JOURNAL D'YPR.ES DE L'ARRONDISSEMENT YPRESj Dimanche 'ïïeimème année. N° 13. 26 Mars 1871. PKIX U^KOIIËIUEIT POUR LA BELG [QUE 8 francs par an; 4 fr. 50 par semestre. Pour l'Etranger, Ie port en sus. Un Numéro 25 Centimes PRIX MES AISOSCES ET DES RECLAMES 10 Centimes la petite ligne. Corps du Journal, 30 centimes. Le tout payable d'a VANCE. Paraissant le dimanche. Laissez dire, laissez-vous blamer, mais publiez votre pensee On s'abonne a Ypres, au bureau du Journal, rue de Dixmude, 59. On traite a forfait pour les annonces souvent reproduites. Toutes lettres ou envois d'argent doivent étre adressés franco au bureau du journal. Transaction. Trahison. La Chambre des représentants discute, depuis une huitaine de jours, one proposition de M. Mul ler ayant pour objet d'iriscrire au budget de I'en- seignement public un crédit de 50,000 francs destiné a favoriser la creation d'écoles moyennes communales pour les filles. Le gouvernement et la majorité, cela va sans dire, repoussent cette proposition. Créer de riou- velles écoles de filles! Mais il est clair que ces écoles n'pxisteraient. pas d'une année qu'elles feraient aux écoles et aux pensionnats des bonnes soeurs une concurrence redoulable. Ainsi pensent le gouvernement et la majorité, ainsi pense l'épis- copat, et, sur ce point, nous sommes entièrement de leur avis. Mis en demeure de justifier son opposition, le gouvernement a proposé a la gauche une transac tion singuliereJe suis prêt, lui a-t-il dit, a voter avec vous la proposition de M. Muller, a la condition que, pour tout ce qui concerne I'ensei- gnement religieux et 1'inspection ecclésiastique, les écoles qu'il s'agit de créer seront soumises au régime de la loi de 1842. En vain lui a-t-on fait observer que la loi de 1842 ne regarde que renseignement primaire et qu'elle est sans application pour les écoles moyennes. Le gouvernement a tenu bon et main- tenu l'-exorbitante pretention d'appiiquer a I'en- seignement moyen un régime qui n'a élé établi il en convient lui-même que pour les écoles primaires. En d'autres termes, il demande a la gauche de proclamer avec lui qu'une école moyenne est une école primaire. Le faux-fuyant n'est pas mal imaginé, il faut en convenir. Si la gauche accepte la transaction, les nouvelles écoles seront placées sous la surveil lance du clergé et son influence générale sur l'en- seignement s'en accroitra d'autant. Si la gauche la repousse, au contraire, le parti clérical rejettera sur elle Ia responsabilité de la non-création des écoles et l'accusera d'avoir sacrifié les intéréts de l'enseignement a une mesquine question de parti. Encore une fois, c'est fort bien trouvé, et la droite vient de donner la la preuve d'une adresse politique qui n'est pas dans ses habitudes. Nous ne croyons pas, cependant, qu'elle en tire tout le parti qu'elle en espère. La droite aura beau protester de ses sympathies en faveur de l'enseignement laïque, ses véritables sentiments sont trop connus en matière d'enseignement pour qu'elle ait quelque chance que le public s'y mé- prenne. Elle en sera done pour ses frais. II y a bien les imbéciies pour qui loute parole du clergé est parole d'évangile. Mais les imbéciies nous im portent peu et nous en laissons volontiers la clien tèle a nos adversaires. Un souci nous reste. La proposition de M. Mul ler écartêe, nous ne sommes pas sans inquiétude sur l'atlitude de la gauche vis-a visde celle du gou vernement. Déja, M.Rogier annoncé l'inten- tion de s'y rallier subsidiairement, sous le prètexte que mieux vaut encore des écoles soumises S la lei de 1842 que pas d'écoles du tout. Son exemple, nous Ie craignons fort, sera suivi par un certain nombre de libéraux de la nuance de M. Alph. Vandenpeereboom. Mais ce serait désespérer a tout jamais du libéralisme si cette honteuse tran saction veriait rencontrer l'nppui de la majorité de la gauche. Le libéralisme doit savoir raainte- nant