JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENT
t
YPSIES. l)imanche
u>ième année. !V0 11.
12 Mars 1871.
Le tout payable d'avance.
PIS 1X U'ABOIXEHEST
POUR LA BELGIQUE
8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre.
Pour I'Etranger, le port en sus.
U« Numéro 25 Centimes
PRIX DES AÜHIOXCES
ET DES RECLAMES
10 Centimes Ia petite ligne.
Corps du Journal, 30 centimes»
Paraissant le diroanche.
Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensee
On s'abonne a Ypres,
au bureau du Journalrue de Dixmude, 59.
On traite a forfait, pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres
ou envois d'aryent doivent élre adressés franco au bureau du journal.
ELa loi ECaider.
Le Journal de Bruxelles, organe officieus du
cabinet, declare que cette loi aujourd'hui
tombée avec l'affreuse" Majesté qui l'avait exigée
a toujours été considérée comme un attentat
a la liberté de la presse.
Oo se rappelle, en effet, que certain nombre
de représentants eatholiques, parmi lesquels
MM. Vilein XIIII, de Decker, Dumortier, etc.,
firent partie de la minorité qui repoussait la loi
d'importation bonapartiste, tandis qu'un grand
nombre de libéraux se remarquaient dans la
majorité.
Si c'est a un ministère clerical qu'est réservé
l'honneur de rayer des codes beiges cette mon-
struosité impériale, tant pis pour les doctrinaires
qui l'ont présentée au Parlement, l'y ont votée et
ensuite l'ont fait appliquer, sous leur règne!
Ce qui importe aujourd'hui, c'est qu'une loi
aussi déshonnête soit balayée du pays, en même
temps que sou digne protégé est a jamais repoussé
de la malheureuse France, par le souverain
dégout publicdont l'Assemblée de Bordeaux vient
de se faire le bien inutile mais unanime organe.
Les doctrinaires, jorant, mais un peu tard,
qu'on ne les y prendra plus a ménage! le
clérical, en aboyant après lui, s'égosillent
aujourd'hui lancer le caveant et nous appellent
a la rescousse.
Fort bien leur détresse nous touche, nous
voyons le danger et nous savons que nous y met-
tronsfin, quand il nousplaira.
Mais qui l'a créé, ce danger? Qui l'a sottement
entretenu? Qui a prononcé, dans une circon-
stance solennelle, ce mot fameux Nous avons
deux ennemis, les cléricaux et les avancés, et ce
sont ceux-ci qu'il faut écraser d'abord? N'est-ce
pas le chef de la doctrine? Qui a religieusement
suivi cette prescription du maitre? N'est-ce pas
la coterie doctrinaire, qui signale maintenant les
progrès effrayants du clérical et implore l'aide des
avancés.
Un moment, dit ia Flandre, le pays a vu
clair dans les projets de ia réaction, en 1857,
lorsque le gouvernement clérical, moins audacieux
qu'aujourd'hui, a cru pouvoir restaurer la main-
morte par la loi des Couvents. Le danger a alors
été signalé par des politiques clairvoyants et con
jure par l'éclat de ('indignation publique. Depuis
lors, le péril n'a pas disparu, mais le gouverne
ment libêral n'a rien fait pour le conjurer défini-
tivement.Au lieu d'aviser un remède radical,
que la situation du pays et la disposition du Par
lement provoquaient, on louvoya, on contracta
avec les ennemis des armistices, qui devinrent
bientöt de véritables traités d'illiance. On ne se
préoccupa plus de la main-morte, qui, cependant,
ne faisait quecacher son jeu, masquer ses batte
ries. On n'eut plus d'yeux que pour ces infènaes
avancés qui avaient le front le ne pas regarder
comme suffisant la presence d'un parti dit libéral
et qui prétendaient que la Belgique ne restAt pas
a la queue des nations. Devant ce terrible croque-
mitairie, les entreprises ourdies par l'armée clé-
ricale n'étaient plus que de la Saint Jean. S'll
fallait faire un choix, c'était du cóté des conser-
vateurs qu'on inclinait M, Frère était au pou
voir, pouvait il être question d'autre chose que
de conserver le statu quo. A partir de ce moment
il n'y eut plus que des compositions combinées
avec la droite, des gages donnés, Ie temporel des
cultes abandonné, les exemptions des raoines et
séminuristes consacrées au sujet de la milice,
toutes les questions de principe désertées et parmi
elles, la première question, la maitresse ques
tion, l'enseignement lèchement abandonné au
clergé.
