JOURNAL D'YPRES DE L'ARRONDISSEMENI
Prix nes aiIroxceü
YPRES, Dimanche
Nemième année. N° 30.
23 Juillet 1871.
Paraissant le dimanche.
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Toujonrs les mêmes
La reunion générale de l'Association libérale a eu
lieu mardi dernier. 32 membres y assisiaient. 32 sur
180 dont se composait l'Association dans les jours
prospères, ce n'est pas beaucoup. Aux réunions du
comité on avail compló la première fois 7 membres,
la seconde fois 11, sur 30!
Dans l'assemblée générale, i! y avait deux délégués
de Poperinghe. De la campagne, personne.
Néanmoins, avec un courage digne d'un meilleur
succès, M. Henri Carton, ex-commissaire du gouver
nement, a pris la parole.
II a dit que la candidature pour le 27 iuillet a été
offerte a M. Van Merris!a M. Pierre Beke (M. Beke
fait un mouvement de tête trés prononcé, mais dont
le véritable sens nous échappe). Tous trois ont
décliné a lui-méme, l'honneur. Quant a lui, il a rem-
pli une longue carrière; il a administré l'arrondisse-
ment pendant 25 ans il a administré l'arrondisse-
ment pendant 25 ansil a droit au repos. II n'a done
pas cru devoir se rendre aux désirs de ses amis, ni
accepter une candidature pour le moment. (M. Carton
souligne particulièrement ces derniers mots.) D'ail-
leurs, continue-t-il, le moment n'est pas favo
rable. Nos adversaires présentent un notaire de Po
peringhe et les notaires de l'arrondissement, chez qui
les sympathies de corps sont trés vives, voteronl tous
pour leur collègue. M. Carton croit en conséquence le
moment peu opportun pour la lutte. II espère que le
revirement en faveur du parti libéral se fera bientót
grêce aux fautes accumulées de ses adversaires.
Aujourd'hui, le parti libéral, selon lui, doit s'abtenir.
M. Carton expose longuement les diverses formes de
l'abstention et conclut en disant que si le candidat du
parti clérical obtenait plus de 1,000 voix, le résultat
permeltrait a ce parti, en se comptant, d'organiser
pour les élections législatives, communales et provin
ciates de l'année prochaine, une victoire assurée.
Puis, sur la demande que ceux qui sont partisans de
l'abstention se lèvent, beaucoup des 32 sont debout,
d'autres continuent leurs conversations particulières
et le tour est joué.
Tel est en substance le récit trés exact de ce qui
s'est fait et dit mardi a l'Association.
Quelles amères réflexions ont dü faire, part eux,
les principaux acteurs de cette scène et quels ensei-
gnements pour tous dans cette triste et rapide chute
dont nous sommes témoins.
La voila done cette Association puissante, bouclier
du libéralisme yprois, modèle des reunions poli-
tiques 1 Le voila ce comité directeur, ou mieux dirigè,
qui a enregistré si docilement pendant 25 ans les
volontés du maitreQue sont devenus tous ces fidèles
qui faisaient corlége aux puissants du jour 1 lis
quémandaient dés places, des faveurs il leur fallait
des honneurs, des profits. Et quand, par un de ces
revirements fréquents dans les pays constitutionnels,
la puissance s'est déplacée comme le vent, e.ux, plus
rapides que le vent, s'en sont allés adorer d'autres
dieux.
II y a 35 ans que le parti libéral commenca la lutte
a Ypres. II y a exercè pendant de nombreuses années
une prépondérance marquée. Quelques-uns de ses
chefs jouissaienl d'une popularitó réelle. Quelle n'eut
pas été la force de ce parti si leur politique avait été
différente, si elle avait marchédroit au but conformé-
ment aux doctrines et aux engagements, au lieu
d'être une politique d'expédients, si l'on n'avait pas,
par des concessions ridicules a d'implacables adver
saires, par des faiblesses ealculées, sacrifianl les
intéréts les plus vivaces du parti a une vaine popu-
larité, découragé, aliéné les plus convaincus, les
plus énergiques
La politique personnelle a eu a Ypres comme ail-
leurs le sort qu'elle devait avoir. Pendant longlemps
on a tendu tous les ressorts et un jour les ressorts se
sont brisés et la machine s'est trouvée par lerre. A
défaut de convictions qu'on ne voulait pas former,
qu'on ne pouvait pas former puisque les chefs eux-
mêmes abdiquaient celles qu'ils avaient proclamées
autrefois, on a distribué honneurs et faveurs aux
plus soumis, on a fait peser la crainte el la menace
sur les douteux. La conviction, ce que la conscience
de I'homme a de plus sacré, est devenue une mar-
chandiseau plus offrant. Et le jour oü la distribution
des profits est passee en d'autres mains, le jour oü
avec la puissance s'est évanoui le moyen de nuire,
oü les menaces sont de venues, comme les foudres du
Vatican, un feu-follet, ce jour-la plus personne!
