absolulion compléte de leurs nombreuses peccadiles
et qui leur permeltra de reprendre leur honnête né-
goce de flibustiers sous la protection du gouverne
ment. Mais je m'arrête trop a cette idéé de rélablis-
sement de l'empire; il nest pas admissible que pareil
projet ait jamais germé dans un cerveau sain.
Ce n'est done pas sur l'espoir heureusement
bien éphémère de la restauration de l'empire que
nous devons compter pour Ie rétablissement de la
paix, mais bien plutót sur l'ópuisement des forces
des deux parties belligérantes. La Prusse désire la
paix aussi bien que la France; de part et d'autre on
demande une paix durable; a quelle condition sera-t-
elle obtenue? La Prusse exige la cession de I'Alsace et
de la partie allemande de la Lorrainela France refuse
de faire la moindre concession de territoire elle ne
cédera, dit-elle, ni un pouce de terrain, ni une seule
pierre de ses forteresses. II faudra bien cependant, si
l'on veut la solution de la paix, qu'on se fasse des
concessions mutuelles et qu'on prenne un moyen
terme entre les exigences de la Prusse et les resis
tances de la France. Ce moyen terme est la démoli-
lion des fortifications de Metz, de Strasbourg et des
autres forteresses qui menacent l'Allemagne. On a
bien dit qu'en compensation de I'Alsace et de la Lor
raine, on accorderait h la Prusse Ie Grand-Duché de
Luxembourg. Cet arrangement, outre qu'il ne satis-
ferait pas la Prusse, qui ne demande la possession de
I'Alsace etde la Lorraine que pour couvrir ses fron-
tières,ne peut avoir l'assentiment des gouvernements
qui, comme celui de l'Angleterre, n'admettent pas
qu'on puisse trafiquer de l'indépendance d'un peuple.
Le Grand-Duché de Luxembourg, dans des manifes
tations récentes, a trop énergiquement témoigné de
son désir de s'appartenir pour qu'on songe sérieu-
sement a le livrer, contre son gré, la domination
prussienne.
Le ministère d'Anethan songe, dirait-ona tirer
profit de la situation extérieure pour inettre en appli
cation les principes de la plus pure école cléricale.
On lui prête déja, comme vous savez, la resolution
de revenir indirecternent sur les régies consacrées
par la loi communale en matière de legs affectés a
l'enseignement. Une circulaire récente du ministère
de l'intérieur fait pressentir une autre modification
qui, pour ne pas avoir la même importance au point
de vue des principes, ne laissera pas que d'exercer
une influence fatale sur le développement de l'ensei
gnement primaire.
Dans cette circulaire, M. Kervyn promet de main-
teniren 1871 les subsides alloués en 1869 et 1870,
mais en faisant remarquer que Ie gouvernement
va au-dela de ses obligations, que l'Etat, pas plus que
la province, n'est tenu de payer une partie quel-
conque des retributions pour l'instruction des en-
fan Is pauvres, et que si des subsides facultalifs ont
été accordés précédemment pour cet objet, il ne peut
s'engager a les continuer indéfiniment.
Pour qui sait ce que parler veut dire, cela signifie
clairement que, a partir de 1872, l'Etat n'accordera
plus de subsides aux communes pour l'enseignement
primaire et que celles-ci auront a se tirer d'affaire
comme elles le pourront.
Or, si l'on se rappelle le mauvais vouloir d'un
grand nombre de communes a l'endroit de l'ensei
gnement primaire et si l'on tient compte de l'insufli-
sance des ressources chez celles qui sont animées de
bonne volontè, on comprend aisément que l'absence
des subsides de l'Etat, en privanl celles-ci d'une res
source indispensable et en fournissant un prétexte au
mauvais vouloir des autres, aura pour conséquence
un affaiblissement considérable des écoles commu-
nales.
En revanche, les écoles des pelits Frères gagne-
ront en importance et c'est tout ce que demande
le ministère.
Les évêques beiges ont une singuliére facon d'en-
tendre la neutralité. Dans un mandement qui a paru