Les écoles normales de I'Etat aux mains du
clerge, des écoles normales du clergé adoptées
partout déversèrent une armée de clercs d'église
et de fabricants de cierges sous prétexta d'insti-
tuteurs. Ou se déclara en principe l'ennemi de la
loi de 1842 sur l'enseignement primaire, MM.
Frère et Bara le déclaraient a tout venarit. Mais
leur coilègue M. Vanderipeereboom organisait
('instruction publique a la cléricale, il fondait des
écoles normales cléricales, et il adoptait, lui, mi-
nistre liberal, des écoles cléricales du genre de
celles de l'abbé Slabets. II s'en vantait la
Chambre, et il n'y avait personne pour Ie lui re-
procher. Ce qui fit qu'après treize nouvelles an-
nées de ce régime libéral, nous avons en 1870
trouvé le pays saus instituteurs et saus écoles, et
l'enseignement tout entier, c'est a dire l'aveiiir
tout entier, livré pieds et poings liés a ces conspi-
rateurs dont les menées éclatent aujourd'hui au
grand jour.
Dislinguo.
(Maximes de la Compagnie
de Jésus. Chap. 1 er.)
L'articlo que nous avons écrit a propos Je la mort
de Bancel eu réponse au Journal d'Ypres n'a pas eu
le don de plaire a celui-ci. Nous nous endoutons bien
et pourtant voyez notro audace cela ne nous a
pas empêché de l'écrire! Le Journal nous répond
aujourd'hui avec l'espoir mal dissimulé de nous voir
blêmes de colère. Illusion, aimable confrère!
Tout autre est le sentiment qu'éveillent vos articles.
Arrivons a Ia réponse du Journal d'Ypresmais
seulement pour en dire quelques mots; car ii ne
nous convient pas de prolonger cette polémiqne sur
une tombe.
L'organe clérical qui fait dos jongleries a cóté'dejla
question, eu laissant soigneusemenl de cóté ce que
nous avons dit a son adresse, expose une double
théorie de la mortl'une mythologique, l'autre, plus
dröle encore, basée sur la célèbre pomme d'Eve. II
nousapprend qu'il a, lui, non c Ie respect de la mort,
mais le respect pour les morts. Les lignes qu'il
publiait dans son n® du 18 février le prouve surabon-
damment.
Si la fin malheureuse et bestiale de ces hommes,
disait-il alors parlant de Bancel, plus dégradés encore
du cóté de Vintelligence que du cóté du cceur, n'étouf-
fait chez nous tout autre sentiment que celui de la
pitiéet du dégout, nous nous senlirions assez consolés,
assez vengés des horreurs que nous inspirent leur vie
et ce qu'ils appellent leurs principes.
Singulier respect!
II est vrai qu'en habile casuiste il y met immédiate-
menl son distinquo. Ce respect n'est pas absolu,
dit-il, i! est subordonné a une condition, c'est que les
morts soient respectables.
Tartufe ou La Palisse
lit voila le Journal d'Ypres érigé de par sa'propre
autorité en juge du respect que méritent les morts!
N'est-ce pas a mourir de rire?
Aux yeux du monileur de l'Eglise, pour être
respectable, il suffitde subir la domioation ciéricale.
I-es convictions inlimes importent peu pourvu qu'on
fasse semblant decroire, cela sufiit.
Ne voit-on pas tous les jours des prêtres importuner
les moribonds a leur ehevet, torturer l'esprit affaibli
du malade afin de lui arracher, par leurs importu-
nités, une phrase, un mot, interpreter comme un
acquiescement a leur doctrine, des paroles incohé-
rentes et ininteiligibles? Celle conversion in extre
mis de l'homme qui, pendant toute sa vie en pos
session d'un jugement sain, les a rspoussés el qui au
dernier moment leur abandonné, par lassitude, ses
sens affaiblis, voilé pour le Journal d'Ypres le mort
respectable
N'avons-nous pas vu des prêtres pénétrer presque
de force dans la chambre mortuaire, se trouver en
face d'un cadavre et proclamer néanmoins que le
mort s est couverti, qu'il a abjure ses erreurs.
Pourquoi cette audacieuse persistance a mentir
Paree que Ie prêlre, avec son flair de renard,
comprend qu'il y va de son influence. Un enterre-
ment civil lui donne le frisson. C'est une question de
boutique.
Encore une fois, voila les morts respectables du
Journal d'Ypres.' Plus respectables encore, trois fois
plus respectables pour lui sont ceux qui se laissent
gruger et dont on réussit a piper un bon testament.
Quant a nous, qui n'avons pas, comme Ie Journal
d'Ypres, l'insigne honneur d'êlre éclairés par le