All I qu'il est profond dans sa naïvetè ce cri arra-
chè a l'ême endolorie de M. Henri Carton Comment!
eux aussi, ces notaires que vous avez fait notnmer,
dont vous avez placé les fils, les frères, les neveux,
les cousins, les arriëre-cousins, ces notaires dont
l'ambition a été bourrée de places de bourgmestre,
d'échevin, de conseiller communal ou provincial, ils
vous abaudonnent 1
Et lui surtout, lui, lë fort des forts, Ie preux an
tique, le chevalier sans peur et sans reprocbe 1 Tu
quoque, fili mi. Tous, vont voter pour leur collègue
de Poperinghe 1 A quoi servent présent toules ces
faveurs, toutes ces places données a des cléricaux de
la plus belle eau, le plus souvent au détriment de
libéraux éprouvés? On espérait se les altacber. Y a-
t-on réussi? Non aussitót eti possession de la place,
ils se sont déclarés contre leurs protecteurs.
Etcependant, malgré tine lecon si rude, on semble
vouloir suivre les mèmes errements. A force de pres-
ser sur l'opinion publique, on se l'est alienée. L'As
sociation qui n'a jamais été qu'un instrument de do
mination pour le plus grand bénéfice de quelques
habiles, l'Association n'a plus aucun prestige. Per
sonne n'en veut plus. Elle est morte. L'immense ma-
jorité refuse dorénavant de subir encore le mot
d'ordre. On repousse les candidatures bêciées dans
un petit cénacle. Chacun exige a bon droit d'élre
consultè. Cette volonté est si claire, si manifeste au
jourd'hui que ne pas l'apercevoir c'est fermer volon-
tairemenl les yeux a la lumière.
S'est-on conformé a cette volonté?
Nullement. Depuis l'échec de l'an passé, aucune
réforme n'a été proposèe et M. Carton nous a appris
mardi que, dans le sein de l'Association, tout s'est
passé comme aux jours de la toute-puissance de cette
assemblée. Pareils aux marquis de l'ancien régime,
ses chefs croiraient-ils done déroger en s'inclinant
devant la volonté générale?
Nous disons que tout s'est passé comme autrefois.
Comme autrefois l'assemblée étail composée en majo-
rilé de l'elément non-électeur comme autrefois on a
voté par assis et lever, sans contróle aucum, sans ga
rantie d'indépendance aucune comme autrefois le
comité s'est fait auprès de l'assemblée l'interprête
de la volonté d'une infime coterie.
En vertu de quel droit done 32 ont-ils voté l'ab
stention, c'est-a-dire l'agonie de tout un parti? On a
offert, dit-on, la candidature a MM. Van Merris,
Pierre Beke et Henri Carton. Qui a fait ces offres et
au nom de qui ont-elles été faites? II n'appartient 1
personne de disposer de la volonté des électeurs libé
raux sans mission régulière.
Une candidature a M. Van Merris! Y songe-t-on,
grand Dieu L'homme le plus impossible parmi les
impossibles! Mais ne sait-on pas que M. Van Merris
est la cause la plus immédiate de l'échec du 2 aoüt?
On a voulu l'imposer au public, il y a deux ans, mal
gré tous les avis, toutes les supplications contraires
disons-le en passantce sont encore quelques vo
lontés isolées qui l'ont voulu. Aussitót de nom
breuses protestations ont surgi. Un premier avertis-
sement ne suffit pas pourtanton persista, on s'en-
lêta. Vous savez le resle. Cette rude lecon qui ne
date pas d'un an esl-elle déja oubliée? II faut le
croire en voyant ce qui s'est passé a l'Association
mardi. Toujours les mêmes, disait quelqu'un au
sortir de la séance. Ces incorrigibles n'ont jamais
rien appris ni rien oublié. C'est pour eux qu'a été
fait l'adage latin
Quos vult perdere Jupiter dementat.
Finis doctrinee.
Et voila oü nous en sommes après vingt-cinq
années d éducation politique sous les auspices de
la fameuse Association qui devait liberaliser notre
arrondissement. Le jour oü les frères et amis ne peu-
vent plus compter sur la faveur du gouvernement
•pour agir sur le corps électoral, ils sont forcés de
confesser leur impuissance et de renoncer a une
lutte dont ils ne prévoyentque trop Tissue fatale.
Ainsi se trouve justifié tout ce que nous avons
écrit dans YOpinion depuis bientót neuf années.
Car I'Opinion a été fondée précisémentpour battre
en brêche les procédés déteslables de ^Association
et pour populariser l'idée d'une organisation
sérieuse du parti libéral dans notre arrondisse
ment. lelie est la mission que nous nous étions
assignée et que nous croyons avoir fidèlement nc-
complie, avec plus de persévérance, hélas I que de
succès.
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