a quoi s'en tenir sur les accommodements qu'il a eu la faiblesse, autrefois, de conclurejavec le clergé. II n'en a jamais retiré que bonte et décep- tion. Aujourd'hui qu'il ne peut plus prétexter d'ignorance, sa condescendance n'aurait plus qu'un nom trahison B/a<loi-»tioii perpétuclle. Notre immortelle Constitution Les doctrinaires de la droite, comme ceux de la gauche, ont toujours eu la bouche pleine de ces trois mots solennels, et le bon public, a force de les entendre, s'est presque persuadé qu'i's ont une signification. II ne la saisit pas bien, mais il y croit. D'oü une sorte de respect craintif, assez semblable a la peur que la pénombre inspire des gens intimidés. Encore un peu, il y aura consentement tacite a laisser traduire immortelle par immuable. La vérité est, cependant, qu'il n'y a de durable que ce qui est susceptible des changements exi- gés par la marche du temps, et qu'une Constitu tion ne peut vivre longtemps qu'a la condition de se modifier selon Ie progrès des idéés et des moeurs. Que l'on appelle immortelle l'ceuvre des Cons- tituants de 1830, pour exprimei la gloire qui leur appartiendra éternellemerrt d'avoir doté le pays d'une Constitution a laquelle nous devons quarante années de prospérité, etc., rien de mieux. Nous n'y trouverons rien redire. Mais que des hommes d'Etat qui se prétendent libé raux, e'est-a-dire amis du progrès, poussent leur respect hypocrite jusqu'a prétendre que cette Loi suprème, par une grèce spéciale, est sortie par- faite du cerveau humain, et, comme telle, Ia déclarent jamais inviolable, c'est absurde et dangereux. Dangereux, car une Constitution a laquelle on ne peut apporter de modification, est coinme une borne au milieu du chemin elle appelle la mine révolutionnaire, et il faudra qu'elle vole en éclats, tót ou tard. Absurde, car nous savons que toute ©uvre hu- maine est une suite interrompue de tètonnements et que le perfectionnement incessant est la con dition essentielie de son existence. Nil perfectum sub sole on peut avoir perdu tout son latin dans les embarras administratifs, et n'en connaitre que mieux cet adage. Nos grands politiques ne doi vent done pas I'ignorer. Nous avons, en ce moment même, sous les yeux, deux passages de la Discussion qui mon- trent combien I'immortelle Constitution h laquelle nous devons quarante anrièes de prospérité, etc., partage I'imperfection commune a toutes leschoses d'ici-bas. Et vous remarquerez, s'il vous plait, qu'il s'agit précisément de deux dispositions de- vant lesquelles 1'admiration doctrinaire touche a 1'extase. Dans le premier passage, la Discussion cri tique, juste titre, la loi du 6 avril 1847 sur les offenses envers les souverains étrangers dont il fait ressortir, avec une irresistible force de logique, le caractère arbitraire et éminemment réactionnaire. Une pareille loi n'est-elle pas la condamnation éclatante de l'article d'une Constitution qui per met qu'elle existe, tout en proclamant l'inviolable droit des citoyens a manifester librement leurs opinions en toute matière? Le second passage de Ia Discussion a trait a l'article 19, qui seroble avoir voulu consacrer la liberté de réunion, comme l'article 14 celle des opinions. Notre confrère prouve qu'il en est de l'une comme de l'autre, et s'il voulait passer en revue toutes les dispositions constitutionnelles qui visent les libsrtes fondamentales du citoyen, il constateraitaisément qu'il en est de toutes comme de ces deux-lé. Chaque article, en effet, possède une petite queue, in caudd venenum, dont l'élasticité se prête admirablement a toutes les eritreprises de l'arbitraire. Certainement, la Belgique a le droit de se montrer fiére de sa Constitution; mais il ne faut pas que le fétichisme nous égare au point de la considérer comme le dernier mot de la science po-

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L’Opinion (1863-1873) | 1871 | | pagina 1